Chronique ménopausée

Mardi 1er février: ciel brouillé, bruine pénétrante, chemin détrempé. Devant chez Muguette, les poules et Charlie chantent fort. Les volets de la fenêtre de la cuisine sont ouverts. Un seau bleu attend devant la porte. Pas de trace de Muguette et de Pépette. Pas le temps de m’arrêter et, dans tous les cas, l’heure des poules n’est pas la meilleure pour passer le portail. C’est la chandeleur demain. Je vais faire des crêpes et en apporterai à Muguette avant qu’elle ne rentre ses poules, ne s’enferme pour regarder tranquillement « Affaire conclue ». Demain, je ne pourrai pas car je vais travailler toute la journée. Depuis septembre, je devais faire doser mon taux de TSH et pratiquer l’examen de sang qui déterminerait si j’étais ménopausée. En 2014, je suis entrée en pré-ménopause et le médecin m’a prescrit une pilule qui coupe les règles car j’avais des hémorragies dont j’ai mis plusieurs mois à me préoccuper. Par un courrier de l’assurance maladie, j’ai appris la semaine dernière que cette pilule appelée Chlormadinone contenait du Lutheran et que cette molécule était suspectée d’avoir donné un méningiome aux femmes qui en prenaient. J’ai commencé à la prendre en 2014 et j’ai cessé à l’été 2020 car elle était introuvable dans les officines. Le médecin l’a remplacée par du Colprone. Les pharmaciens ne savaient pas pourquoi il était devenu impossible de s’approvisionner en Chlormadinone. Mais, en réalité, le laboratoire cessait sa production.

Heureusement que je suis d’un naturel positif car le courrier de l’Assurance Maladie dit et je cite: « Le méningiome est une tumeur développée à partir d’une membrane qui entoure le cerveau: les méninges. Le plus souvent ces tumeurs sont non cancéreuses: toutefois elles peuvent être à l’origine de troubles graves, pouvant nécessiter une intervention chirurgicale lourde. Ce risque augmente en fonction de la dose et de la durée du traitement. En effet, des études conduites par le GIS EPI-Phare ont montrée que le risque de développer un méningiome est multiplié par 12 à partir de 5 ans d’utilisation d’acétate de nomégestrol (Luthénil et génériques). Il est multiplié par 7 à partir de 3,5 ans d’utilisation pour l’acétate de chlormadinone (Luthéran et génériques).

J’ai pris ce médicament pendant six ans. Cela tombe bien: j’ai mon rendez-vous presque bi-annuel à la Pitié avec une femme médecin remarquable qui est endocrinologue et gynécologue. Je vais pouvoir fair un point avec elle et savoir s’il convient ou non que je passe une IRM. Voici de longues années, après notre tour du monde et alors que j’avais repris ma thèse, j’avais fait une expérience très étrange. j’étais assise dans la bibliothèque Cujas, près de la place du Panthéon. Je détestais la bibliothèque François Mitterrand! j’avais mes habitudes à Cujas. Je regrettais de ne plus être autorisée comme je l’avais été pendant mes deux années où j’étais A.T.E.R. à aller chercher moi-même mes ouvrages dans les réserves. Au début, ces kilomètres de rayons me faisaient peur. Et si je m’y perdais? Et si je m’y retrouvais enfermée la nuit? Avec le temps, j’avais pris mes marques. J’étais aussi autorisée à aller dans la salle Violet réservée aux professeurs mais je ne l’aimais pas car l’ambiance était froide et sévère. Les professeurs de droit ne sont pas réputés pour leur nature follement joyeuse. On se demande même parfois s’ils ne sont pas en lice pour le concours du professeur le plus ennuyeux! Quel dommage! Seul le professeur François Terré faisait exception et se métamorphosait en bête de scène quand il prenait son amphi, à Paris 2, l’amphi le plus grand d’Europe. Nous l’écoutions fascinés sans même prendre de notes. Il sautait sur les tables et donnait au droit des obligations une dimension fabuleuse. C’est d’ailleurs cette année-là que j’ai eu mes meilleures notes en TD et à l’écrit.

