Chronique depuis le plateau en mode rentrée

Tous les ans, à la fin août, le même constat: les deux mois des grandes vacances sont passés à la vitesse d’une étoile filante. Pourtant, au début, quand l’école et les activités se terminent sur un feu d’artifice de spectacles, cette grande pause semble devoir durer toujours. Briser le rythme de l’année fait de réveils très matinaux, de devoirs à rendre, de contrôles à réviser est si reposant! Le temps s’étire. On profite des longues soirées. On respire l’odeur des tilleuls. On écoute le chant des cigales, des grenouilles, des hirondelles, le clapotis de l’eau. On rêve sous la voie lactée. On prépare des confitures. On profite de sa famille, de ses amis. Parfois, on se surprend à s’ennuyer. Et puis, après le 15 août, le temps ne semble plus avoir la même densité. On commence à se projeter dans la rentrée. Déjà, les jours sont moins longs. Durablement, quand nous étions enfants et encore de jeunes adultes, le 15 août signait un changement dans la météo et de gros orages se déclenchaient. Le soir, sur les terrasses, il faisait plus frais.

A l’approche de la rentrée, je pensais à tous les parents dont les enfants quittent le nid pour commencer leurs études supérieures. Je pensais encore plus à ceux qui font cette expérience pour la première, la deuxième ou la dernière fois. Pour nous, ce sera la dernière année avec un enfant à la maison. Louis aime nous taquiner en nous disant que dans quelques mois, nous nous ennuierons, que les petites choses qui nous agacent aujourd’hui nous manqueront. Il m’a imaginée le matin seule dans la cuisine regardant avec émotion les photos sur la porte du réfrigérateur…Le départ des enfants se prépare. Il est essentiel d’avoir des projets, de ne pas se laisser gagner par un sentiment de vide. C’est indispensable pour soi et pour les enfants! Je dois confesser que la douce présence de notre Fantôme aurait été très précieuse le moment venu.

La veille des rentrées, ce sont les mêmes questions qui travaillent les esprits des enfants et des parents. Elles sont en lien avec les camarades retrouvés ou séparés, l’ambiance dans la classe, les professeurs, l’emploi du temps, la charge de travail. Aussi longtemps qu’on est autorisé à accompagner son enfant le jour de la rentrée où on vit en direct la constitution des classes, on sait assez vite au sourire qui se dessine ou pas sur son visage encore hâlé s’il est heureux ou déçu. Quand les enfants grandissent, il faut attendre de longues heures leur retour pour les entendre commenter la classe et les professeurs. Dans toutes les familles, les mêmes questions: tu es content? Tu as retrouvé des amis? Quels professeurs as-tu? Qui est ton professeur principal? Y-a-t-il des papiers à remplir, des mots à signer, des livres à acheter? Souvent, la liste des fournitures scolaires longue comme le cou d’une girafe n’était pas complète. Il faut alors encore courir après un répertoire dans lequel seront consignés mots de vocabulaire en anglais ou figures de style en français, un classeur plus grand, trop grand dont les bords seront vite abimés dans le sac à dos ou bien encore différentes sortes de crayons à papier allant de la mine grasse à la mine sèche.

Certains enfants réussiront sans mal à conserver des cahiers, des classeurs et des trousses en bon état quand, pour d’autres, ce sera mission impossible. Très régulièrement, il faudra renouveler le contenu de la trousse dans laquelle les stylos auront perdu bouchons et tiges d’encre, les gommes seront criblées de trous, la règle cassée. Ces trousses sont souvent celles d’élèves très actifs et/ou anxieux souffrant de rester de longues heures immobiles derrière un bureau et se détendant en détruisant, souvent à leur corps défendant, leurs fournitures scolaires. Je me rappelle qu’à la veille de chaque rentrée, je me promettais de bien tenir mes cahiers, d’utiliser plusieurs couleurs, de souligner proprement les titres, d’aller à la ligne et puis vite, trop vite, mes bonnes résolutions étaient balayées par ma nature brouillonne. Je commençais à souligner sans me servir de ma règle. Je dessinais sur les pages. A la faculté, j’étais fascinée par les cours de l’une de nos amies. Elle s’appelait Juliette. Elle écrivait sur des feuilles ne contenant que des lignes horizontales avec un très beau stylo à plume. Elle utilisait des couleurs différentes pour les chapitres, les paragraphes, les sous-paragraphes et les sous-sous paragraphes. Nous étions nombreux à lui emprunter ses cours pour les photocopier. C’était un bonheur de réviser grâce à Juliette. Aujourd’hui, tous les étudiants ont des ordinateurs portables. Notre époque est vraiment révolue!

