Ah, ce plaisir toujours intacte de pénétrer dans une salle obscure, de laisser son corps se couler dans un fauteuil confortable et se réjouir de se laisser emporter dans une histoire, de devenir le ou les personnages du film, de rire et de pleurer avec eux, d’aimer et d’espérer. Je suis au nombre de ces personnes qui rentrent complètement dans une histoire. Je me rappelle encore mes larmes alors, qu’en classe de CM1, dans une petite école publique du Mans, notre institutrice nous avait projeté « Crin Blanc ». Nous étions mal installés sur des bancs très durs et, forcément, nos dos se voutaient lamentablement au fil de la projection. La pièce était plongée dans le noir. J’avais tout à fait oublié que j’avais des camarades autour de moi. J’étais en Camargue. Je m’étais prise de passion pour « Crin Blanc » et, avec lui, je défiais les vagues de la Méditerranée pour rejoindre cette île où les chevaux et les enfants vivent heureux éternellement. De grosses larmes roulaient sur mes joues que j’avais essuyées vivement pour que les autres, dont les yeux étaient restés secs, ne s’en rendent pas compte.
Je me souviens de mon chagrin quand j’ai pensé qu’E.T allait mourir sans revoir sa famille, sa maison. Je l’avais vu en France la première fois, dans un cinéma, à Rochefort-sur-Mer et, une seconde fois, en Allemagne, avec ma correspondante, Evi. Le « E.T nach Hause telephonieren » est resté gravé dans ma mémoire. Nous étions en 1982. J’avais treize ans ! Un peu plus tard, avec notre père, j’ai rarement autant pleuré qu’en regardant, depuis le vieux canapé marron foncé typiquement années 70, de notre vieille et bonne maison de Pont-Saint-Esprit, sur l’écran de l’une des premières télévisions en couleur, « l’incompris » de Luigi Comencini, cinéaste italien spécialisé dans les films à haut pouvoir lacrymal tels que « les aventures de Pinocchio », « la storia » ou bien encore « un enfant de Calabre ». « L’incompris » est un film tragique qui raconte comment un père, désemparé après la mort de sa femme, demande à son fils aîné de se montrer fort pour son petit frère. Le père ne voit pas la souffrance dans laquelle se débat son aîné qui, à la suite d’un jeu stupide, se blessera mortellement. Je pleurais tant que je hoquetais et, à mes côtés, notre père pleurait silencieusement.
A vingt-deux ans, je sortais en larmes d’une salle de cinéma du boulevard Montparnasse après y avoir vu « Edward aux mains d’argent ». Ces dernières années, des films comme « y-aura-t-il de la neige à Noël ? », « Welcome », « une séparation », « Mademoiselle Chambon », « Slumdog millionnaire », « vas, vis, deviens », « des hommes et des dieux », « Wadjda » ou bien encore « béliers » m’ont bouleversée.
J’aime tant le cinéma que je fais très attention à ne pas être déçue. Je choisis vraiment les films que j’ai envie d’aller voir. En général, je ne me trompe pas. Je ne lis pas les critiques de cinéma. Je ne me fie qu’à mon instinct et à l’avis d’amis proches avec lesquels je partage la même sensibilité. Plus les années passent et plus je me protège. Je laisse les films durs comme « les innocentes », « l’homme qui répare les femmes ». Je n’irai plus jamais voir un thriller dans l’esprit de « seven ». J’ai dû, sans doute, en partie, dépasser cet instinct sadique qui nous pousse à lire et à voir des choses horribles. Plus le temps passe et plus j’ai envie d’aller voir des comédies, des films légers qui apportent joie et espoir comme « le fils de l’épicier », « tous les soleils », « le goût des merveilles », « l’échappée belle », « la famille Bélier », « comme un avion » ou « Marseille ».
Le dernier film que j’ai vu et adoré est « médecin de campagne ». Nous y sommes allés un samedi en début de soirée. Nous avons laissé les enfants à la maison. C’était le long week-end de Pâques. La grande salle était presqu’entièrement remplie. Si j’aime voir les bande-annonce des films à venir, je ne supporte pas ces publicités locales ringardes qui sont la signature des cinémas de province. Mêmes nationales, voire européennes, les publicités sont devenues sans intérêt. A la grande époque de « Culture pub », émission géniale présentée par Christian Blachas et Anne Magien (quand je la regardais), les publicités pouvaient être de vrais chefs d’œuvre. Cette époque est révolue !