J’étais assise et je tapais sur un vieil ordinateur qu’une amie allemande, avocat, m’avait donné. Tout d’un coup, j’ai ressenti quelque chose d’extrêmement angoissant: mon cerveau s’était éteint quelques secondes. C’était comme de débrancher un appareil électrique. Tout était noir. Quand la lumière est revenue, que j’ai senti que mon cerveau s’était rebranché, j’ai rangé toutes mes affaires et suis partie. Ce jour-là, en passant devant un restaurant de la rue Soufflot, j’ai eu, brutalement, mal au coeur et j’ai su alors que j’attendais un deuxième enfant. Victoire était en route et elle l’était depuis un certain temps. Lorsque la gynécologue que j’aimais beaucoup a fait l’échographie, nous avons vu apparaitre un bébé qui gigotait fort et semblait rire de nous. j’étais entrée dans le 4ème mois!

Samedi matin, l’infirmière venait à la maison me prélever plusieurs tubes à essai de sang et le soir, déjà, j’avais les résultats grâce à mon compte sur Internet. Ma TSH qui s’était bien stabilisée repart à la hausse et je suis ménopausée. Je sais que des femmes vivent très mal cette étape de leur vie comme si elle les propulsait dans la catégorie des femmes « mûres », voire carrément vieilles et devant renoncer à toute forme de séduction. Comme ce serait triste de penser de la sorte! Je pense à ce que les femmes ménopausées ont vécu pendant les siècles d’ignorance. Elles pouvaient faire tellement peur aux hommes qu’on n’hésitait pas à les taxer de sorcières. Le fait qu’elles puissent avoir une sexualité libérée de la procréation était effrayant. Longtemps, les hommes ont pensé que le ventre des femmes et plus précisément leur utérus leur appartenait. Les très nombreuses grossesses souvent subies étaient une manière de soumettre les femmes. On sait comment le viol a toujours été utilisé comme une arme de guerre, même s’il n’a été reconnu  comme tel que depuis peu. Je me demande toujours comment en Russie, en Corée, en Allemagne, en France, au Rwanda, en Syrie, au Kosovo, les femmes ont réussi à aimer des enfants qui étaient nés de la violence et de la haine.

Je suis ménopausée et je vais pouvoir voler au-dessus du plateau avec Muguette sur son balai peint en bleu de préférence les nuits de pleine Lune. La Catalogne après l’Ecosse vient d’annoncer le retour en grâce de toutes ces femmes arrêtées, torturées et brûlées pendant la période de l’Inquisition. Dés qu’une femme avait un caractère fort, était éprise de liberté et refusait de se soumettre à l’autorité d’un père, d’un frère ou d’un mari, elle était une sorcière!

Vendredi, aux alentours de 15h00, je serai dans le box du docteur Noël. Je lui demanderai si son fils a toujours le projet de se marier cet été sur une île grecque. Le mariage a été repoussé d’une année à cause de la pandémie. Elle ne cherchera pas à me peser. Elle a compris que monter sur une balance est insupportable pour moi. Elle connait l’anorexie et elle sait les traces qu’elle peut laisser.

Je me réjouis de retrouver Paris, ma soeur, Céleste, mes neveux et notre maman. J’ai pris des billets pour l’exposition sur Cartier au musée des arts décoratifs et pour celle que l’IMA consacre aux Juifs d’Orient. J’ai acheté des « Monsieur Madame » pour Charlotte, notre petite nièce et Romane, la petite fille dont Céleste s’occupe tous les jours et qui est dans la même école que Charlotte. Le samedi, je reprendrai le train avec Céleste et, le dimanche matin, Victoire et ses camarades de l’aumônerie prendront place dans le car les conduisant à Taizé. Ce matin, je suis allée lui acheter une petite Bible car les deux miennes sont trop volumineuses.

