Chronique d’un réveil Ricoré

 

talons_aiguilles.jpgOn aimerait tous, tous les matins, attaquer la journée du bon pied. Dans un monde parfait, on ne serait pas contraint de mettre un réveil pour se lever. On ouvrirait les yeux quand l’envie se ferait ressentir. On ne serait pas tenté de repousser le lever dix ou quinze minutes plus loin. Les volets ou les rideaux laisseraient entrer, dans la chambre, une douce lumière à laquelle les yeux s’acclimateraient tranquillement. Le gros chien du voisin n’aboierait pas. Son maître ne laisserait pas le moteur de sa voiture tourner pendant dix minutes avant de partir au travail. La voisine du dessus n’évoluerait pas sur les lattes de son parquet déjà juchée sur six centimètres de talons aiguilles.

 

 

 

gerome_-_harem_women_feeding_pigeons_in_a_courtyard.jpgOn prendrait le temps de s’étirer, de sentir son corps se réveiller, muscle après muscle, après une bonne nuit de sommeil. On se concentrerait sur les chants des oiseaux, les roucoulements des pigeons amoureux. On se garderait de commencer à dresser la liste mentale de toutes les tâches de la journée. Les yeux à peine ouverts, on ne s’empresserait pas de saisir son téléphone portable pour y dénombrer les nouveaux mails à ouvrir dans sa boîte. On ne se laverait pas les dents sous la douche tout en prêtant une oreille mouillée aux nouvelles d’un monde en désordre et en adressant des consignes aux enfants. Parce que le printemps est installé et que les températures sont dignes d’un mois de juin, vos filles n’essaieraient pas de passer en force des robes d’été et des pieds nus dans des sandales ouvertes. Dans le même temps, votre fils n’organiserait pas une lutte à mort entre ses transformers dans des bruits de scie électrique.

 

 

 

Jacques Salome.jpgAvec vos enfants et votre conjoint, vous auriez toujours en tête toutes les techniques de communication positive et, jamais, bien sûr, votre capacité à passer de la théorie à la pratique ne s’essoufflerait. Dans ce monde parfait aux débuts parfaits de journées parfaites, vous ne diriez jamais à votre enfant ou à votre conjoint : « TU n’aurais pas pu y penser avant ! » mais plutôt « JE me sentirais mieux si tu ne me demandais pas les choses à la dernière minute ».

 

 

 

nestl-kawa-rozpuszczalna-nescafe-ricore-250g.236471.2.jpgLes petits-déjeuners seraient aussi parfaits que dans les publicités Ricoré des années 80. Vos enfants, souriants, impeccables, dresseraient la table. L’ami boulanger apporterait du pain et des croissants aussi chauds que croustillants. Votre conjoint rentrerait de son footing quotidien, la grosse boule de poils le précédent de plusieurs foulées. Bien que transpirant, vous l’accueillerez en héros et vos enfants également. Vous seriez détendue et votre sourire naturel n’aurait rien à envier à celui qui pourrait vanter les vertus d’un dentifrice. Les visages de tous les membres de la famille disparaîtraient derrière des bols taillés pour le papa ours de l’histoire de Boucle d’Or. Alors, est-ce parce que chez vous, personne ne s’est converti au mélange café-chicoré que, rien, jamais, encore, ne se passe comme dans la publicité ?

 

 

 

Le-petit-dejeuner-de-la-famille-souris.gifContinuant, secrètement, de caresser le rêve de ressembler un jour à cette famille Ricoré et parce que vos enfants ont grandi, vous avez renoncé à cette habitude qui consistait à vous lever la première, à vous préparer sans bruit dans la salle de bains, à avancer sur la pointe des pieds dans le couloir desservant les chambres pour ne pas courir le risque d’être surprise par un des enfants, à ouvrir avec une infinie douceur la porte donnant sur la cuisine salle à manger pour prendre, dans le calme, votre petit-déjeuner.

 

 

 

Van houten.jpgDésormais, à la table du petit-déjeuner, vous occupez, en général, la place la moins confortable (à proximité du réfrigérateur et des tiroirs) quand, bien sûr, vous arrivez à vous asseoir. Votre mari a mis tous les enfants en mode chocolat chaud et, le matin, le jeu consiste à terminer son bol. Si le papa reste fidèle depuis des années et des années à ses biscottes beurrées nappées de miel, votre aînée plonge sans fioritures ses biscottes sèches dans son chocolat. Numéro deux met du beurre salé sur des cracottes que vous cassez une fois sur deux et numéro trois se contente de miel. Il n’est pas rare qu’un verre de jus de fruits se déverse sur la table, que sa marée orange poursuive sa route le long des pieds de la chaise et finisse par se répandre sur le damier noir et blanc. Comme vous ne voulez pas traumatiser à vie votre enfant ou stigmatiser sa maladresse, vous le réconfortez, vous lui dîtes que ce n’est pas grave, que cela arrive à tout le monde et vous épongez le liquide sucré. La boule de poils est venue patauger dans la flaque. Elle en a sous les pattes. Il n’est pas rare, non plus, qu’une biscotte chute dans un bain lacté mouchetant par la même occasion d’auréoles gris foncé la chemise fraîchement sortie du placard. Vous respirez à fond et maudissez cette image Ricoré de petits-déjeuners idylliques qui a fait naître en vous le désir d’une grande famille !

 

 

 

header_boulangerie.jpgBientôt l’heure de partir à l’école. Cela fait déjà trois fois que vous demandez à vos enfants de se laver les dents. Votre thé est noir et froid. Avez-vous seulement avalé vos tartines ? Vous ne vous le rappelez pas ! Vos yeux font semblant de ne pas voir la serpillère qui a servi à éponger le jus de fruits renversé, à nettoyer les traces collantes laissées par les pattes de votre chien. Elle est là, par terre, près de la baie vitrée. Enroulée sur elle-même, elle attend qu’on la nettoie. Vos enfants sont enfin arrivés dans la salle de bains. Ils se chamaillent au-dessus du lavabo. Vous respirez plus profondément encore et vous essayez de comprendre pourquoi, chez vous, la reconstitution d’un petit-déjeuner Ricoré ne semble pas possible. Dans la publicité, les enfants sont plus grands que les vôtres et donc plus autonomes. Ils n’ont plus besoin de personne, à la table du petit-déjeuner, pour préparer leurs tartines. Dans la publicité, la scène se déroule pendant les vacances ou durant un week-end. L’ambiance est alors forcément plus décontractée que pendant les jours travaillés. Puis, vous trouvez la solution : vous n’avez pas d’ami boulanger ! Le pain frais et les croissants chauds ne s’invitent pas à la table de votre petit-déjeuner familial! Vous vous donnez quelques jours pour remédier à cela !

 

 

 

chanson Ricore.gifBon petit-déjeuner à tous  et en chanson!

 

 

 

Anne-Lorraine Guillou-Brunner