J’avais déjà adoré « la maladie de Sachs », adapté du roman éponyme de Martin Wickler et porté par un Dupontel extraordinaire. J’étais certaine d’aimer « médecin de campagne ». Stéphane y allait un peu à reculons. La maladie, le sang, la souffrance, il préfère les mettre à distance. Mais, ce dimanche de Pâques, j’étais déprimée. Impression de tourner en rond comme un lion dans sa cage ! Le film raconte le quotidien d’un médecin de campagne qui, pour des raisons de santé, va être contraint de se faire aider par un confrère, une quadra devenue médecin après avoir exercé le métier d’infirmière aux urgences. Le médecin ne fait rien pour l’accueillir. La solitude l’a rendue sauvage. Il aime se débrouiller seul. La vraie vie des médecins ruraux se déroule sous nos yeux : début des consultations à domicile à partir de sept heures, de longs trajets en voiture sur des routes pas toujours très praticables, des cours de ferme boueuses, des jarres hostiles, une salle d’attente bondée, des familles entières, des pathologies très diverses et une véritable écoute du patient, une prise en charge des maux du corps et de l’âme. Dans ce film si sensible, tant de sujets sont abordés avec finesse : la fin de vie à domicile, la dépression, le handicap moteur et mental. Au travers du quotidien de ce binome, c’est la vie du village qui se fait jour : les soirées country, les réunions municipales, le débat autour de la création ou non d’une maison de santé, la peur de se retrouver sans médecin.
Derrière le visage de François Cluzet apparaissait celui de Marc, notre ancien médecin traitant devenu un ami. Je me rappelle notre première rencontre. Il était assis dos à la fenêtre dans une pièce tenant plus du salon-bibliothèque que du cabinet médical. Je discernais mal ses traits mais je devinais que ses yeux étaient gris. Sa chaîne était toujours branchée sur France musique. Il passait du classique au jazz. Il aimait la peinture. En Centrafrique, pendant sa coopération, il s’était amusé à revisiter sa chambre à la manière de Van Gogh. Il était né en Algérie peu de temps avant l’indépendance, le départ pour la métropole. Il avait deux perroquets, une femelle et un mâle. Leur plumage était abricot et leur langue bleue. Le mâle aimait bien siffler les fonds des verres de vin, surtout le porto. Marc était un médecin de campagne hyper compétent. Sa salle d’attente était toujours bondée. Elle était une vie en accéléré : on y voyait des nourrissons avec leurs mamans et des vieillards avec leurs enfants. Marc prenait le temps d’observer le corps, d’écouter son patient tant dans ses mots que dans ses silences. Son diagnostic était percutant. Il n’avait pas vraiment choisi la médecine. Il aurait aimé être vulcanologue. Il avait soutenu sa thèse de médecine sur l’écrivain Céline. Il partageait son temps entre les visites à domicile et les consultations à son cabinet qu’il avait aménagé au rez-de-chaussée de sa maison. Hormis quelques grincheux ou jaloux, tout le village l’aimait et le respectait.
Et puis, un jour, Marc nous a appris qu’il allait déménager. Nous nous sentions littéralement abandonnés ! Il a vendu sa maison, confié ses meubles à des amis et il s’est embarqué avec ses perroquets, depuis le port de Quibron, pour la ville du Palais à Belle-île-en-Mer. La vie sur l’île n’a pas duré longtemps. Quand on est marathonien, on peut vite tourner en rond sur une île aussi belle soit-elle ! Il a retrouvé le continent à Cancale et, après les huîtres, il est parti exercer en Vendée. Sa maison a été achetée par un jeune couple très sympathique venant de Bretagne, un couple très investi dans la vie du village. Ils ont procédé à d’importantes transformations. Depuis que Marc est parti, il ne s’est pas écoulé un jour sans que je pense à lui en passant devant la maison dont les volets ont changé de couleur.
Si Marc était resté, je pense que nous aurions noué une collaboration très agréable et, quand nous aurions été rattrapés par le désarroi qui touche ceux qui sont tellement dans l’écoute des autres qu’ils s’oublient eux-mêmes, nous aurions pu nous aider. Tous deux, nous avions des âmes de citadins. Paris nous manquait. Marc était plus contemplatif que moi et, finalement, un vrai solitaire. Il était devenu médecin de campagne. Je suis une sophrologue en sabots ! Il nous avait promis un couscous (sa spécialité) que nous n’avons pas eu le temps de partager, un couscous végétarien car Marc avait cessé de consommer de la viande plusieurs années avant moi.
Marc, si tu me lis, sache qu’il ne se passe pas un jour sans que l’un de tes anciens patients me dise combien tu lui manques, combien tu étais un médecin extraordinaire et à quel point le village, sans toi, n’était plus vraiment le même.