Pour celles et ceux que cela pourrait intéresser la chronique écrite le 30 septembre 2014 évoquant la pré-ménopause:

Vendredi 26 septembre, un temps magnifique, une lumière tendre qui joue entre les branches du sapin où un écureuil prend un bain de soleil. Ma dernière patiente de la semaine est partie. Dans l’air flotte l’odeur de son parfum, un mélange d’herbes vertes et d’agrumes. J’ai ôté les plis que son corps a laissés à la surface du drap qui couvre mon canapé et qui est un des souvenirs de notre tour du monde. Quand nous étions dans le nord de l’Inde, au Ladakh, dans la ville de Leh, nous avions acheté mon mari et moi du tissu et avions fait réaliser par un couturier l’équivalent de sacs à viande de la SNCF pour nos nuits sous tente. Les sacs de couchage prévus pour résister à des -25° ne seraient plus de circonstances quand nous aurions quitté l’Himalaya pour gagner le Kerala ! Très longtemps, les draps ont gardé dans le cœur de leurs fibres l’odeur de l’encens qui flottait dans la petite échoppe. Ils étaient plusieurs hommes à y travailler assis à même le sol, les jambes repliés en tailleur. Il faisait sombre dans la pièce. Ils ne se parlaient pas. Ils ne levaient jamais les yeux de leur ouvrage. Ils écoutaient la radio. Les murs étaient tapissés de photos d’acteurs de Bollywood. A présent, le drap-sac s’imprègne de l’odeur de mes patients comme mon sac de couchage dans lesquel je les enveloppe quand on entre dans la période hivernale et que la détente peut faire descendre la température du corps. Mon sac de couchage continue à voir du paysage tant il est vrai qu’une expérience sophrologique ressemble à un voyage !

Je referme mon grand cahier à spirales, celui dans lequel je consigne ce que les patients me disent avant et après la séance, les progrès, les bienfaits, les difficultés, les nouvelles pistes. Je referme aussi mon agenda dont les pages sont illustrées par des peintures de Frida Khalo. J’essaie de mettre un peu d’ordre sur mon bureau, mais pas trop. La nature a horreur du vide ! Tous ces objets, ces papiers, papier de soie, papier d’Arménie, c’est rassurant ! J’accroche tout autour de l’abat-jour de la lampe qui éclaire la droite de mon ordinateur des cartes postales que j’achète pour conserver un souvenir d’un moment agréable, d’une exposition qui m’a particulièrement plu. Depuis quelques temps, on y trouve un détail d’un tableau de Félix Vallotton « la loge de théâtre, le monsieur et la dame », une belle Arlésienne portant un brin de muguet peinte par Danielle Raspini, une photo de Heinrich Kühn, représentant une femme et une petite fille dans le vent, la photo d’une 2cv perdue dans un champ de lavande dans le Lubéron offerte cet été par une âme-sœur artiste-peintre lors d’une promenade à Aiguèze et une phrase de La Rochefoucauld « qui vit sans folie n’est pas si sage qu’il croit ». Le bureau est rangé. Dans le sapin, l’écureuil et sa splendide queue rousse ont disparu. Je vais redescendre dans la cuisine la tasse de café de 9h00, celle de 14 heures et enfin le mug de thé de 17h00.

Je quitte la maison-cabinet à la campagne pour la ville. Je me gare sur le grand parking non payant. J’aurais aimé traverser le jardin mais il est fermé. On s’active pour préparer les ateliers en vue de la 18ième virade de l’espoir organisée par l’association « vaincre la mucoviscidose ». Demain, nous participerons à cette manifestation avec les enfants et leur mamie qu’ils attendent toujours comme le Messie. Nous y retrouverons des visages connus et, plus particulièrement, la maman de ma troisième filleule, Véronique qui, tous les ans, aide Hubert, potier de son état, à animer un atelier. Hubert aura rapporté à notre fils son dinosaure après l’avoir cuit dans son four. Un an que notre numéro trois attend son dinosaure ! Il ne l’a pas oublié !

Ce vendredi, j’ai rendez-vous chez le gynécologue-obstétricien, celui qui me suit depuis que nous nous sommes installés dans cette région, un homme qui doit approcher à pas comptés de la soixantaine. J’ai toujours préféré être suivie par une femme mais, ici, je n’ai pas eu le choix. C’est lui qui a fait le suivi de ma grossesse quand je portais notre petit homme préhistorique, notre adorable capitaine des cavernes, l’enfant de bientôt sept ans qui attend son dinosaure.

