Chronique des treize ans (rentrée scolaire)

stand by me.jpegVoilà, c’est fait ! La rentrée est presque passée. Ce matin, il reste à notre « grande », notre Céleste, de retrouver les bancs du collège pour son année de quatrième. Depuis hier, la tension monte. Elle s’inquiète de savoir avec quelles amies proches elle vivra cette année, une année difficile tant du point de vue scolaire que du point de vue des bouleversements physiques. Treize ans, c’est l’âge des amitiés « à la vie à la mort », des serments de scouts ou de Sioux, des émotions tsunami et du fluide. Céleste aura treize ans le quinze septembre. J’espère que ses amies et elle pourront profiter de la piscine. J’écris « amies » au féminin car cette année, Céleste ne souhaite inviter que des filles. Ce sera une ambiance cent pour cent gynécée !

fournitures-scolaires-rentrée-2015-2.jpgDepuis plusieurs jours, dans toutes les familles, on prépare activement la rentrée. Certains, comme moi, ont fait tous les achats de fournitures scolaires au tout début des grandes vacances pour éviter la bousculade de pré rentrée et les scènes d’hystérie. Les fournitures scolaires biffées sur les listes, il reste à habiller et à chausser les enfants. C’est bien connu : l’été, les enfants sont comme les plantes. Entre le soleil, la pluie et l’exercice, ils poussent vite et bien. Les pantalons de Louis étaient résolument trop petits, de même que ses chaussures. Louis ne demande jamais rien. Il me fait interdiction de jeter ses chaussettes trouées. Il conserve comme des reliques saintes plusieurs paires de baskets éventrées qu’il utilise pour jouer dans le jardin humide ou quand il n’a pas envie de se rappeler ce qu’il a fait des autres ! Victoire a beaucoup grandi l’an passé et c’est une enfant (on peut encore parler d’enfant à onze ans !) très raffinée qui, en matière de mode, ne laisse rien au hasard. Quant à Céleste, au style très sportif et décontracté, elle a des pieds qui n’en finissent pas de pousser ! L’année dernière, tous les trois mois, ses orteils butaient obstinément contre le bout de ses nouvelles chaussures. Comme il est possible que notre chère maman, depuis le massif de l’Estérel me lise, je m’empresse de remplacer « chaussures » par « souliers » !

Victoire shopping.jpgA Paris, au retour de la Haute-Corse, avant de regagner notre plateau offert au vent du nord, notre océan céréalier grillé par un soleil mordant, les filles se sont régalées dans les boutiques et ont trouvé leur tenue de rentrée. Louis ne voulait rien mais il a littéralement craqué devant deux paires de chaussettes, une paire « Spiderman » et une paire « Batman » à l’arrière desquelles sont cousues des capes noires. Pendant deux jours, il a sillonné Paris avec son ukulélé rouge et ses paires de chaussettes volantes qu’il avait sciemment dépareillées car c’était bien plus rigolo. Dans les couloirs du RER, les quais du métro, les rues de Paris, il se taillait un franc succès !

demoiselles de Rochefort.jpgCéleste aura treize ans le quinze septembre et, pour nous, cela fera onze ans que nous vivons ici, à la campagne, au rythme des saisons et des travaux dans les champs. Je ne sais pas comment sera l’année de quatrième de Céleste mais j’espère qu’elle sera moins agitée que la mienne au même âge.

Hermione neuve.jpgA treize ans, avec ma famille, je vivais en Charente-Maritime, dans une ville célèbre pour sa corderie royale, berceau de la nouvelle Hermione, la maison extravagante de Pierre Loti, ses marins à pompons rouges et ses sœurs jumelles nées sous le signe des gémeaux : Rochefort-sur-Mer. Je n’aimais ni mon collège ni ma classe. Nous avions un professeur de musique qui nous maltraitait toutes les semaines et un professeur de français, également professeur de tennis, qui moquait mon accent « pointu » quand je récitais le magnifique « heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage » de Joachim du Bellay. A treize ans, je vivais au dernier étage d’une propriété de l’Etat, dans une chambre sinistre, avec un papier peint vert délavé. Je m’opposais très violemment à ma mère qui n’était pas armée pour m’accompagner dans ma transformation. J’espérais mon père qui n’était presque jamais là ou, quand il était là, s’abimait dans ses pensées et ses lectures. D’une susceptibilité redoutable, je finissais rarement un repas en famille. Je quittais la table en claquant la porte. Héritage paternel ! J’avais quelques rares amies que j’adorais. Je portais des jeans, des grands pulls et des écharpes indiennes parfumées à l’encens. Mes longs cheveux châtains flottaient toujours dans mon dos. Cela désolait ma mère qui me trouvait plus jolie avec les cheveux relevés qui dégagent le visage et la nuque. Je dis exactement la même chose à Céleste aujourd’hui! Je m’endormais avec mes cours tout autour de moi en suçant des bonbons au miel. Ce qui me valu plusieurs séances chez le dentiste alors que je n’avais jamais eu une seule carie. Je m’éloignais de mes parents. Je restais proche de ma sœur qui, elle, avait une tendance à la disparition involontaire. Elle s’abstrayait de son environnement de manière si puissante qu’on la croyait perdue alors, qu’enfoncée dans un fauteuil marron, dans un petit salon, au premier étage de cette immense baraque, elle regardait la télévision.

