Chronique autour d’un magnifique film

Ce matin, le soleil est revenu sur le plateau après le déluge d’hier. La pluie est tombée si violemment qu’elle a couché les branches du lilas. Les brins d’herbe scintillent dans la lumière dorée. Fantôme est tout mouillé. Je le sèche en rentrant. Louis est au collège et les filles ont des cours en visio. Si je comprends la volonté du ministre de l’Education à vouloir que les élèves de terminale fassent l’expérience d’un écrit en philo et d’une prestation orale (hormis les épreuves du brevet en troisième, les E3C en première et le bac blanc de philo, ils n’ont passé aucun examen), les différences de préparation entre les élèves ne sont pas normales. Notre aînée est loin d’être prête mais, et c’est une chance pour elle, elle n’appréhende pas les épreuves orales car elle est très à l’aise.

Je reprends ma chronique laissée en jachère depuis plusieurs jours. Dimanche, il fait très chaud et un vent puissant balaie le plateau. En maillot de bain, Céleste finit de vider la piscine avant que Stéphane nettoie le fond avec le karcher. Ensuite, il n’y aura plus qu’à la remplir. Ma soeur et les siens viennent passer avec nous une partie du pont de l’Ascension. Nous ne nous sommes pas revus depuis Noël. Je doute que la météo à venir soit propice au premier bain de l’année. L’an passé, quand nous avions été à nouveau autorisés à circuler lors du premier confinement, ma soeur était venue s’installer à la maison une semaine. Il faisait un temps radieux. Les enfants avaient monté les tentes dans le jardin et passé presque tous les après-midis dans l’herbe en maillot. Nous pouvions prendre tous les repas dehors, à l’ombre des canisses et profiter des hamacs. Nous avions vraiment eu tous le sentiment d’être en vacances.

Ce matin, avec Stéphane et Fantôme nous avons refait une promenade que j’aime beaucoup au départ de Conflans-sur-Loing. Nous avons longé le canal de Briare jusqu’à retrouver une petite rivière enjambée par un pont où il nous est plusieurs fois arrivés de pique-niquer avec les enfants. L’eau du canal était vert émeraude. Des canards venaient amerrir. Un arbre barrait le canal. Aucune péniche n’aurait pu passer. De hautes branches de cigüe avaient poussé le long du chemin désormais bitumé pour faciliter la circulation des vélos. Depuis plusieurs années, l’Etat a délégué l’entretien des canaux et des écluses à une société privée. Les portes et les fenêtres des maisons des éclusiers sont désormais closes. J’ai eu une patiente dont le mari avait été éclusier comme son père et son grand-père avant lui. Elle me racontait qu’à l’automne les canaux étaient vidés et entièrement curés pour que les péniches puissent y naviguer facilement. C’était un travail colossal! Elle me parlait de toute cette vie sur l’eau et des aventures vécues avec des plaisanciers de jour comme de nuit. C’est triste de penser à tous ces métiers que la recherche du profit a fait disparaître.

Au début de mes études alors que je vivais à Paris, près du parc Monceau, chez notre grand-mère maternelle, un rémouleur remontait la rue poussant sa meule sur une sorte de charrette. Les habitants descendaient avec leurs couteaux à affuter. Muguette me disait qu’il est devenu très difficile de trouver des gens sachant tondre correctement les moutons et même des personnes capables d’affuter les ciseaux nécessaires à la tonte.

Samedi matin quand Fantôme et moi arrivons à hauteur de la maison de Muguette, nous les trouvons Pépette et elle dans le potager où des plantations sont dissimulées sous des bâches en plastique blanc qui claquent dans le vent. Nous entrons. Les marches pour Muguette, le fauteuil de jardin pour moi. Pépette monte s’installer sur la plus haute marche de l’escalier. Fantôme attend des morceaux de pain dur. Muguette me dit qu’elle ne mangera plus jamais de viande. Elle a entendu parler d’un nouveau scandale dans un abattoir. Elle est écoeurée! Elle me dit que si les « vieux » revenaient, ils en pleureraient de voir ce que l’agriculture et l’élevage sont devenus. Comme je lui explique que je vais rentrer réveiller les enfants qui ont pas mal de devoirs, elle tend son bâton dans sa direction et me gronde: « Quelle mère indigne! Laissez-les donc dormir! Je vais appeler la SPA! ». Eugène arrive pour son café. Il me parle des éoliennes en mer qui sont une catastrophe pour la nature.

Cette semaine, nous avons vu un magnifique film « The dig » sur Netflix. Il raconte l’histoire vraie de la plus incroyable découverte archéologique en Angleterre: celle d’un bateau funéraire de l’époque anglo-saxonne, dans le Suffolk en 1939. Il était dissimulé sous un tumulus de terre depuis le VIIème siècle. La propriétaire des lieux, Edith Pretty, veuve et maman d’un jeune garçon, charge Basil Brown, archéologue amateur chevronné, de procéder aux fouilles. Avant que le British Museum n’est vent de la découverte et ne dépêche sur place des spécialistes prétentieux, Basil Brown met à jour l’intégralité du bateau long de 24 mètres. Les fouilles permettront de découvrir 263 objets précieux qui seront cachés sous un métro londonien pendant la durée de la seconde guerre mondiale. Dans l’inventaire, des armes, de la vaisselle en argent, de la monnaie, des boucles en or et un magnifique casque. Les chercheurs pensent que la tombe est celle du roi Raëdwald d’Est-Anglie car les dates sur les pièces retrouvées correspondent à celles de son règne. La découverte du trésor de Sutton Hoo a littéralement transformé la vision que les historiens pouvaient avoir de cette époque du haut Moyen âge. En effet, les bijoux et les objets mis à jour témoignent d’un sens artistique très poussé.

https://www.youtube.com/watch?v=JZQz0rkNajo

Le bateau semble avoir été tiré du fleuve Deben et tiré sur 1,5 km jusqu’à la colline de Sutton Hoo. Les funérailles qui ont suivi devaient être exceptionnelles. Edith Pretty a fait le choix de donner tout le trésor au British Museum car elle souhaitait qu’il soit accessible gratuitement au plus grand nombre. Comme Basil Brown n’avait pas fait d’études et qu’il ne devait qu’à sa très grande curiosité toutes ses immenses connaissances, on fit en sorte que son nom n’apparaisse pas au British Museum. Depuis peu de temps, il est enfin fait mention de lui!

J’ai énormément aimé de film servi par des acteurs remarquables. Les émotions sont toujours retenues. Les passages pendant lesquels le dialogue est détaché des personnages comme si on entendait leurs voix intérieures m’a beaucoup plu. Alors que la guerre a été déclarée, que tous les hommes âgés de 18 à 32 ans doivent partir se battre, Basil Brown recouvre le bateau-tombe de feuilles de fougère avant de le faire disparaître sous la terre de manière à le protéger des bombardements. Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu un film aussi poétique et poignant. Si, un jour, j’ai l’occasion de retourner à Londres, j’irai admirer la salle consacrée au trésor de Sutton Hoo.

Le ciel se charge. L’océan céréalier frémit sous les caresses du vent. La pluie sera là ce soir.

A bientôt!

Anne-Lorraine Guillou-Brunner

 

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