Ce que j’aime avec FaceBook, réseau social qui m’a permis de ne pas complètement me noyer quand j’ai été confrontée à un isolement d’une grande violence pendant deux ans à notre arrivée sur le plateau, c’est que, tous les matins, il me rappelle un souvenir. J’y saute à pieds joints comme s’il s’agissait d’un dessin à la craie sur un trottoir londonien. Je me replonge dans une chronique et constate, comme aujourd’hui, que cette chronique, je l’ai déjà relue et enrichie.
Notre fils rentre ce soir d’Auvergne avec ses camarades et leurs professeurs. Si la neige a manqué, le séjour aura été une vraie réussite comme à chaque fois. Ce matin, sur les photos et la vidéo postées par les professeurs hier soir, on lisait la joie sur les visages des enfants et, particulièrement sur ceux qui, à douze ou treize ans, avaient chaussé des skis pour la toute première fois. En trois matinées, ils avaient accompli des progrès fulgurants. Ils pouvaient être fiers d’eux car ce n’est pas facile d’apprendre à skier à leur âge et encore moins quand la neige est dure et le temps à la neige ou au brouillard. Skier par temps de brume, c’est ce que je redoute le plus. Agée de dix ans, à Saint Véran, j’avais perdu mon groupe. Je ne voyais plus ni le bout de mes spatules ni le relief. D’énormes flocons brûlaient mes yeux. Je ne sais pas comment j’ai fait pour rejoindre la station!
Ce matin, il fait très froid mais très beau. A la Bourboule, les enfants vont replier leurs affaires, regarder sous les lits pour s’assurer de ne rien oublier, échanger des chaussettes, laisser des gels douche dans la salle de bains. Ce matin, les enfants passent leurs étoiles et je leur souhaite de le faire par temps clair. A l’âge de sept ans, à Chamrousse ( à cette époque, nous vivions en Martinique), j’avais passé ma deuxième étoile. Un froid glacial enveloppait les montagnes. La neige était verglacée et nous devions attendre en file indienne que notre numéro soit appelé pour passer. Mes pieds avaient commencé à geler dans mes chaussures. Je ne les sentais plus du tout. Je ne me souviens pas d’avoir descendu la piste mais je me rappelle mes pleurs quand ma mère frictionnait mes pieds tout blancs pour activer le sang.
Louis va rentrer et c’est Victoire qui va partir dimanche avec son papa à Paris. Elle y fait son stage d’observation. Victoire a un amoureux depuis mercredi. Elle l’a raconté à son frère hier. Mercredi, avec Fantôme, elle est allée rejoindre son amoureux non loin de leur ancienne école. C’est beau de voir ses enfants s’éveiller à l’amour et en parler librement, signe que la confiance est là. Comme on est loin de ce que j’ai pu vivre à l’âge de Victoire avec ma mère! Hier, au lycée où est scolarisée notre aînée, le Proviseur me montrait un couple enlacé et me soufflait qu’à notre époque les surveillants y auraient mis le hola mais que lui trouvait cela naturel. Ce qui est amusant, c’est que je connaissais très bien le garçon qui tenait la jeune fille dans ses bras: un ancien patient. Nous nous sommes dits bonjour et avons échangé de grands sourires. Il rayonnait de bonheur quand, voici quelques mois, une angoisse de mort terrible pouvait le terrasser. Il avait fallu qu’il arrive à parler librement de ce frère mort à la naissance qui l’avait précédé et de cette impression qu’il lui devait la vie. Si cet enfant avait vécu, ses parents auraient-ils eu le désir d’agrandir leur famille? A l’adolescence, il n’est pas évident de conscientiser des choses aussi profondes mais quand on est brillant comme l’est ce jeune homme on y parvient et on se libère d’un passé mortifère.
Ce soir, deux de nos neveux seront en vacances. Nos enfants, eux, devront patienter encore une semaine. Nous allons partir à Séville. Nous allons découvrir un petit morceau de l’Andalousie. Une grand-mère vient prendre soin de notre Fantôme et me remplacer auprès de Muguette. C’est la seconde fois que nous partons avec nos enfants en dehors de l’hexagone. Nous sommes tous ravis! Les filles vont pouvoir pratiquer l’Espagnol et Stéphane et moi allons retrouver ce que nous avions appris en séjournant plus de quatre mois entre l’Amérique du Sud et l’Amérique Centrale.
