Pour Margot, chronique d’une naissance le 31 octobre 2000.

 

Saint-Germain-des-Prés-20131030-01512.jpgCe matin, la nature était absolument sublime. Les champs étaient couverts par un maillage serré de toiles d’araignée prises dans la première gelée blanche. Trois biches étaient à l’arrêt. Fantôme est passé sans les voir. La feuille d’un chêne dansait dans l’air, suspendue à un fil invisible. La magie était partout et je ne doutais pas que de petits elfes soient pelotonnés contre la fourrure des lapins de garenne dans leurs terriers. J’ai repensé, comme tous les ans, à la même date, à la naissance du premier enfant de ma sœur et de son mari, à ma première nièce. Elle vit désormais en Californie avec les siens. Tandis que j’écris, elle dort. Ses rêves sont habités par une ronde souriante de visages aimés. Il y a toutes ses amies, sa bande d’irréductibles fashionitas, tous les copains du collège et aussi les membres de sa famille restés dans le vieux monde. Tandis qu’elle sommeille, emportée lentement vers sa journée d’anniversaire qui sera aussi sa première fête d’Halloween sur le sol américain, ses premiers « treat or track », tous ceux qu’elle aime et qui ont déjà assisté au réveil du soleil lui déposent des messages sur sa page Facebook.

 

 

 

Panneau km.jpgSa tante maternelle se rappelle son émotion quand sa sœur et son mari les avaient appelé son mari et elle pour leur annoncer qu’ils partaient à la maternité. Ils sortaient d’un apéritif assez roboratif et avaient fini de vider l’appartement dans lequel ils avaient vécu leurs trois ans ensemble dont une seule année vraiment tous les deux, la dernière, après leur mariage, après qu’elle ait quitté Paris sans savoir que ce serait, a priori, pour ne plus jamais y avoir un vrai chez-elle. Ils attendaient la naissance de leur nièce pour s’envoler avec leurs vélos pour la Nouvelle-Zélande entrée en matière d’un tour du monde. Dés qu’elle avait su que sa sœur allait accoucher, tout son corps avait réagi comme si elle s’apprêtait également à donner la vie. C’est troublant pour une sœur aînée de voir sa cadette devenir maman en premier. C’était d’autant plus troublant qu’âgée de 30 ans depuis trois jours, elle se sentait l’envie forte d’être maman depuis très longtemps…

 

 

 

Saint-Germain-des-Prés-20131019-01256.jpgElle s’était sentie si loin, même si elle n’était qu’à trois heures de Paris en TGV. Alors, sa belle-mère lui avait tout de suite dit qu’elle lui offrait l’aller/retour jusqu’à Paris et, le lendemain, le visage défait, les traits tirés, elle était montée dans le train. Après une nuit sans sommeil, son corps tremblait en arrivant à la maternité. Elle avait trouvé sa sœur dans une chambre qu’elle partageait encore pour un petit moment avec une autre jeune maman. Elle avait eu envie de fondre en larmes en les découvrant sa sœur et sa nièce, la toute fraîche maman avec son tout petit enfant, cette petite fille menue aux cheveux foncés à l’œil noir et perçant. Elle avait réprimé ses sanglots, les avait écrasés au fond d’elle pour sourire. Sa soeur était et heureuse et vidée comme toutes les mamans du monde qui viennent de traverser l’accouchement, d’être traversées par la vie. L’aînée percevait aussi dans les yeux de sa cadette dont les cils étaient encore pailletés de rose, une tristesse profonde. Elle s’était assise à côté du lit. Elle se sentait sale après avoir séjourné dans le TGV, avoir emprunté le métro à l’heure des braves. Elle avait eu chaud et froid et froid et chaud, les montagnes russes de l’émotion. Elle avait complimenté sa sœur pour son bébé. Elle l’avait prise dans ses bras avec douceur. Elle savait que la laine du magnifique vêtement que sa soeur lui avait offert pour son anniversaire serait moelleuse pour le bébé.  Un absent était là entre elles et on tairait son nom. Elle avait déjà trop tendance à parler de lui et sa sœur lui avait dit qu’il fallait qu’elle arrête. C’était trop douloureux. Alors, elle avait essayé de ne plus l’évoquer et elle avait senti qu’il mourait dans ce silence. Il ne connaitrait jamais ses petits-enfants. Au moins avait-il connu ses deux futurs gendres lui qui aspirait si fort à avoir, dans une famille de femmes, des interlocuteurs masculins, des complices auxquels il aurait raconté des anecdotes hautes en couleur, des histoires de couloirs ministériels, d’anti-chambres parlementaires, de commissions européennes.

 

 

 

Pleuven-20131021-01321.jpgLe ciel était comme aujourd’hui, bleu céleste et l’air expiré faisait de la fumée. Avec son beau-frère, ils avaient été déjeuner dans un restaurant chinois. Il était là sans y être. Il était tout à son émotion de jeune papa et de mari qui avait accompagné sa femme sur le chemin de la naissance de leur fille. Il avait tellement envie de devenir père et ce jour était enfin arrivé!  Cette petite fille faisait également de deux mères des grands-mères, d’un père un grand-père, d’un mari un papi de coeur, de grands-parents des arrière-grands-parents, d’un beau-frère, un oncle, un oncle pour les vacances en Bretagne, en Corse, les sorties en mer avec le zodiac et d’une « petite » soeur, une tata, THE tata, tata des samedis soirs parisiens, des montagnes, de la glisse et du shopping. Tout le chêne généalogique poussait ses branches hautes un peu plus en direction du ciel ! Tout ça par la naissance d’une enfant, d’une adorable gentille petite sorcière. La carte familiale en était redessinée !

 

 

 

affiche_vintage_de_carte_de_vieux_monde-re7ecabf1b46647e7aef10637e5fcaca4_aizlb_8byvr_512.jpgUn très bon anniversaire pour toi de nous tous, ceux du Vieux Monde !

 

 

 

DSCF0908.JPGTa tante, Anne-Lorraine