Hier, nous étions réunis à la mairie de Bois le Roi pour entendre un vieux couple, un couple traversant la vie à la barre du même bateau depuis plus de 20 ans, un couple étonnant et détonnant se dire « oui ». A la mairie, il ne pleuvait plus et c’est une de leurs amies qui célébrait le mariage. C’était sa première célébration et elle avait le trac. C’est dur de célébrer un mariage quand la charge affective est forte. Dans son allocution aux mariés, elle a rapporté que cela faisait deux mois qu’elle assistait à tous les mariages pour être vraiment prête. Une autre amie, Babeth, femme portée par une joie de vivre et un enthousiasme peu communs a ému toute l’assistance en chantant, accompagnée de sa guitare, une chanson dont elle avait entièrement réécrit les paroles et sa voix ne trahissait pas l’émotion qui l’étreignait. C’est Jules, le fils des mariés, âgé de presque 8 ans qui a apporté à ses parents leurs alliances posées sur un coussin. Les mariés sont sortis sous une haie d’honneur composée de 41 enfants soufflant des bulles de savon! La mariée avait des chaussures d’un bleu vif dont les fins talons auraient naturellement tendance à s’enfoncer dans l’herbe humide. Le marié arborait, pour la première fois de sa vie, un costume à la coupe impeccable.
La mariée, bouleversée, avait adressé à sa maman, sa soeur, son frère, ses deux enfants, son mari, ses beaux-parents, ses témoins, son amie d’enfance, son amie de début d’adolescence, de milieu d’adolescence, son amie de début d’âge adulte et tous ses amis de Bois le Roi un message d’une infinie tendresse. La journée s’est poursuivie dans le jardin de leur maison, un atelier d’artiste agrandi avec les années. La mariée, grande joueuse dans l’âme, avait eu l’excellente idée de faire installer des tables de jeux et les amis passaient du blackjack à la boule. Les enfants avaient leur tente réservée et un groupe de jeunes gens charmants veillant sur eux et s’assurant que les parents pourraient vraiment profiter de leur soirée. La maman de trois avait été enchantée de faire la connaissance de certains des amis de la jeune mariée dont elle avait entendu beaucoup parler. Il avait été question de tour du monde, de greffe de moelle osseuse, d’une association pour les femmes, de la santé des parents qui, à cet âge de la vie, peut commencer à devenir préoccupante et la maman de trois avait été malheureuse d’apprendre que le père de de sa plus ancienne amie de fac était très malade. Son amie ne voulait pas en parler, alors elle n’avait rien demandé mais elle avait bien senti combien son amie était en proie à une grande détresse remarquablement maîtrisée. Quelques coupes de champagne plus loin, son amie et elle s’étaient adressées aux mariés. Son amie avait surtout revisité son histoire commune avec la mariée, histoire démarrée dans la classe de première d’une boite à bac. Et la maman de trois, elle, s’était surtout adressée au jeune marié qu’elle avait apprécié dés le premier instant. Voici le texte:
Dans une de ses célèbres chansons, « pas de boogie-woogie » Eddy Mitchell, l’inoxydable, qui sait, depuis longtemps, que le bonheur est dans le pré, se glisse dans la peau d’un prêtre et s’adresse à ses ouailles : « mes bien chers frères, mes bien chers sœurs, bienvenus dans la maison du seigneur ». Nous sommes aujourd’hui réunis autour de Fabienne et Eric qui se sont dits « oui » après 20 ans d’amour fol et d’amour sage.
Céline et moi sommes là comme témoins de ce que certaines amitiés résistent à tout, y compris aux kilomètres qui séparent Paris de Bois le roi, même si les vendredis soirs, invités à dîner en Seine et Marne, vous ne savez pas si vous serez arrivés à bon port pour le dessert !
On pourrait dire de l’histoire d’amour de Fabienne et d’Eric que c’est une histoire qui fume, qui tire, qui chine, qui voyage et qui n’en finit pas de se re-raconter.
J’ai fait la connaissance de Fabienne chez Céline et plus précisément dans l’appartement que sa mère et son frère occupaient au 60 de la rue Madame. Fraîchement débarquée de ma province, d’une ville qui a remporté cette année le bouclier de Brennus, habituée à venir voir ma grand-mère à Paris au moins une fois par an, j’apprenais vite auprès de Céline et Fabienne à découvrir un Paris que je ne connaissais pas, un Paris fait de petits cafés sympas, de boîtes de nuit aux ambiances, finalement, globalement bon enfant : le Studio A, le Bus Paladium, le Balajo et le Globo. Quand toutes trois nous passions les portes d’une de ces institutions de la nuit, que nous investissions les salons d’une soirée, les pistes de Val Thorens ou la plage sauvage d’Hossegor, comme dans un remake des « trois drôles de dames » l’ambiance était assurée et notre trio pouvait dérouter tant nous étions, en apparence du moins, différentes. 25 ans plus loin, nos parcours de vie sont là pour attester de nos différences mais, sur l’essentiel, rien ne change.
J’ai vu Eric pour la première fois à Melun dans l’appartement que Fabienne occupait avec Arthur. J’aimais venir passer des week-ends en Seine et Marne, me perdre en forêt de Fontainebleau avec Fabienne, reine des champignons et des jonquilles mais, comme moi, pas forcément reine de la course d’orientation, crapahuter entre les rochers, contempler la Seine et, parfois, pour conforter mes pauvres parents dans l’idée que leur aînée était vraiment syphonnée rapporter un griffon trouvé tout crotté dans la forêt. Quand j’ai vu Eric entrer dans cet appartement de Melun, j’ai été impressionnée par sa stature, sa présence, son élégance. Il m’a fait penser à Lino Ventura pour la présence, l’ancrage au présent, la force tranquille et à Jean Rochefort pour l’élégance. Je ne doute pas Eric, que tu vieillisses mieux que Jean Rochefort que j’ai idôlatré dans « nous irons tous au paradis » ou « un éléphant ça trompe énormément » et qui ressemble de plus en plus à une vieille chanteuse de chez Michou !