Baba, le bel étalon, n’est plus là. Il me manque toujours. Il a été remplacé par deux pouliches mais nous n’avons pas tissé les mêmes liens. Le petit mouton que je nourris tous les jours fait des sauts quand il me voit. Un matin, il ne sera plus là…Je le sais mais je suis comme le renard de Saint-Ex. J’ai décidé de m’attacher à lui et de le laisser s’attacher à moi. Des grues cendrées viennent de passer au-dessus de la maison. Elles ont un mois d’avance. Avant le dérèglement climatique, leur retour signait la fin de l’hiver. J’aime beaucoup les voir évoluer et émettre ce son de trompette si caractéristique. Elles ont tourné un long moment avant de continuer leur route. D’autres vont suivre. Elles empruntent toujours le même itinéraire. La nature aussi est en avance. Les jonquilles sont ouvertes. J’ai ramassé deux violettes sous le trampoline. Chez Muguette, sous les pommiers, un tapis de perce-neige.
Avant de vous laisser en compagnie d’un temps passé, je voulais vous dire combien j’avais aimé un film ayant reçu le prix « un certain regard » au festival de Cannes en 2018: « Border » du réalisateur danois d’origine iranienne Ali Abassi. J’ai attendu d’être seule pour le voir. Je savais qu’il dérangerait Stéphane. J’ai été fascinée par cette histoire qui emprunte aux mythes scandinaves comme me fascinent les êtres demeurés très proches de leurs instincts. Ce sont souvent des êtres dont les sens sont particulièrement développés et qui peuvent éprouver un sentiment de communion avec la nature. A voir pour celles et ceux qui sont capables de voir de l’autre côté du miroir, de l’autre côté de la laideur physique.
Et maintenant, la chronique du 7 février 2017 déjà un peu reprise en 2019!
Nous partons samedi. Les sacs sont partiellement faits. Encore quelques patients, des crêpes à faire sauter pour la boum du collège de demain soir, des cartes d’anniversaire à écrire, des affaires à trier et je pourrai mettre mon esprit sur pause. C’est désormais une habitude. Avant les vacances, j’aime relire des chroniques évoquant la Haute-Corse, le Finistère Sud, le Gard, l’Ain ou le Queyras. J’aime à me replonger dans mes souvenirs. Ce matin, entre la sortie en vélo avec Fantôme sur un sentier boueux et glissant et l’arrivée d’une patiente, je relis un texte écrit le 7 février 2017. Je m’amuse des changements. Céleste et Louis ont maintenant chacun leur chambre. Céleste est au lycée. Louis a rejoint Victoire au collège. Je me réveille quinze minutes plus tôt. Fantôme est toujours celui qui m’attend et me fête quand je le rejoins et m’offre son ventre à caresser. Si j’étais une héroïne des livres du canadien Roger Hargreaves maintenant décédé, je serais « Madame Crêpe ». Des crêpes, j’arrivais encore à en faire sauter dans la cuisine de Nancy à Puerto Natales, en Patagonie chilienne. Christel, Gert et Ben en étaient ravis. Dans cette cuisine, nous finissions de préparer notre marche dans le parc de Torres del Paine. Nous devions tous y vivre des aventures différentes. Ben serait contraint de renoncer en raison de coulées de boue. Christel et Gert resteraient au chaud de leur tente plusieurs jours attendant que la neige cesse pour pouvoir admirer les Torres. Stéph et moi aurions la chance de les voir par temps clair. Nous serions tous gelés par un vent furieux et glacial!
