Chronique sur « Apocalypse »

La semaine dernière, France 2 diffusait les deux premiers épisodes d’undocumentaire consacré à la seconde guerre mondiale et appelé « Apocalypse ». Mardi dernier, rattrapée par notre histoire familiale, je n’avais pas été capable d’aller au-delà du début du second volet. Brutalement, j’avais fondu en larmes à la vue de tous ces civils jetés sur les routes d’Europe, de ces femmes serrant, à les en étouffer, leurs enfants contre elles, et de ces personnes âgées qu’on sentait totalement déboussolées et qui, au fond d’elles, devaient souffrir à l’idée que, peut-être, leurs yeux se fermeraient, à jamais, sur un monde dévasté par la guerre.

Cette semaine, j’ai réussi à aller au bout des deux épisodes. Si quelques commentaires m’ont fait tiquer, j’ai été saisie par la puissance des images, ai été fascinée par le travail mené par les réalisateurs et ai découvert des pans de ce monstrueux conflit que j’ignorais. Je pense, par exemple, aux Sibériens, tout de blanc vêtu, descendants à ski les pentes russes enneigées et prenant en chasse l’armée allemande ou aux Américains d’origine japonaise privés, après l’attaque de Pearl Harbor, de tous leurs biens et enfermés dans des sortes de camps, sur décision de Roosevelt.

Le choix des images colorisées  nous permet de mesurer vraiment l’embrasement mondial du conflit. Dans le désert lybien, les hommes de Rommel, font cuire leurs œufs sur le devant de leur char. Au cœur de l’hiver russe,  les armées allemandes, gelées, affamées sont soulevées, tels des fétus de paille, par la force du blizzard. En Nouvelle Guinée, les Australiens, épaulés par les Papous, cherchent à repousser l’avancée japonaise. Dans les pays occupés, les civils s’organisent pour faire face au quotidien et certains d’entre eux entrent dans l’armée des ombres.

Partout où il était installé, le peuple juif cristallise la haine et sert de bouc émissaire. Après avoir accueilli les Allemands comme des sauveurs, les Baltes et les Ukrainiens qui ont déjà tant souffert de la folie stalinienne, se déchaînent contre les juifs. Dans tous les pays occupés, le régime nazi édifie des camps de concentration.

On se demande toujours comment les différences culturelles et les fanatismes aboutissent à ce qu’un homme en arrive au point de non retour, au stade où il ne voit plus en un autre que lui-même, un être humain mais un sous-produit du genre humain. Les Japonais n’auront que mépris le plus absolu pour tous ces Anglais et ces Américains ayant préféré le statut de prisonnier à la mort par suicide. Par dessus tout, il m’est impossible de comprendre comment des hommes peuvent donner la mort, de sang froid, à des bébés et à des enfants. Petite fille, et encore ignorante de bien des volets noirs de notre histoire contemporaine, j’étais horrifiée que le roi Hérode ait pu ordonner l’assassinat de tous les garçons de moins de deux ans, nés dans la ville de Bethléem, après l’annonce de la naissance du « roi des Juifs ».

Dans « Apocalypse », il y a le regard tendre et confiant de Rose, petite fille née en Angleterre en 1940, que son père filme et qui grandit au rythme des années de guerre. Rose est là comme une lueur d’espoir dans un monde qui semble avoir perdu tous ses repères, au cœur d’un conflit qui aura eu raison de cinquante millions d’âmes.

Mardi dernier, dans mon canapé, mon mari à mes côtés, nos enfants dormant sereinement au chaud dans leur lit douillet, je mesurais notre chance d’avoir vu le jour dans un pays en paix. Je repensais à ce garçon libanais rencontré il y a bien longtemps de cela et qui avait grandi, quinze années, dans un pays ravagé par la guerre. Il était devenu ingénieur. Ses nuits étaient toujours peuplées de cauchemars. Son sourire était timide. La fracture intérieure était si profonde que je doute qu’elle ait pu complètement se résorber. En même temps, et de tout cœur, je le lui souhaite.

Anne-Lorraine Guillou-Brunner

 


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