Chronique en vrac

La semaine dernière a été si dense que Fantôme et moi avons du raccourcir nos promenades, n’avons quasiment pas vu Muguette et que je n’ai pas réussi à dégager assez de temps pour entrer en moi, retrouver ma musique intérieure et laisser une chronique s’écrire. J’ai passé plus de temps à m’assurer que l’école à la maison se déroulait bien et à assumer l’intendance qu’à recevoir mes patients.

Hier matin, après un mois sans école, on avait presque le sentiment de vivre une rentrée des classes. Il avait encore gelé. La toile bleue du coffre de la voiture était piquée d’étoiles. Devant l’ancienne gare du village, peu de jeunes qui attendaient le car. Avant de conduire Louis au collège (un professeur était absent), Fantôme et moi avons fait le tour du plateau dans une belle lumière dorée et l’odeur de miel des fleurs des acacias. Pas d’iris sauvage autour de la mare mais, à la surface de l’eau troublée par la nage rapide d’un couple de canards, de larges feuilles de nénuphars.

Ce matin, de gros nuages blancs se détachent sur un ciel gris. La nature manque de couleurs. Le gel a flétri les fleurs des lilas sauvages et eu raison des feuilles et des fleurs des glycines. Notre vieux rosier ancien ne semble pas pressé de donner des boutons. Un seul iris est en passe de déployer ses larges ailes de papillon. Enfin, les boules de Noël blanchissent. Les pivoines n’exploseront pas dans le jardin. Les boutons sont atrophiés. Elles ont manqué d’eau. Le potager disparaît sous les herbes folles. Le sapin qui ombrage le portique et le trampoline s’est couvert de petites pouces si douces et d’un vert si tendre que j’ai toujours envie de les croquer.

Ce matin, en revenant des courses (avec trois adolescents, le réfrigérateur et les placards se vident très vite), j’ai constaté que le nain de jardin d’un beau rose soutenu avait disparu. Depuis plusieurs années, il montait la garde sur le terrasse d’une maison moderne aux murs gris. Il m’amusait beaucoup ce nain rose. Je lui adressais un petit coucou à chaque fois que je passais devant lui. Je me suis demandée s’il avait été volé, déplacé ou si, comme le nain de jardin du père d’Amélie Poulain, il avait eu envie de partir à la découverte des capitales aux quatre coins du globe. La maison moderne aux murs gris appartient à une famille de gens du voyage sédentarisés. Ils n’habitent pas la maison. Ils ont, dans le jardin, une maison bleue sur pilotis. La maison sert à réunir la famille au moment des grandes fêtes religieuses ou laïques. Sans le nain rose, la maison est triste! Comme sont tristes aussi les rives de la rivière sans ses grands arbres récemment abattus. Quand je vais faire des courses, j’emprunte une petite route qui traverse un ravissant village et enjambe une rivière et un canal. Ce matin, je me suis arrêtée pour regarder la pluie troubler la surface de l’eau vert émeraude du canal. L’endroit était désert. Seul un homme courait tout de noir vêtu.

Faute de pouvoir physiquement voyager, je m’évade par mes lectures. Après avoir été dans les Pyrénées me voici dans les Hautes-Alpes, dans un refuge suspendu au-dessus de la vallée de la Clarée. J’avais beaucoup aimé « La libraire de la place aux herbes ». J’ai eu envie de découvrir un autre roman d’Eric de Kermel « Mon coeur contre la terre », préfacé par Cyril Dion. L’auteur y raconte comment une enfant du pays brillante s’est perdue à Paris dans la haute-administration, s’est séparée d’un mari trop ambitieux, a commis une très grosse erreur d’appréciation dans le domaine de la protection de l’environnement et revient chez son oncle, ancien guide de haute-montagne, devenu gardien d’un refuge pour se retrouver et savoir comment elle a envie de poursuivre sa vie. Si j’ai beaucoup de bonheur à suivre les protagonistes dans leurs sorties en montagne, à retrouver l’ambiance chaleureuse d’un refuge, à voir la montagne évoluer au fil des quatre saisons, j’ai un peu de mal avec le côté  » développement personnel » du livre.

Cela pourra sans doute surprendre celles et ceux qui me connaissent bien mais j’aurais aimé m’occuper d’un refuge en montagne. J’aurais été ravie d’accueillir des randonneurs, des alpinistes, des amoureux de la nature et de partager avec eux autour de leurs aventures et d’un bon feu de cheminée. J’aurais été heureuse de préparer des repas à la fois sains et copieux. J’aurais aimé mettre les draps à sécher sur des fils en plein soleil et, au moment de les rentrer, d’en respirer l’odeur de fleurs. J’aurais aimé entendre siffler les marmottes, hurler le loup, trompetter l’aigle et l’eau galoper dans les torrents à la fonte des neiges. Une partie de moi aime la vie en pleine nature et une autre s’épanouit dans une grande ville qui ne dort jamais. Dans les deux cas, j’ai besoin de nouer des contacts, de rencontrer toutes sortes de personnes riches de parcours différents. A nouveau, je ressens deux besoins forts: celui de faire le plein de culture et de mouvement à Paris et celui de partir marcher en montagne.

Si Louis devrait aller au collège jusqu’aux grandes vacances, il n’en va pas de même pour ses deux soeurs qui n’iront au lycée que par intermittence. Je suis affolée par l’absence ou le manque de préparation de la plupart des élèves s’agissant du grand oral issu de la réforme du bac. Les élèves de terminale doivent à la fin de l’année présenter deux questions portant sur les matières de spécialités choisies en première. Chaque question peut être propre à la spécialité ou la question peut croiser les deux matières. L’oral doit durer vingt minutes. Le candidat doit montrer qu’il est capable de s’exprimer clairement en s’appuyant sur ses connaissances. Il doit aussi pouvoir expliquer la cohérence entre ces questions et le choix de ses futures études. Ce n’est pas seulement un oral portant sur des connaissances acquises pendant deux ans mais aussi sur la personnalité de l’élève. Comment les professeurs vont-ils pouvoir préparer leurs élèves à l’oral alors que ces derniers seront très peu au lycée? Les professeurs ont-ils anticipé l’annulation des épreuves et le passage au contrôle continu pour tout? Dans tous les cas, les élèves auraient dû être préparés bien en amont au grand oral. Cette nouvelle épreuve avait pour but d’aider des jeunes qui peuvent être timides ou manquer de confiance en eux à dépasser leur peur de s’exprimer oralement. Les inégalités provoquées par ces longs mois de pandémie sont terribles!

Depuis le début de l’après-midi, la pluie tombe avec régularité. Les animaux dorment. Fantôme, sous l’escalier et Cookie sur un fauteuil de la mezzanine. Le même petit moineau vient se poser plusieurs fois par jour sur le bord de la fenêtre de Louis. Voici quelques jours, la fenêtre de Louis étant ouverte, il avait volé dans la chambre. Je viens de lui déposer des miettes de pain. Je suis contrariée car mon travail m’empêchait de conduire notre cadette du lycée au cabinet de l’orthodontiste et, ensuite, de la ramener. Elle est partie sans parapluie. Elle va être trempée! J’espère qu’elle ne va pas attraper froid. Elle m’a écrit de ne pas m’inquiéter. Elle a toujours à coeur de ne pas peser sur nous.

Une belle semaine à vous toutes et tous!

 

Anne-Lorraine Guillou-Brunner

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