Chronique d’un esprit sur le départ

 

guepard1.jpgLes valises pour la Corse sont presque finies. Ce matin, les filles sont parties à l’école avec des jeux et des bonbons. La maman avait rangé, dans le coffre de sa voiture, le vélo et le casque du benjamin. L’après-midi du jeudi au gymnase est remplacée par des tours sur le plateau sportif. Le soleil a eu raison des nuages. La chaleur monte chassant l’humidité de l’herbe. Des serviettes de plage et des maillots sèchent sur le mur de la maison exposé au sud. Quand il y fait trop chaud, que le soleil mord, la maman protège ses épaules sous un vêtement tout juste sorti du tambour de la machine à laver. Lorsqu’elle tend des draps sur les fils, elle se remémore souvent une scène du « Guépard », celle dans laquelle Alain Delon et Claudia Cardinale jouent à cache-cache entre d’immenses draps blancs mis à sécher dans les greniers de la propriété sicilienne de Don Fabrizio, un Burt Lancaster absolument admirable dans ce personnage de vieil aristocrate légèrement désabusé et complètement attendri par l’insolente fougue de la jeunesse.

 

 

 

Une journée particulière.jpgIl y a également un souvenir lié à un autre film « une journée particulière ». Alors que toute sa famille est partie assister à la rencontre entre Hitler et Mussolini, Sophia Loren se découvre un sentiment amoureux pour son voisin, Mastroianni, sentiment né de l’écoute sensible qu’il lui prête. Elle ignore tout de son homosexualité et, le soir même, il est arrêté par la police. Une partie du film se passe sur une terrasse et Gabriele aide Marietta à plier du linge.

 

 

 

Dom+Helder+Camara.jpgCe matin, dans une revue, elle a trouvé un texte écrit par Dom Helder Camara, un évêque brésilien marginalisé par ses pairs pour s’être ouvertement opposé à la dictature des généraux, un homme qui, toute sa vie durant, aura œuvré pour la non-violence et qui se référait souvent à Gandhi et Martin Luther King. Elle l’a trouvé si beau qu’elle a eu envie de le partager avec vous :

 

 

 

Ponton.jpg« Partir, c’est avant tout sortir de soi, prendre le monde comme centre, au lieu de son propre moi. Partir, c’est cesser de tourner autour de soi-même. Partir, ce n’est pas dévorer des kilomètres et atteindre des vitesses supersoniques. C’est avant tout regarder, s’ouvrir aux autres, aller à leur rencontre. C’est trouver quelqu’un qui marche avec moi, sur la même route, non pas pour me suivre comme une ombre, mais pour voir d’autres choses que moi et me les faire voir. »

 

 

 

IMG-20130520-00049.jpgLe linge est sec. Elle va pouvoir le rentrer. Il sera chaud et il sentira bon, un mélange de pêche et d’herbe coupée. Ce soir, les filles raconteront leur pique-nique dans la cour de l’école, les parties de loto des odeurs, de lynx ou de twister. Leurs joues seront rouges. L’aînée aura un collier de bonbon autour du cou. Sa sœur voudra croquer dedans. A la sortie de l’école, on sentira poindre de l’inquiétude dans la voix des mamans dont les enfants entrent au collège en septembre. Demain, à l’école maternelle, ce sera l’émotion d’une maman de trois qui a toujours eu les fins d’année scolaire en horreur, ce chapelet de petites morts, et dont le benjamin quittera pour toujours le monde des serviettes accrochées autour du cou, le sac en toile à son prénom contenant un livre emprunté à la bibliothèque, le bac à sable et qui n’aura plus besoin d’un petit oreiller pour les temps calmes. Demain, à l’école maternelle, elle sait qu’elle ne sera pas la seule à être émue. Et, elle pense très fort à un petit garçon, son neveu, qui dira au revoir à ses camarades, à son institutrice et à son école française. Même s’il ne dit rien, elle sait qu’il a le coeur lourd. Elle sait aussi, ce qu’il ne sait pas encore, que les enfants s’acclimatent très vite et que, bientôt, tout en demeurant fidèles à ceux qu’il aime, il se fera de nouveaux amis.

 

Tour du monde 042.jpgAnne-Lorraine Guillou-Brunner