Demain, dans les cuisines, je connais un grand
nombre de mamans qui sacrifieront au rite de la Chandeleur et, autour de la
table, encore plus d’enfants et de papas, impatients de voir glisser, dans leur
assiette, une belle crêpe dorée à souhait, délicieusement chaude et
parfaitement croustillante. Certaines mamans désireuses de satisfaire les
palais gourmands et les esprits curieux se lanceront, poêle fumante dans une
main, louche pleine de pâte dans l’autre, dans une explication des origines
historiques de
Ayant
passeront sur les sources païennes de cette fête, sur le rôle joué par le pape
Gélase Ier au cinquième siècle et iront à l’essentiel : le 2 février, on
célèbre deux choses : la présentation de Jésus au temple de Jérusalem,
quarante jours après sa naissance et la purification de Marie.
Bien sûr, une petite voix se fera entendre pour
demander : « mais, maman, Chandeleur, ça vient de
chandelle ? ». Et une maman de répondre, tandis que la poêle continuera
de chauffer sur le feu, que l’huile qui en humectera le fond fera monter, dans
les airs, une sorte de fumée noire que la hotte n’aspirera pas car elle n’a
jamais pu endurer le bruit assourdissant de cet engin pour un résultat olfactif
absolument dérisoire, que l’odeur d’huile gagnera du terrain dans toute la
maison puisque la mode est aux espaces ouverts et qu’avec la température
extérieure, elle hésitera à ouvrir les fenêtres, « oui, ma chérie,
chandeleur vient du latin candela qui veut dire chandelle ».Quand on a
commencé le latin en grand débutant en classe de seconde pour pouvoir être
acceptée en première A2, c’est le moment ou jamais de faire étalage de ses
souvenirs de latiniste !
La maman sera une nouvelle fois interrompue par
une enfant de quatre ans et neuf mois qui voudra savoir ce qu’est le latin.
Avant même que la maman ait eu le temps de répondre, le papa se sera exclamé :
« Le latin, c’est une langue morte ! » et aura glissé « tu
ne pourrais pas continuer ton discours tout en faisant les
crêpes ? ». Particulièrement bonne pâte en ce deux février et se
sachant la seule investie du pouvoir quasi divin de faire des crêpes, la maman
lui adressera le plus charmant de ses sourires charmeurs avant de reprendre son
explication. « Donc, la Chandeleur vient de chandelle car, dans les
églises, les torches étaient remplacées par des chandelles bénies symbolisant
chandelles devaient prémunir du malin et invoquer les bons augures à veiller
sur les semailles d’hiver qui produiront les moissons de l’été prochain ».
Alors que la maman sera
enfin sur le point de faire couler une louche d’une belle pâte lisse et peu
épaisse dans sa poêle brûlante, la voix de l’aînée s’élèvera pour
demander : « maman, pourquoi on mange des crêpes ce
jour-là ? » Comme la maman ne saura pas répondre à cette question, qu’elle
sèchera, lamentablement, telle une pauvre crêpe abandonnée sur le dessus de la
pile, dans une assiette, sans une feuille de papier d’aluminium pour la
protéger de l’air ambiant, le papa se saisira de son Iphone et, au bout de
quelques secondes, affichant la mine réjouie de celui qui sent poindre la fin
de la partie théorique au bénéfice de la partie pratique, dira « c’est
parce que le pape Gélase Ier faisait distribuer des crêpes aux pèlerins qui
arrivaient à Rome et que la crêpe, avec sa forme ronde et sa couleur dorée,
évoque le retour du printemps après un hiver long et rigoureux ».
Le papa achèvera de fournir
retourné la première crêpe avec les doigts mais sans la faire sauter. La faute,
sans doute, à un problème de synchronisation des mouvements à mettre en
relation avec un hémisphère cérébral pas assez développé ! Elle commencera
à garnir la crêpe d’un mélange d’oignons finement émincés, de dés de jambon, de
bouts de tomates et de gruyère râpé. Quand toute la tablée aura été servie,
elle marquera une pause pour déguster la sienne et finir son verre de cidre
brute en provenance de
passer au dessert. Le papa et les enfants réclameront des beurre sucre. Le papa
sera le seul à préciser qu’il ne veut surtout pas de beurre salé. Il sera aussi
le seul à savoir faire sauter les crêpes dans la poêle et à déclencher les
rires et les cris admiratifs des enfants qui voudront essayer à leur tour.
Bien sûr, faute d’avoir
encore investi dans un appareil à crêpes permettant à chacun de se débrouiller
seul et d’avoir la satisfaction de sa propre réalisation et continuant à
préférer les crêpes qui passent directement de la poêle chaude à l’assiette,
plutôt que les crêpes déjà prêtes devenant à la fois molles et sèches, la maman
aura été debout tout le temps du dîner. Mais le repas aura été particulièrement
détendu.
Les enfants couchés, il
ne restera plus qu’à faire de grands courants d’air dans la maison et laver ses
cheveux pour en chasser l’odeur entêtante de l’huile chaude.
Dans son lit, je connais une maman qui se
rappellera que la marraine bretonne de son père faisait venir chez elle une de
ses amies pour réaliser des crêpes sur sa plaque en fonte. Dans un silence cent
pour cent sud finistérien, deux petites filles admiraient l’agilité et la
rapidité de cette dame aux longs doigts noueux. Les crêpes étaient un délice.
Elles repartaient avec celles qui n’avaient pas été mangées. Elles n’étaient
jamais aussi bonnes le lendemain.
Je voulais vous parler de
ma crêperie favorite mais ce sera pour une prochaine fois. Je vous souhaite à
tous une excellente Chandeleur et vous quitte avec ce proverbe : A la
Chandeleur, le jour croît de deux heures.
Anne-Lorraine
Guillou-Brunner
J’utilise la version gratuite de SPAMfighter pour utilisateurs privés.
Jusqu’à présent SPAMfighter a bloqué 740 courriels spam.
Optimisez votre PC trop lent
Merci beaucoup! Les crêpes étaient bonnes, les enfants heureux et grâce à une nouvelle poêle, pas besoin d’huile et donc aucune odeur désagréable. Et vous, c’était comment?