Quand je franchis la porte de la salle d’attente, je suis la seule. En neuf ans, cela n’est encore jamais arrivé ! En général, celle-ci est bondée de femmes de tous les âges : femmes enceintes, jeunes filles avec leur mère, femmes ménopausées, femmes avec leur bébé et, parfois, futurs pères venus rencontrer, admirer « His Majesty the Baby » in utéro. A ce titre, je n’oublierai jamais l’expression de mon mari quand, dix ans en arrière, nous étions chez le gynécologue qui me suivait dans le Gard et que nous avons vu apparaître sur l’écran de l’échographe une petite fille de presque quatre mois qui gigotait comme un beau diable et semblait nous dire, avec un large sourire et un regard espiègle : « surprise ! ». C’était Victoire, notre numéro deux !

La salle d’attente d’un gynécologue-obstétricien c’est un vrai gynécée ! On ne serait pas surpris que la secrétaire médicale soit un eunuque grassouillet quittant parfois son bureau pour nous offrir des cornes de gazelle avec un thé à la menthe ou un café turc, le tout posé sur un grand plateau en cuivre ! Des enceintes sort la voix du sud de Francis Cabrel, le début du voyage en Orient ! C’est une compilation avec des chansons comme « je l’aime à mourir » ou encore « l’encre de tes yeux ». Cela fera bientôt 27 ans qu’une de mes amies et moi nous écoutions ces titres sortis l’un en 1979 et l’autre en 1980. Nous les écoutions dans l’appartement de sa mère situé très près de notre faculté. Cet appartement sis au 60 de la rue Madame a accueilli des soirées mémorables, généralement organisées quand la maîtresse des lieux participait à un colloque à quelques milliers de kilomètres. Nous étions des juristes en herbe et, encore, des jeunes filles en fleur que la dissection des arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation n’avait pas asséché.

Il fait très froid dans la salle d’attente qui ne possède qu’une seule fenêtre ouverte sur la cage d’escalier. Sur la table basse, trois piles de magazines : psychologie magazine, Elle et l’Express. Une femme me rejoint. Elle a rendez-vous avant moi. La conversation s’engage. Elle trouve que les femmes vieillissent mieux que par le passé, prennent plus soin d’elle et, d’ailleurs, elle précise que les gens ne lui donnent jamais son âge, qu’elle doit, parfois, sortir sa carte d’identité car on ne la croit pas. En fait, ce n’est pas une conversation mais plutôt un monologue. Je l’écoute. Elle est assez stressée et les aiguilles qui tricotent du temps sur la pendule n’arrangent rien. Ce que je me garde de lui dire, c’est que le gynécologue qui était là à mon arrivée vient de partir. Je comprendrai tout à l’heure, par recoupement, qu’il a filé chez sa banquière dont je saurai même le prénom à la fin de la consultation. Il doit changer son matériel pour les échographies. Il hésite entre un achat en crédit-bail plus cher qu’un prêt à un taux très bas. Il en a pour 70000 euros pour renouveler son matériel qui lui est indispensable pour le suivi de ses patientes.

Une autre femme entre. Elle est d’origine africaine. J’admire la finesse de ses attaches, ses chevilles et ses poignets et le calme qui émane de sa personne. Cela tranche avec l’agitation qui gagne l’autre patiente. Cinq minutes ne se sont pas écoulées qu’entrent une maman, son petit garçon et un bébé, une petite fille dont je ne vois que les pieds qui dépassent du maxi-cosy. La maman est encore ronde de sa dernière grossesse. Elle a un beau visage serein. Par le jeu de la projection, je plains le petit garçon qui va sans doute devoir attendre plus d’une heure dans cette salle sans bouger. Sa maman et lui ont les yeux rivés sur le bébé et leurs visages s’éclairent par intermittence quand, je l’imagine, le bébé sourit dans son sommeil. Il est calme ce petit garçon qui doit avoir sensiblement l’âge du mien. Son cou porte les marques rouges que la bandoulière de son cartable a laissées. Il contemple sa sœur. Je me demande s’il est jaloux. Sa maman ne lui parle pas. La patiente agitée est appelée par le médecin qui, revenu de son rendez-vous à la banque, a juste eu le temps d’enfiler sa blouse blanche.