Maintenant, la rentrée est derrière nous. Toutes les traditionnelles questions ont obtenu une réponse. Dans quelques jours, les affaires sérieuses commenceront. Cette semaine, on plante le décor. On explique la feuille de route. Ce matin, Facebook m’a remémoré un souvenir datant du 4 septembre 2015. Notre fille aînée venait d’entrer en CP. J’avais écrit: « Premier devoir de Céleste: deux lignes de i.  » Son institutrice était très exigeante. Elle accordait une très grande importance à la manière dont ses élèves tenaient leur stylo. Grâce à elle, Céleste a conservé une belle écriture. Lundi, Céleste est entrée en dernière année d’école d’infirmière et elle partira bientôt avec trois amies travailler deux mois dans un hôpital à Madrid. Elles sont loin les deux lignes de i!

Notre fille cadette a retrouvé son école et ses amis à Reims. Fin août, nous l’aidions à s’installer dans l’appartement qu’elle va partager avec son amie Noa. Nous avions fait l’état des lieux avec la propriétaire, du rangement et des courses. Nous étions restés dormir et étions partis après le déjeuner. J’avais eu un petit pincement au coeur en l’embrassant. Depuis, elle s’est dépensée sans compter dans la préparation d’évènements organisés par le BDA, l’association étudiante dont elle est membre élu depuis mai, dans le cadre de la semaine d’intégration. Elle est parfaitement épanouie! Tous les soirs, j’ouvre la porte de sa chambre et mes yeux en font le tour.

Hier, je renouais avec un réveil à six heures et retrouvais les chroniqueurs de France Inter. Je guettais les premiers signes d’embrasement dans le ciel, voyais notre fils se lever tel un valeureux petit soldat, espérerais qu’il serait dans une classe agréable et aurait de bons professeurs. J’attendais l’arrivée de Léa dont l’avion retardé au départ de l’Algérie s’était posé à 3 heures à Roissy. La petite voiture se laissait glisser sur la route. Quelques gouttes de pluie s’écrasaient sur le pare-brise. Nous prenions le temps d’observer deux chevreuils. Le bus stationnait sur la place de l’ancienne gare à 7h10. Les élèves partis, j’allais acheter le pain et échanger avec la boulangère portant un corsage noir et ayant ramené ses cheveux blonds en une tresse africaine. Elle avait les traits tirés. Les vacances lui semblaient déjà si loin!

Ce matin, le ciel était chargé. Lors de notre traditionnelle promenade, nous avons vu un chevreuil sortir du champ de sarrasin et traverser le chemin en deux sauts gracieux. Cette année, je n’ai pas assisté au départ des hirondelles. Leurs vols rapides et leurs chants laissent un vide au-dessus du plateau. De beaux nénuphars roses continuent d’embellir la mare. Les branches des pommiers sont couvertes de fruits rouges. La lumière est très douce en fin de journée et les crépuscules magnifiques. Nous entrons dans la période de l’année que je chéris le plus: les matins frais, les rayons dorés du soleil, les mûres, les noix, les noisettes, les prémisses de l’automne et une nostalgie plongeant ses racines dans l’enfance.

Le premier septembre, cherchant la chanson qui viendrait donner vie à une story sur Instagram, je découvrais « C’est en septembre » de Gilbert Bécaud. Elle m’a beaucoup plu. Voici un lien pour l’écouter.

https://www.youtube.com/watch?v=ukir5z8cMVQ

 

A très bientôt,

Anne-Lorraine Guillou-Brunner

 

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