Comme presque tous les matins, je suis réveillée avant que mon alarme ne sonne à cinq heures trente. Cette nuit, je n’ai pas eu de chance. Dans la gare du sommeil, je suis montée à bord d’un omnibus. Je ne me rappelle pas s’il y avait des passagers avec moi. L’omnibus a marqué tous les arrêts : les accompagnements lourds, les valises à préparer, les crêpes à faire sauter pour la boum du collège, la longue route pour le Queyras, la neige qui tombe à foison, la marche jusqu’au refuge de la Blanche, la semaine avant le départ de Stéphane en Sibérie pour quinze jours, l’absence de Stéphane, la rencontre parents/professeurs, les devoirs à photocopier pour un petit camarade de Victoire, l’aide à apporter à une maman gitane qui, parfois, ne peut pas conduire deux de ses quatre enfants à l’école et un ami très cher qui ne donne plus signe de vie. Pourtant, hier, je tombais de fatigue et j’étais certaine en éteignant ma lumière que le train du sommeil me conduirait d’une traite et sans encombre du lundi soir au mardi matin.
A la Toussaint, nous n’avons pas pu partir dans le Finistère sud, à l’île-Tudy. Cette semaine de ressourcement profond le long de l’océan au point du jour m’a beaucoup manqué. A Noël, je ne me suis pas davantage reposée et la grippe m’a contrainte à renoncer à une petite escapade parisienne. Mes semaines s’écoulent principalement dans mon Ar-Men. Je me sens à la fois gardienne de phare et recluse volontaire dans un ermitage du Moyen Age. Je ne sors de ma maison que le samedi matin pour aller à la banque, au marché et à la médiathèque. Bien sûr, tous les matins, par tous les temps, je sillonne la campagne avec Fantôme. Aujourd’hui, la pluie caresse les fenêtres. Dans les champs, la terre n’absorbe plus l’eau. Des petits lacs se forment. La vague de froid a été salutaire. La nature se couvre de bourgeons. J’entends le printemps qui pousse. Les jours rallongent. Je continue de nourrir les oiseaux qui viennent nombreux sur la terrasse. J’ai également accrochée une boule de graisse à la rambarde de la fenêtre de mon bureau. Pendant les séances, j’ai le plaisir de voir des mésanges s’y suspendre.
Ce matin, à pas de loup, je remonte le couloir qui dessert les chambres en direction de l’entrée. Fantôme est là. Sa queue bat la mesure sur le bois de la commode « retour d’Egypte ». Il est sur le dos, offert. Je lui caresse le dessous du cou. Avec ses deux pattes avant, il emprisonne mon poignet. Avec Fantôme, les câlins pourraient ne jamais avoir de fin. La faim, elle, passe après ! D’ailleurs, souvent, c’est à jeun, lui et moi, que nous partons nous promener. Nous aimons nous bercer de l’illusion que nous assistons au premier réveil de l’humanité ! Dans la cuisine, un grand calme. Les cendres s’accumulent dans l’âtre de la cheminée. J’allume la radio. Je retrouve ma bande de chroniqueurs de France Inter. Je recouvre mes tranches de pain de mie complet grillées d’une épaisse couche de confiture de framboise faite par l’une de nos amies qu’elle nous a apportée samedi soir pour les crêpes.
Aux deux pendules suspendues au-dessus de l’évier de la cuisine, les aiguillent tournent. Tout doucement, j’ouvre la porte de la chambre de Victoire. A tâtons, je trouve sa tête qui disparaît presque complètement sous la couette. Je lui caresse les cheveux et lui dit qu’il est l’heure de se réveiller. Elle ne me répond pas tout de suite. J’attends et je recommence. Les enfants sont épuisés. Ils n’arrivent plus à sortir du lit. Heureusement, les vacances approchent. Tandis que Victoire émerge doucement, je me faufile dans la chambre de Céleste et de Louis éclairée par le halo bleu d’un globe terrestre. Son profil se détache sur l’oreiller. Sa respiration est paisible. Je lui caresse la joue et y dépose un baiser en lui glissant dans le creux de l’oreille qu’il est l’heure de se lever. Céleste est moins fatiguée que Victoire. Louis n’entend rien. Il continue sa nuit. Les filles ont déjà préparé leurs valises pour la montagne. Elles ont pris l’habitude de rouler leurs vêtements comme des rouleaux de printemps. Il paraît que c’est une technique japonaise ! Louis se repose sur ses sœurs pour sa valise. Il leur fait une confiance aveugle !
