Un soleil timide tente de faire briller les épis de maïs et les corps filiformes du sarrasin. Hier, de belles averses sont venues laver le plateau, détacher les fleurs de la glycine et faire monter des odeurs de terre chaude et de feuilles d’automne. La palette des couleurs se transforme. Des tons fauves et dorés apparaissent dans les arbres. A vélo, avec Stéphane, j’ai croisé quelques beaux escargots de Bourgogne traversant la route.
Hier après-midi, les filles disputaient une partie de Scrabble avec leur papa. Louis était parti chez un de ses amis. Les garçons ne se sont pas vus depuis plus d’un mois et demi. C’est long! Hier, étendue sur le vieux canapé de la mezzanine, j’appréciais ce dernier dimanche sans préoccupation scolaire et me délectais de l’un des derniers épisodes de la saison treize d’Hercule Poirot intitulé « Les travaux d’Hercule ». J’entendais la pluie s’abattre sur les velux. Je me remémorais tous ces dimanches après-midis que Victoire et moi avions passés ensemble à suivre presque tous les épisodes d’Hercule Poirot. Il arrivait que le sommeil m’emporte et que je manque des passages des aventures du célèbre détective belge campé avec tant de génie par David Suchet. C’était la première fois que je regardais un épisode en anglais et m’amusais de cet accent belge qu’utilise le comédien pour parler sa langue maternelle. Très vite, le week-end, il faudra s’assurer que Louis a fait ses devoirs, que rien ne manque dans son sac, que les mots sont signés. Très vite, le week-end, Céleste monopolisera la grande table de la cuisine pour y préparer ses projets en arts plastiques. Victoire, de son côté, ne nous a jamais sollicité ou alors pour un avis après que le travail soit terminé. Très vite, le week-end sera une antichambre du lundi.
Ce matin, je dois avoir une drôle de tête. Hier, pour que les enfants puissent encore profiter d’une vraie bonne nuit, j’ai décidé de m’installer à l’étage et de dormir dans la chambre réservée à nos familles respectives et à nos amis en compagnie de Cookie, l’adorable chaton arrivé chez nous jeudi dernier. Cookie est issu de la première portée de Pépite et de Darryl, les deux chats de Séverine, la maman de l’un des meilleurs amis de Louis.
Après que Moustache, le petit chat que nous avions offert à Céleste pour ses onze ans ait été tué de manière barbare et que je me sois battue pour qu’une enquête de la gendarmerie soit ouverte et plusieurs pièges trouvés dans un périmètre proche de la maison, je m’étais jurée que nous n’aurions plus de chat. Louis et Moustache s’adoraient. Tous les ans, Louis me disait: « Mais, Maman, maintenant que les chats vivent en paix ici, on pourrait en avoir un ». J’avais été très marquée par cette histoire. En plusieurs années, c’était des dizaines de chats qui avaient été tués. Les gens avaient assisté à la disparition inexpliquée de leurs chats domestiques sans réagir. Quand j’avais eu une juriste de la SPA au téléphone, elle m’avait dit que notre département était l’un des pires s’agissant des actes de maltraitance à l’égard des bêtes.
Jeudi dernier, ma soeur et deux de ses trois enfants étaient à la maison. Ils venaient accueillir Miyu, la petite soeur de Cookie. Tout l’été, Charlotte, du haut de ses trois ans, avait parlé de la petite chatte. Quand Séverine passe le pas de la maison avec les deux chatons, tous les enfants sont là. Charlotte est si heureuse que ses yeux se brouillent. Cookie est un chaton tout en force, agilité et tendresse. Miyu a un profil de déesse égyptienne. Son pelage fait penser à celui d’un siamois. Elle se montre plus réservée. Elle observe beaucoup. La première nuit, les deux chatons dorment sur le lit de Céleste. Le vendredi, ma soeur, ses enfants et Miyu regagnent Paris. Miyu s’acclimate très vite à sa nouvelle vie dans un appartement. Elle se montre très câline. Le premier soir de la séparation, les deux chatons miaulent beaucoup. Ils se cherchent. Louis rassure Cookie, le fait jouer et le câline beaucoup.
Avec Cookie, la nuit a été très, très tendre. Cookie est comme un nourrisson qui cherche la chaleur du corps maternel. Il a niché sa tête au creux de mon bras, de mon cou. Il s’est couché sur ma joue. Je n’ai pas beaucoup dormi mais la ronron thérapie fonctionne car je ne me sens pas fatiguée et en manque d’énergie. Souvent réveillée, je me suis rappelée mes rêves qui avaient tous en commun deux choses: un départ et la perte de tous mes effets personnels. Dans l’un des rêves, je devais quitter l’aéroport de Tunis avec mon mari et nos enfants mais nous avions été séparés. Je n’avais plus ma valise et mon sac à main. L’aéroport ressemblait à une gare routière. Les passagers allaient et venaient sur le tarmac pour monter dans leur avion. Je redoutais que l’avion parte sans moi mais, avant de sortir de mon rêve, une hôtesse me rassurait: le départ avait été repoussé de deux heures. Dans un autre rêve, j’étais sur un quai de gare avec une de nos amies, artiste-peintre. Dans le ciel passait tel un phoenix la tour Eiffel. Elle avait un visage lunaire et souriant. Elle semblait se consumer. On se serait cru dans un film muet de Méliès ou dans une toile de Magritte.