magic-seance-2.jpgDe mon côté, je ne savais pas m’abstraire mais, avec mon petit groupe d’amies, nous nous essayions au spiritisme. J’étais chargée du verre en cristal que je dérobais dans l’un des placards, verre appartenant à l’Etat et dédié aux dîners avec bougies, centre de table, serviettes en coton damassé, argenterie, et, dans cette ville aux trois armes, aux gradés de la Marine, de l’armée de Terre et de l’Air. Lors de nos séances de spiritisme, nous convoquions des disparus à notre table qui, bien sûr, bougeait, sur laquelle, le verre se déplaçait pour former des lettres avec les papiers que nous y avions disposés. Un jour, fatalement, notre mère qui ne plaisantait pas avec les propriétés de l’Etat, s’aperçut que plusieurs verres avaient disparu. Les esprits qui s’invitaient lors de nos petites réunions n’avaient pas tous l’élégance de prendre soin des verres en cristal achetés grâce au budget alloué tous les ans pour le bon fonctionnement de la maison.

potter_1.jpgCraignant que ma mère n’en vienne à accuser de maladresse l’une des dames charmantes qui officiait dans la maison, j’avouais tout. Je ne me rappelle pas si je fus punie mais je sais que ma mère m’expliqua alors, avec beaucoup de sérieux, qu’à l’adolescence, on était plein de fluide et qu’il ne fallait pas s’amuser avec des forces qui pouvaient se révéler dangereuses. Ces séances s’étant révélées assez perturbantes, je n’ai plus recommencé et les invités n’eurent jamais à boire dans des verres en ver ! Dans certaines familles de hauts-fonctionnaires, on ne plaisante pas avec le domaine public !

adolescence.jpgJe souhaite de tout mon cœur de maman à Céleste de vivre une treizième année heureuse et harmonieuse. Je sais que nous nous opposerons. C’est normal ! C’est dans cette opposition saine que nos adolescents se construisent et puisent la force, un jour, de partir. Nous sommes des parents destinés, avec le temps, à vivre à la périphérie des existences de nos enfants. Mieux vaut tout de suite le savoir et l’accepter.

Stéphe et Vic rentrée.jpgDans moins d’une heure, je vais réveiller Céleste et Victoire qui, pour la toute première fois, prendront ensemble le car qui les déposera devant leur collège. Il fera frais. Chacune aura son nouveau blouson, grenat pour Victoire, bleu marine pour Céleste. Hier soir, Victoire a remis de nouvelles chansons sur son Ipod. Elle pourra les écouter dans le car. Hier, elle était si heureuse de retrouver, dans sa classe, la 6ème A, l’une de ses meilleures amies et d’autres très bons camarades qu’elle connaît depuis la maternelle. Je n’assistais pas à sa rentrée. C’est son papa qui l’y a conduite, un papa fier et pas du tout inquiet qui, pour l’occasion avait enfilé une splendide chemise banche dont les manches mal repassées disparaîtraient sous une veste. J’accompagnais Louis pour sa rentrée en CM1 et cette magnifique journée effaçait dans nos mémoires le souvenir de la rentrée 2015/2016 qui s’était déroulée sous une pluie battante. Une forêt de parapluie s’élevait au-dessus de la cour et la directrice, stoïque, appelait les enfants classe par classe. Elle n’avait pas de parapluie et personne n’avait songé à l’abriter.

le trio.jpgEn rentrant, Stéphane m’a raconté combien Victoire, appelée très vite par son professeur principal enseignant le français, espérait que Léa soit aussi appelée et la rejoigne. L’appel avait semblé interminable aux deux amies qui, finalement, sont ensemble. Hier soir, Céleste et Louis ont posé mille et une questions à Victoire. Victoire était heureuse que son aînée l’aide à y voir plus clair dans l’emploi du temps soumis aux aléas des groupes A et B et des semaines 1 et 2. A deux jours de la rentrée, Victoire s’était endormie tard après avoir lu la moitié du Bescherelle qui m’appartenait et qui avait été couvert avec un papier orange opaque.

filles rentrée collège.jpgCe matin, les filles partiront ensemble emmenées par l’un de nos amis. Cette année, il va convoyer quatre collégiens. De son côté, Louis sera conduit à l’école par son papa avec deux autres camarades. Il est content : une voiture de garçons !

Kraspek.jpgIl est six heures. Le plateau est plongé dans l’obscurité. La fraîcheur de cette fin de nuit s’invite dans mon cabinet par la fenêtre ouverte. Les coqs chantent. Pierre a trahi trois fois. Un âne brait. C’est l’un des musiciens de Brême. Ma sœur et mon neveu sont venus mercredi déjeuner et retrouver leur chat qui avait pris ses quartiers d’été à la campagne. Il était ravi ici ! Louis le faisait beaucoup jouer. Il s’endormait le matin sur l’un des lits des enfants. Sa présence me manque. J’aimerais beaucoup que nous ayons à nouveau un chat mais je crains que celui qui posait des pièges aux alentours, pièges retirés par les gendarmes après que j’aie remué ciel et terre pour obtenir l’ouverture d’une enquête, ne recommence.

devoir de rentrée.jpgJe souhaite une excellente rentrée à ceux qui ne retrouvent le chemin de l’école qu’aujourd’hui. Espérons que cette année de mise en œuvre de la réforme ne perturbera pas trop les professeurs et leurs élèves ! Tendre des ponts entre les matières est une excellente idée. C’est ce que faisaient déjà un grand nombre de professeurs. Ainsi, l’année dernière, les professeurs d’histoire et de français de Céleste ont organisé ensemble leurs sorties scolaires et fait travailler leurs élèves sur le Moyen-Age. Maintenant, toutes les disciplines ne se prêtent pas à cette quête de transversalité et l’attendre des professeurs n’a guère de sens !

AL Allouettes.jpegAnne-Lorraine Guillou-Brunner

 

 

2 commentaires sur “Chronique des treize ans (rentrée scolaire)

  1. Merci mon chéri de me lire depuis ton bureau, au fond du jardin. Avec les patients du vendredi, cela va être dur de tenir le cap!

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