Comme tous les matins, il faut que je lutte un peu avec Céleste pour qu’elle consente à porter une veste ou un manteau adapté à la couleur du ciel et à la température du thermomètre. L’hiver, quand nous étions collégiennes, nous partions avec des collants ou des grandes chaussettes, des bottes, des bonnets, des gants, des écharpes et des manteaux. Aujourd’hui, été comme hiver, les enfants sont en baskets. Leurs chaussettes sont si minimalistes que c’est à peine si elles couvrent un centimètre de cheville. Elles ont toujours la tête nue et les manteaux ouverts.
Comme tous les matins, après avoir embrassé les filles, je vais leur faire un petit coucou depuis la fenêtre qui donne sur le jardin. Quand nous nous disputons, les filles et moi, il n’y a pas de coucou et cela nous manque toute la journée ! Céleste est comme moi. Elle ne peut pas rester fâchée longtemps. La paix vient vite. Victoire, elle, est plus comme son père. Elle est capable de s’endormir sans qu’il y ait eu de pardon et d’apaisement. J’ai appris à respecter cette attitude car un pardon forcé, un pardon qui n’est pas l’expression d’une réflexion profonde est vide de sens.
Ce matin, Louis se lève avant le départ de ses sœurs. Il est gai comme un pinson. Il siffle et sautille ! Ce soir, une de mes amies a la gentillesse de venir le chercher avec son fils à l’école et de le garder à dormir. La rencontre parents/professeurs pour les élèves de sixième et de quatrième peut durer jusqu’à 21h30. Virginie le sait. C’est la raison pour laquelle elle m’a offert que Louis reste dormir chez eux. C’est à ce genre de proposition qu’on reconnaît ses véritables amies ! Avant qu’il ne parte à l’école, j’exhorte Louis ce soir à être sage et à ne pas faire la java au moment de se coucher. Il me répond du tac au tac : « je suis toujours très sage chez les autres ! ». Dont acte !
Fantôme m’attend. Le chemin est glissant. De nombreuses flaques s’y sont formées. Nous ne voyons ni chevreuil ni chouette mais seulement un petit lapin à fesses blanches. Baba, l’étalon, nous a repérés de loin. Il hennit. Il galope, tourne sur lui-même. C’est la fête ! Je descends de mon vélo dont les roues sont couvertes de boue. Je retire mes gants et distribue à Fantôme et à Baba les restes de pain que je fais sécher sur le dessus du radiateur de la cuisine. Sous leurs dents, le pain craque. Ils sont heureux. Baba est sauvage. J’ai encore du mal à pouvoir lui flatter l’encolure mais il se laisse caresser les naseaux.
Maintenant, je suis dans mon bureau. En bas, Fantôme va attendre que son pelage sèche. Je me suis changée. Mon jean était maculé de tâches de boue. L’autre jour, j’avais oublié de reporter un rendez-vous à neuf heures sur mon agenda. J’étais dans la salle de bains quand la sonnette a retenti. J’ai juste eu le temps d’enfiler un pull. Heureusement, je connaissais très bien la patiente, une infirmière libérale de mon âge, une femme très agréable et directe qui a effectué des missions dans des hôpitaux rwandais après le génocide. Nous avons ri de mon oubli. Je l’ai laissée s’installer tranquillement dans le sac de couchage tandis que je finissais de me donner un coup de brosse. Je ressemblais à un épouvantail !
Maintenant, j’attends ma première patiente, une dame délicieuse qui m’a envoyé une carte postale de la Martinique où elle a séjourné pendant dix jours. Elle me racontera la Pagerie, Saint Pierre, les fonds blancs, l’habitation Clément, les jardins de Balata, la plage des Salines, le piton du Carbet, autant de noms au pouvoir évocateur puissant. Je lui dirai que ce qui m’a le plus marqué pendant ces quatre années d’enfance martiniquaise, ce sont les bruits de la nuit. La pluie continue de couler sur le velux. Je n’ai pas encore vu de mésanges sur le bord de la fenêtre.
