Chronique d’un départ en vacances précipité

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Ce soir, les années crèche seront définitivement derrière eux et une maman prendra la route avec son dernier enfant. Trois heures plus loin, la nuit déjà bien avancée, elle retrouvera ses deux filles, son neveu, sa mère et ses beaux-parents. Les enfants ne seront pas couchés. Ils lui sauteront au cou. Il y aura des cris, des rires. Numéro trois, brutalement tiré de son sommeil, s’unira au bonheur bruyant des retrouvailles familiales. Les enfants auront une mine superbe. Dans les cheveux blonds, le soleil aura jeté des éclats blancs et dans les cheveux châtains des éclats dorés. Ils voudront tout lui raconter, tout de suite : le lit superposé dans la chambre d’enfants, le trampoline digne des jeux du cirque, les framboises et les groseilles du jardin, les bouées offertes par une tante, le nouveau vélo pour que chacun ait le sien, la chauve-souris prisonnière de l’atelier. La tête lui tournera un peu. Dans le lointain, monteront les croassements rythmés des grenouilles et des crapauds. Tandis que les plus grands auront entraîné numéro trois dans la chambre pour lui montrer où il dormira, la maman sortira les bagages et ira poser, sur le meuble de mercerie de la cuisine, Sucrette, le poisson rouge. Il aura voyagé à sa droite, aux pieds du fauteuil passager. Avec un peu de chance, le chat aura la bonne idée de ne pas en faire son en-cas de minuit.

platre_vo.jpgC’est une première ! Elle n’a jamais roulé seule avec un de ses enfants plus longtemps qu’une heure. Ils peuvent être tellement agités en voiture que la perspective d’un trajet longue durée avec les trois ne l’a jamais tenté ! La logique voudrait que son mari, numéro trois et elle partent à une seule voiture, ce qu’ils ont toujours fait, mais la malchance a voulu qu’une grand-mère, en tombant, se casse la main et le pied. Par chance, en revanche, elle n’était pas seule avec ses trois petits-enfants quand l’accident s’est produit. Elle faisait étape et séjournait quelques jours chez les parents de son gendre. Maintenant, sa fille arrive en renfort.

valises.jpgDans l’entrée, les affaires sont prêtes. Cette fois-ci, c’était presque trop facile. Il n’y avait que la valise de numéro trois, la sienne et les sacs de plage à préparer. Elle ne s’en plaint pas ! Numéro trois n’emporte que le tuyau de l’aspirateur de numéro deux qui est tour à tour une arme, un collier et une lance de pompiste, son gros pistolet à eau et ses deux doudous.

Dans le coffre, il faudra caser une grosse valise rouge (affaires parentales), une moyenne valise noire (affaire de numéro trois), deux sacs contenant serviettes de plages, crèmes solaires, palmes, masques, tubas, pelles, râteaux, seaux, arrosoirs, moules, raquettes en bois, réserve de balles et bateau gonflable. Elle a compté pas moins de sept pelles, six râteaux, quatre passoires, quatre arrosoirs, quatre tamis contre seulement deux seaux et deux moules. Bagarres sanglantes et prêts âprement négociés à l’horizon ! Il y aura encore un sac de chaussures et un sac de biens périssables à ranger, sans oublier les vêtements de pluie en cas de caprices météorologiques.

Montand-Chante-Prevert_cover_s200.jpgDans la voiture, elle a changé les CD. Elle en avait assez d’écouter toujours la même chose. Elle a mélangé les Gypsy King et Vivaldi, Stacey Kent et Beethoven, Eliane Elias et Henri Salvador. Depuis quelques semaines, numéro trois ne jure que par la chanson « Bella Ciao » interprétée par Montand. Elle aurait pu trouvé dans ce changement de CD, l’occasion toute trouvée pour se défaire du second mari de casque d’or mais, a bien y réfléchir, elle n’a pas souhaité chagriné son fils et se priver de morceaux aussi magnifiques que « à bicyclette », « trois petites notes de musique », « est-ce ainsi que les hommes vivent » et, bien sûr, « l’addition ».

brochette.jpgMême si, demain, elle ne se considérera pas encore vraiment en vacances, qu’elle a emporté avec elle sa sacoche, le seul fait de ne pas être confinée dans son bureau toute la journée, sera, déjà, un grand soulagement. Elle se rendra vite compte que la brochette7/6/5 ans n’a absolument pas besoin d’elle. On ne viendra la trouver qu’en cas de problème majeur ou de conflit digne d’un jugement de Salomon. Seul numéro trois, nageant dans la mer des « non » et des « pourquoi », ayant, en ce moment, trop tendance à faire prévaloir le langage des cris sur celui des mots, en proie à toutes les frustrations de qui ce sent grand et capable de tout quand il est encore petit et confronté à la difficulté de ne pas tout réussir du premier coup, nécessitera une vigilance renforcée.

ma
isparceque.jpgSi, entre 19h30 et 22h30, vous lisez ce billet, ayez une pensée pour celle qui l’a écrit. Elle sera sur la route et, derrière elle, un adorable petit garçon de deux ans et huit mois, aura déjà réclamé « Bella Ciao » quinze fois, heureusement entrecoupé par des concertos de Vivaldi qu’il aime tout particulièrement et lui aura demandé cent fois « pourquoi ? ». Bien sûr, elle n’aura pas pu se contenter d’un « parce que ! » et les interrogations auront nécessité des réponses largement nourries !

 

Anne-Lorraine Guillou-Brunner

 

1 commentaire sur “Chronique d’un départ en vacances précipité

  1. Bonjour,
    Nous souhaitons un prompt rétablissement à la Grand Mère qui s’est fracturé la main et le pied.
    c’est toujours émouvant de vous lire,ça me ramène des années en arrière ,quand vous parlez de votre numéro trois,je vois aussi mon numéro trois,il aimait avec un bout de bois casser les arbustes,mais il ne m’ a jamais dit s’ils avaient de la température .
    Oui j’ai une pensée pour vous, nous,en voiture c’était l’époque de « un,dos tres »et « les pourquoi que »
    Profitez de ces instants !!!Mon numéro trois est parti et nous manque terriblement

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