Mon tour arrive. Je me lève. Nous nous serrons la main. Je ne perds pas de temps. Je suis gelée, pressée de retourner à la lumière du jour, à la vision du soleil qui éclaire les feuilles d’automne et je pense à cette maman avec son fils et son bébé qui vont attendre encore longtemps dans la salle d’attente glaciale. J’ai des hémorragies intermittentes depuis plus de quatre mois. Je crains de m’anémier. Dans ma famille maternelle, les femmes développent des kystes ou des fibromes à mon âge. Et oui, Docteur, je vais avoir 45 ans ! Je suis entrain de basculer de l’autre côté. Je m’achemine lentement mais inexorablement vers l’autre rive du fleuve celle où nous attend Charon pour entreprendre l’ultime voyage. Mais avant, j’aurai eu le temps, j’espère, de voir mes enfants devenir des adultes heureux, se marier s’ils en ont envie (ce que ni ma grand-mère paternelle ni son fils, mon père, n’auront pu vivre) et, un jour, des parents ravis de déposer leurs bébés à leurs parents devenus des grands-parents. Je m’installe. Il cherche un kyste car c’est aussi ce à quoi il a pensé mais le seul kyste qu’il trouve est celui qui annonce une ovulation future. Il n’a rien trouvé. Je suis comme des milliards des femmes avant moi et après moi, mon corps commence à fabriquer de moins en mois de progestérone. Mes ovaires qui ont si bien fonctionné depuis la puberté, mis à part les moments où j’étais trop maigre, vont se dérégler. Les cycles vont devenir anarchiques avec des pertes de sang intenses, puis, plus de saignements du tout, des tensions dans la poitrine qui s’arrondit comme pour une montée de lait, puis plus de tensions et la poitrine qui revient à sa taille habituelle, le train du sommeil qui ne passe plus en gare, de l’irritabilité, des sensations de chaleur subite, la peau qui s’assèche. Bref, tous les signes cliniques d’une diminution de la progestérone.

Cela fait déjà quelques années que je me prépare à la ménopause qui met à mal tant de femmes moralement et physiquement. Je m’y prépare comme je me suis toujours préparée aux évènements importants de ma vie pour les vivre au mieux, pour ne pas me laisser dépasser par mes émotions car je sais que j’hyper réagis aux choses. Il n’y a pas si longtemps encore, on donnait aux femmes des traitements substitutifs qui faisaient disparaître d’un coup de baguette non pas magique mais chimique tous les désagréments liés à ces bouleversements hormonaux qui s’installent dans le temps, peuvent être vraiment très pénibles et nourrir ou servir de révélateur à des dépressions profondes. Maintenant, on n’ose plus prescrire ces traitements après qu’on ait fait le lien entre eux et certains cancers. Je ne me suis jamais dit que je vieillissais. Non pas que je ne vois pas que le temps sur moi fait son œuvre, qu’il me façonne mais, je ne me dis jamais que je ne peux plus faire ce que je faisais à quinze ans. Je ne me sens pas de limites. Je ne me suis jamais dit que je vieillissais même si, comme la plupart des hyperactifs qui se respectent, la mort m’effraie dans le sens ou elle est la limite à l’envie d’exister, d’être au monde, de réaliser et que ma foi en Dieu ne me donne aucune certitude sur la façon dont je vais naître dans la vie éternelle. Quand je sors du cabinet, que je retrouve la lumière douce de ce début d’automne, la chaleur des rayons du soleil, je respire profondément. Pour la toute première fois de ma vie, je me dis, en conscience, que je vieillis et que, pour moi, qui aime tant relever des défis, le plus important sera celui qui consiste à sublimer la peur de la mort qui est, en réalité, la peur de ne pas réussir à tout réaliser avant de partir. Je m’étais préparée à la ménopause…pas aux désagréments liés, chez certaines femmes, à la pré-ménopause ! C’est une bonne expérience dans la mesure ou elle va me permettre de mieux comprendre encore certaines de mes patientes. Les bouleversements hormonaux qui s’opèrent chez les êtres à partir de 45 ans nous offrent un bel exemple de l’absence d’égalité entre les deux sexes. En effet, si la plupart des femmes seront affectées à des degrés divers au moment de la pré-ménopause et, dans tous les cas, ménopausées aux alentours de 52 ans, seulement 2% des hommes âgés de 40 à 80 ans vivent une andropause. Il faudra un jour qu’on m’explique pourquoi Dame Nature a jugé souhaitable que l’homme puisse encore engendrer alors qu’il est en âge d’être grand-père…

Anne-Lorraine Guilllou-Brunner

 

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