Toute la semaine passée, avec mes patientes, nous avons échangé autour du manque d’engagement des femmes s’agissant de certains mandats électoraux. La parité est meilleure quand les mandats sont locaux et n’impliquent pas de déplacements loin de son « camp de base ». Certaines de mes amies qui avaient lu ma chronique ont eu la gentillesse de partager avec moi leur approche. Je retiens celle de Laure qui est enseignant-chercheur en philosophie. Elle avait eu un échange un peu vif avec son directeur qui souhaitait que certains des professeurs se rendent à Cotonou pour une semaine. Leur faculté reçoit beaucoup de doctorants et de post-doctorants du Bénin. Il ne comprenait pas pourquoi ni Laure ni l’une de ses collègues ne souhaitaient l’y accompagner. Laure lui a expliqué que toute la semaine elle se repose déjà beaucoup sur son mari quand elle prend le train à Montargis pour donner ses cours à Paris et qu’elle a envie de partager du temps avec leurs trois enfants âgés de 10 ans à dix-huit mois. Comme il insistait plaidant le fait qu’il connaissait beaucoup de femmes qui voyageaient souvent pour leur travail et en semblaient heureuses, Laure lui a répondu que toutes les femmes ne sont pas les mêmes mères et que la femme n’est pas un homme comme les autres !
Mon ancien professeur de philosophie avec laquelle j’ai la joie d’échanger régulièrement m’a écrit que ma colère lui avait fait beaucoup de bien. Sans le savoir, cette femme, remarquable, m’a beaucoup aidée alors que, dans ma famille, nous vivions des évènements très douloureux.
La semaine dernière, le récit de l’une de mes patientes m’a particulièrement touchée. Cette jeune femme de quarante ans, maman d’un petit garçon, me racontait que son compagnon était arrêté pour une durée de trois semaines après avoir eu un accident de voiture qui aurait pu être dramatique. En découvrant le véhicule destiné désormais à la casse, tout le côté droit de son corps s’était bloqué. Elle sortait tout juste d’une trachéite et s’apprêtait à entrer dans une période de travail très soutenu. Tout en faisant la classe à ses petits élèves et en veillant sur son fils, elle avait été tous les jours voir son compagnon à l’hôpital. Après son retour à la maison, elle avait tout pris en charge et avait alimenté le feu de la cheminée tout le week-end en charriant des bûches depuis le fond du jardin jusqu’au premier étage. Elle se culpabilisait d’en vouloir à son ami de lui infliger tout ça, de ressentir de la colère contre lui. Elle était à bout de fatigue, à bout de nerfs et triste de ne plus avoir d’énergie pour distraire leur petit garçon. Je comprenais si bien sa rage ! Son compagnon est très souvent absent, fragile moralement et sujet aux somatisations. Comme ni lui ni elle n’ont de famille proche ici, c’est elle qui assume le quotidien. La veille de notre séance, l’ostéopathe avait déjà réussi à dénouer un peu ses tensions et j’ai tout mis en œuvre pour qu’elle ne se sente pas coupable, s’allège de tous ses poids et mette en lumière toutes les bonnes choses de sa vie.
Samedi soir, avec ma petite famille, je serai dans le Queyras, non loin de Saint Véran. Comme je suis heureuse de retrouver les Hautes-Alpes. C’est un endroit magnifique ! Une partie de la famille de ma mère était originaire d’un petit village situé non loin de Saint Véran, Ceillac, réputé pour ses cadrans solaires et ses fontaines. J’ai eu beaucoup de plaisir à lire, très récemment, « une soupe aux herbes sauvages » écrit par Emilie Carles, une ancienne institutrice originaire de Val-des-Prés, au-dessus de Briançon. Née en 1900, elle s’est éteinte en 1979. Ce livre est un témoignage bouleversant sur la vie que menaient ses familles de paysans en montagne : la mortalité infantile, l’illettrisme, le drame de la grande guerre, la naissance d’une conscience politique, la montée du pacifisme. Si l’un de nos ancêtres qui se prénommait également Carle mais sans « s » a quitté Ceillac pour descendre dans la vallée du Rhône, c’est parce que la misère y était grande et que l’hiver, il n’y avait plus de travail pour les hommes.
Cette semaine va nous faire un bien fou et, cette fois, ce n’est pas une mais au moins cinq tartes à la myrtille que je rapporterai dans nos bagages ! Cela ne vaut pas les tartes fraîches que l’on déguste dans les refuges après une belle et grande journée de marche mais c’est malgré tout un dépaysement et un délice!
Anne-Lorraine Guillou-Brunner