Mon petit-déjeuner pris, Cookie jouant avec Stéphane à l’étage, les filles dormant paisiblement, Fantôme et moi partons nous promener. Désormais, une petite veste s’impose. Depuis plusieurs jours, j’enroule autour de mon cou ce foulard acheté dans une boutique lors de notre séjour à Séville et que j’enrubannais autour de ma tête pendant la marche pour essayer de me protéger des rayons brulants du soleil. Chemin faisant, je ramasse quelques noix fraîches.
Dans ce matin frais et humide, Fantôme et moi trouvons Muguette dans le poulailler. Dans une casserole, Muguette a préparé la mixture qu’elle donne à ses poules et à Coco pour le goûter. Comme Muguette prend soin de son arche de Noé! Elle me dit qu’il lui faudrait plus de bêtes et moins de potager. Après la mort de son mari, Muguette a pris la relève dans le potager mais c’est à contre-coeur. Il s’agit d’un potager thérapeutique, un potager pour combler le vide immense laissé par André. Muguette a ramassé quelques belles tomates. Elles attendent dans une bassine blanche à liseré bleu sur un bidon en fer passablement rouillé. Je sens que Muguette a du mal à entrer dans cette ambiance automnale. Elle regrette le chant des hirondelles et espère que les grues ne voleront pas trop tôt au-dessus de sa maison. Elle me demande quand nous changerons d’heure. Nous parlons des deux cars qui, dés demain, passeront devant chez nous pour conduire écoliers et collégiens en classe. La rentrée des classes sonne vraiment la fin de l’été!
Ce matin, je ressens chez Muguette du vague à l’âme. Il est sans doute douloureux de voir un été partir quand, au fond de soi, on se demande si on assistera à la naissance du prochain. Cela ira mieux dans la journée avec un peu plus de lumière et les étapes du tour de France que Muguette a plaisir à suivre à la télévision. Je ne sais pas ce que ses yeux malades lui permettent encore de distinguer sur l’écran.
J’avais offert à Victoire de la conduire au lycée demain pour son premier jour en seconde mais elle préfère prendre le car à 7h10 sur la place en face de l’ancienne gare du village. Voici deux ans, j’avais déposé Céleste à sa demande au lycée. Je me rappelle l’émotion qui m’avait saisie à la vue de notre aînée marchant d’un pas décidé vers l’entrée de son nouvel établissement. Elle ne s’était pas retournée. Victoire, elle, préfère, vivre ce moment avec ses amis chers. Je ne sais pas si, mercredi, Louis souhaitera que son papa l’emmène au collège. J’imagine que Céleste prendra le car avec sa soeur. Je vais renouer avec mes réveils militaires et conduire les filles au car après avoir fait un crochet par la place de l’église pour aller y chercher l’une de mes deux filleules. A nouveau, avant six heures, je prendrai mon petit-déjeuner en compagnie des chroniqueurs de France Inter mais aussi de Fantôme et de Cookie. La peur que Fantôme inspirait à Cookie commence à céder. Hier, le chaton jouait avec la queue du chien. Fantôme est particulièrement pacifique. Je ne doute pas que, bientôt, c’est entre les pattes de Fantôme que Cookie se plaira à passer ses nuits.
Une belle rentrée à tous les élèves et à leurs parents! Une pensée particulière pour notre petite nièce, Charlotte, qui est si impatiente d’entrer à l’école maternelle.
Anne-Lorraine Guillou-Brunner
Quelle joie de partager ces moments avec toi ! C’est curieux ces personnes qui appréhendent l’automne ; j’aime tellement cette saison , la petite laine , la lumière dorée et à la campagne ce doit etre un spectacle permanent…. Bonne rentrée à tes enfants et bonne reprise du rythme très matinal pour toi
Je t’embrasse
Ma chère Flo, un grand merci pour le message qui me fait un très grand plaisir. L’automne est la saison que j’affectionne le plus dans l’année: magie des couleurs, puissance des senteurs, douceur d’une saison intermédiaire qui repose. Pour les personnes de l’âge de Muguette, l’entrée dans l’automne peut s’avérer plus compliquée. Je souhaite le meilleur à ton trio pour cette nouvelle année et t’embrasse