Anne-Lorraine Guillou-Brunner
bonjour
c’est vrai je l’aimais bien ce medecin , il y a avait ses silences , une sorte de lenteur, de douceur , cette voix tres posée , un cabinet un peu sombre et tres personnel ( c’est de plus en plus rare) il y avait quelquechose d’un autre temps presque , je m’etais demandé si derriere il n y avait pas un cabinet de curiosité, dommage qu’il ait connu quelques peripeties ici et malheureusement un depart semble necessaire a beaucoup , histoire d’avoir la chance de pouvoir regretter
il est chouette ce moment ou l on sent les larmes monter, ca monte ca monte on essaie de les contenir, Anderson dans la scene ou le professeur Keating quitte sa classe, dupontel dans 2 jours à tuer…
ce blog aurait pu s’appeler hors-champ
Hors-champs, cela me plaît beaucoup! Marc était vraiment un médecin remarquable et un homme passionnant. La première fois que j’ai fait sa connaissance, je me suis demandée ce qu’il faisait là. En fait, il était de passage, éternellement de passage comme les gens du voyage qui pensent la sédentarisation possible et repartent sur les routes. Vous avez raison, il avait un côté « old fashioned ». Je me rappelle sa mauvaise humeur, en septembre, quand on venait tous le trouver pour qu’il nous signe des certificats médicaux qu’il nous donnait sans nous compter la consultation. Quand Gabriella, médecin quinqua roumaine, est venue s’installer sur la place de l’église, elle était perdue et c’est mon mari qui l’a aidée à installer son ordinateur et ses logiciels. Un de nos beaux-frères étant roumain, nous l’avions invitée à la maison. Elle est partie à la Source où elle a beaucoup de patients et, peut-être, est-elle retournée dans son pays où l’attendaient son mari et leurs enfants. Ensuite, Colette a fermé son officine. Nous nous entendions bien. J’aimais son contact un peu rugueux de fille de militaire de carrière. J’aimais quand elle racontait ses voyages. J’aimais l’ambiance qui régnait dans sa pharmacie sobre et sans mille et un cosmétiques ou poudres de perlimpimpin. La maison de santé ouvrira bientôt…Bonnes vacances à vos enfants. J’ai acheté un livre pour faire un potager bio! Je le compulse! Merci!
Colette je me souviens y etre allé souvent , petit, a une epoque ou il n y avait pas cette porte automatique ou il y avait 3 sites d’ecoles et ou l on voyait encore passer des trains , je me souviens de ce comptoir a gauche ou était posé un grand bocal de verre avec une eau de cologne violette munie d’ un petit robinet , je ne voyais pas au dessus de son comptoir , elle aurait pu alors faire fortune en vendant des batons de zan , quand , pendant plusieurs années a officié un instituteur qui mâchouillait ces petits bouts de bois pour arreter de fumer je pense, il a lancé une sorte de mode chez ses eleves, c’etait un instituteur qui donne envie , quand j’ai lu plus tard la lettre de Camus a Louis Germain , cela m’ a rappelé ce maitre d’ecole
Nous nous arretions à la pharmacie de Saint germain au retour de notre medecin de famille qui etait a Amilly, il en est le maire maintenant , il venait acheter des poulets à mes parents , ma grand mere l’avait connu enfant , quand ses parents tenaient un café à la gare de Chuelles ( qui curieusement se trouve a Trigueres , mais bon la gare de Lyon est bien à Paris) , ma grand mere disait qu il s’etait fait mordre par une vipere là bas et qu’il avait été sauvé de justesse sans doute que cela fait parti des escarmouches qui nous font choisir notre chemin
depuis nous allons a Trigueres chez une jeune medecin au caractere bien trempé et qui travaille …comme un medecin de campagne , j’ai pas mal d’admiration pour cette femme qui est venue quand personne ne venait et pour les heures quelle y consacre
nous n’avons qu’un enfant vraiment en vacances ( j’espere que le dernier trimestre ne va pas lui paraitre trop long , sinon on prendra une semaine en juin et on se fera gronder par le directeur), l’autre n’ayant pas fait de rentrée est toujours en vacances ou presque
j’ai commandé un exemplaire de « maintenant qu’on est là » , je trouve tres attentionné de votre part que vous me vendiez un exemplaire manuscrit ( je dis ca parce qu’avec 3 semaines de delai, ca laisse le temps de d’ecrire à la main les bouquins ….) alors que j’aurai pu avoir un exemplaire du bouquin de Sarkozy sans delai et meme dedicacé aujourd’hui , ce doit etre la rançon du succes , rupture de stock …réédition….