Dés les premières minutes j’ai senti tout ce que Fabienne allait trouver auprès de toi et pourquoi depuis des semaines son cœur battait la chamade dés qu’elle te voyait et se désespérait de te prendre dans ses filets de sirène corse. C’est que, dés le début, Eric, tu as voulu mettre à l’épreuve la patience légendaire de Fabienne ! Tous les membres de la famille de Fabienne le savent et ces plus vieux amis aussi, la Fabienne d’aujourd’hui n’est plus tout à fait la Fabienne d’hier…Eric, tu es passé par là et si vous voulez avoir un aperçu de qui fut Fabienne, je vous suggère de regarder Jules… en lui, le sang maternel parle fort ! Je ne crois pas Eric, que tu me contrediras !
Fabienne et Eric, c’est un peu la rencontre du feu et de la glace, de la Méditerranée et de l’océan Atlantique si ce n’est que la Méditerranée n’est pas celui qu’on croit ! Madame « no limit » allait trouver son maître Monsieur « limite ». Madame Impatiente qui voulait tout faire « vite fait sur le gaz » s’était mariée quand ses amies continuaient à chauffer les dance floor, avait attendu un enfant quand ses amies attendaient le prince pas toujours si charmant, avait accouché à l’Africaine, vite et bien d’un super Arthur s’étonnant presque que les femmes fassent tout ce foin autour de leurs accouchements ! Fabienne avait mis toute son énergie dans son travail quand ses amies n’en finissaient pas de finir leurs études.
Madame Impatience allait être domptée par Monsieur Patience. Et Monsieur Patience d’attendre que sa dulcinée devienne sage, canalise sa nature de Colomba corse, de sanguine des Sanguinaires, ses traits d’humour à faire rougir une tablée de légionnaires pour accéder à son désir d’avoir un enfant de lui, avec lui, un enfant comme un pont jeté entre les rives du Sud de la Corse et les grandes plages bretonnes. Et Madame Impatiente, Madame No limit, Madame Volcanique allait, petit à petit, s’apaiser rassurée par son homme, rassurée dans son métier et devenir celle que vous aimez aujourd’hui.
Jules allait faire de ce couple qui, grâce à Arthur, avait toujours été une famille, une plus grande famille. Monsieur Patience, Monsieur Calme, Monsieur Force Tranquille, Monsieur « y’a pas le feu au lac » allait progressivement, tout doucement, tant avec Eric qui va piano va sano, repenser avec Madame « Déco », Madame « tendance », Madame « fait chauffer la carte bancaire » l’intérieur d’une maison qui, au début, à la genèse de leur histoire d’amour, ressemblait à un pub anglais d’après la fin de la seconde guerre mondiale. Dans le canapé en cuir, genre Chesterfield, face à la cheminée, j’avais cru deviner la présence rassurante de Winston Churchill et sentir et l’odeur de son cigare et le parfum de son whisky. Avec Fabienne, finis les billards, les flippers, le tissu écossais, vivent les lignes épurées, la couleur taupe, les orchidées !
Madame Impatiente et Monsieur Patient n’ont pas renoncé, jamais, à leur amour irrésolu de la chaussure. Un petit tour dans leur dressing et vous serez pris de tournis à la vue des dizaines de paires de chaussures qui y dorment des Stéphane Kélian pour elle des Bowen pour lui et, soyons honnête, c’est lui qui pulvérise le record de chaussures, chaussures chic, chaussures de sport, chaussures pour la plage, la montagne, pour la moto, pour la voiture, voiture de course, voiture de brousse, en cuir, en croco, en peau de zébu, en peau de fesse de chameau, chaussures pour les coups de pied aux fesses en imagination parfois donnés !
Réunis autour de l’amour du beau, du bon, du rire et du partage, Fabienne et Eric, un couple chaleureux qui est à coup sûr aux Antilles au cœur de l’hiver ou dans une des stations des trois vallées l’année où ils sacrifient le soleil des Tropiques pour celui des remonte-pentes ! Fabienne et Eric, un couple qui sait vivre et recevoir pour le plus grand bonheur de leurs proches. Petit à petit, Fabienne a réussi à faire son nid dans la vie d’un enfant unique et Eric a ouvert les portes de sa maison à Fabienne qui, avec constance, en a redéfini les frontières. Alors, Heureuse et longue vie à Fabienne et à Eric et non ! pas de peur, ce n’est pas parce qu’on se dit « oui » après 20 ans que tout est acquis, que tout ne reste pas à affiner au quotidien et que l’un devient une vieille Stéphane kélian et l’autre une Bowen au cuir tanné et, d’ailleurs, les enfants sont là pour que, jamais, on ne s’endorme et qu’on réinvente sa vie tous les jours !
Je laisserai le mot de la fin aux Rita Mitsouko « les histoires d’A, les histoires d’amour finissent mal…en général » et ici pas de généralité que du sur mesure ! » et vivent les cheminées sans lesquelles nous ne serions pas là ce samedi 5 octobre !
Anne-Lorraine Guillou-Brunner