il y a deux jours ecoutant la radio , inter evoquait son prix littéraire et catherine Poulain , ca m’a rappelé cette chronique autour de voyages imaginaires , sinon j’avoue que ce serait passé inaperçu pour moi
bon courage pour le potager , les ennuis commencent apres la lecture du livre….les bonheurs aussi
La dernière fois que j’ai croisé le maire d’Amilly c’était à une représentation du masque d’or dans le parc de la Pailleterie. Nos enfants ont beaucoup aimé. Je me suis pas mal ennuyée. Ce que j’ai préféré: l’accueil réservé par la troupe aux spectateurs dans une clairière aménagée en salon avec fauteuils en cuir et tables basses. Cela aurait emballé un critique de Télérama…magazine que je ne lis pas car ils me fatiguent!
Marie et Sabrina, les deux éditrices des Pétroleuses édition sont en pleine liquidation judiciaire et cette annonce m’a rendue très triste. Elles avaient un vrai amour pour la littérature et un vrai respect pour les auteurs. On a fait un super travail ensemble! Mais, c’était le pot de terre contre le pot de fer! Comment résister face aux géants de l’édition qui ont des sociétés au Panama comme Glénat (quelle tristesse!), peuvent diffuser les livres dans toute la France et que les gens ne lisent plus beaucoup! Je suis même étonnée que vous ayez pu commander un exemplaire du recueil. Maintenant, si vous tenez à lire Nicolas et à avoir sa dédicace, je comprendrais…Je suis heureuse que vous ayez envie de lire mes petites histoires douces-amères comme nos vies, comme le ciel au-dessus de nos têtes. S’agissant de la dédicace, je serais ravie de l’inscrire sur le recueil. Je ne suis pas difficile à trouver et je pourrai vous montrer mon potager. Je n’ai encore rien fait…je lis! J’ai déjà compris toutes les erreurs que nous avions commises lors de notre premier essai. Mon agriculteur papoteur a semé son maïs et traité son champ. Passez une agréable soirée. Je vais lire la lettre de Camus. Je ne la connais pas.
Concernant la dédicace j y faisais reference car paraît il notre ex président dédicaçait ce jour son livre dans » l espace culturel Leclerc » de montargis je mets tout entre guillemet , sinon les dédicaces je n en vois pas vraiment l intérêt , ma belle sœur m’a mis un petit mot dans un livre qu elle m’a offert j en étais content, voilà une bonne façon d écrire sur un livre
Je vais lire car j aime les nouvelles c était quasi tombé en désuétude et puis ca revient depuis quelques années deja , je cherche toujours des nouvelles car ce sont elles qui m ont redonné ou plutôt donné envie de lire et je trouve assez marrant qu il y ait une écrivaine dans le coin
Avec le jardinage vous pourrez râler comme un agriculteur , trop chaud , trop froid , trop de pluie …
Encore un traitement et il devrait en avoir fini des pesticides sur maïs
Le pot de taire contre le pot de faire , c est une expression que j ai lu à propos de l association bleublanczebre de l écrivain Alexandre jardin j avais trouvé ça bien vu
La réponse de louis Germain a camus est bien aussi ces valeurs ne sont j espère pas perdues
Bonne soiree
Cela m’a beaucoup amusée de penser que notre ex-président de la République dédicacait son livre au centre Leclerc. Je l’aurais bien imaginé au milieu des petits lapins et des poules animés constituant le décor pascal! Est-ce que Carla était là aussi, avec son filet de voix et sa guitare sèche? Les nouvelles sont un genre littéraire que j’ai toujours aimé. J’ai été nourrie au sein de Daudet et de Maupassant. Une nouvelle, c’est comme une vie en accéléré. Alexandre Jardin est un homme profond qui fait beaucoup pour la jeunesse. J’aime sa modestie et la manière dont il a su transcender l’histoire de sa famille pour trouver la voie du bonheur. Ce n’était pas gagné! Le bonheur est une route difficile. S’agissant des dédicaces, je n’offre jamais un livre sans le dédicacer et je suis triste quand on m’en offre sans le faire. La dédicace, pour moi, c’est ce qui donne ce supplément d’âme, qui fait que le livre devient unique. C’est vrai que la dernière période d’école sera longue pour les enfants. Mais, il y aura le long pont de l’Ascension. Passez une agréable journée. Je pars retrouver le Rhône et le Ventoux. J’ai glissé mes sabots dans ma valise! Et notre deuxième fille veut présenter la sophrologie à sa classe de CM2.