A midi vingt, ma dernière patiente repartait. Si elle n’avait pas à rejoindre son mari, je lui aurais bien offert de rester déjeuner avec nous. Cette patiente est très particulière. Elle a été ma première patiente quand j’ai ouvert le cabinet. Elle m’était adressée par son médecin traitant qui avait consenti à me recevoir avec deux de ses confrères. Au début de mon installation, je m’étais présentée aux médecins pour qu’ils sachent qui j’étais, comment je me proposais de venir en aide à leurs patientes et à leurs patients. A l’époque, ce médecin partageait son cabinet avec l’ex-femme de notre ancien médecin et un médecin venue s’implanter dans la maison de santé du village avant de la quitter pour aller encore un peu plus loin. Que l’on soit avocat ou médecin, les associations, comme les couples, ne sont pas toujours de longs fleuves tranquilles. La fin d’une association peut être aussi violente et douloureuse qu’un divorce. Il y en a toujours un qui subit le choix de l’autre.
Ma dernière patiente de ce matin a donc été la première à pousser la porte d’Ar Men. Fantôme et elle s’adoraient! M pensait toujours à apporter une petite friandise ou une balle de tennis à Fantôme. La séance commençait avant que nous poussions la porte du cabinet et se poursuivait après dans les deux cas en compagnie de Fantôme. Le temps passant, M et moi avons noué une relation qui n’avait plus rien à voir avec celle qui unit une sophrologue à sa patiente. D’ailleurs, M n’était plus une patiente. Elle était devenue une tante, une grand-tante pour nos enfants. Nous avons partagé ensemble des communions et des professions de foi, des déjeuners et des promenades. Notre maman et M sont devenues amies. Quand notre maman venait veiller sur Fantôme, toutes deux avaient plaisir à se voir.
Si j’en avais le temps, je pourrais entretenir des relations suivies avec plusieurs de mes anciennes patientes. M n’était pas revenue à la maison depuis que Fantôme est mort. Comme D l’avait fait, elle a apporté une très jolie plante grasse qui fait des petites fleurs oranges. Nous avons été la déposer sur la tombe. Si les pieds de lavande n’ont plus de grains bleus, les géraniums sont fleuris.
J’ai un peu honte de l’écrire quand tant de personnes aimeraient être à ma place mais, cet été, je n’avais pas envie de partir. Etre en vacances aurait consisté pour moi à ne pas changer de latitude, ne pas préparer une valise, ne pas nettoyer la maison, changer les draps, faire place nette, ne pas aller chercher la morsure du soleil mais à rêver depuis le jardin en regardant filer dans le ciel les nuages, à entreprendre des escapades à la journée, à éprouver le calme de la maison, le vide laissé par Fantôme, à tenter de rattraper mon retard dans mes lectures. En temps normal, j’ai toujours envie de mettre du champ entre le plateau et moi mais pas cette année. J’avais envie aussi de profiter de lui avant qu’il ne soit à nouveau livré aux ravages de l’agriculture conventionnelle dite aussi raisonnée. J’aurais aimé continuer à voir grandir les chevreuils nés en juin et entendre aboyer les mâles.
Pourtant, je sais que le portail refermé, je ne regarderai pas derrière et laisserai s’envoler mon désir de vacances à la maison. Quand nous quitterons l’autoroute à Bollène et que la voiture s’élancera le long de la départementale bordée de platanes majestueux avant de traverser le Rhône par le pont constitué de 26 arches et dont la première pierre fut posée en 1265, que la porte en bois bleu s’ouvrira sur notre maman et que je respirerai l’odeur unique de la bonne et vieille maison de Pont, je serai heureuse. Je serai heureuse aussi quand nous irons pique-niquer dans les dentelles de Montmirail chez l’une des amies de notre maman, que je retrouverai tant de visages connus le long des allées du marché samedi, que nous irons saisir le vol des étoiles filantes dans le ciel au bord du Rhône, que nous retrouverons des amis, déjeunerons aux Tourelles pour l’Assomption et que, peut-être aussi, nous irons en Arles pour les rencontres de la photographie.
Plus loin, je serai émue, aussi, quand la voiture prendra d’assaut la pente si raide de la maison de notre unique oncle et de sa femme, ma marraine, véritable nid d’aigle dans le massif de l’Estérel. Notre tante nous embrassera avec chaleur. Notre oncle nous donnera du « Salut! ». Tout sera comme toujours: la végétation luxuriante, la vue imprenable sur la baie de Cannes, la table sous la terrasse, l’eau de la piscine trop chaude et, certainement, des chats de passage. J’aurais aimé connaitre la renarde qui venait partager la nourriture des chats avec ses petits à la fin d’un été. Et puis, un jour, elle n’était plus là et c’était un de ses enfants qui avait retrouvé le chemin de la maison. Il arrivait qu’il se repose sur les fauteuils du salon tel un gros chat paresseux. Quand je pense que le renard a été à nouveau classé dans la catégorie des nuisibles et ce, sur la base de déclarations non vérifiées de morts de poules et de canards. Il est chassé toute l’année, le jour la nuit. On envoie des ratiers le déloger dans ses cachettes. Le renard nous protège des rongeurs véhiculants les tiques qui peuvent exposer à la maladie de lyme en cas de piqure. Le renard s’auto-régule. Le Luxembourg a interdit en 2015 la chasse des renards et leur nombre est stable. La France est l’un des seuls pays d’Europe qui autorise la chasse d’espèces menacées.
En 2023, la France répertoriait 1,03 millions de chasseurs. Nous sommes le pays qui a le plus grand nombre de chasseurs et comme il convient de les satisfaire, nous sommes également le pays qui compte le plus grand nombre d’espèces chassables: 91.
Je me rappelle mon bonheur, au printemps confiné, de voir, en plein jour, un renard là, où, tous les matins, je m’arrête pour contempler des chevreuils. C’était la première fois que je voyais ici un renard en vie et non pas une pauvre bête laissée pour morte dans un arbre ou tuée au passage d’un voiture. Je ne supporte pas qu’on roule sur le corps des animaux. L’an passé, je m’étais arrêtée pour aller ramasser le plus délicatement possible un renard. Je l’avais tenu entre mes mains. Son corps était encore chaud et sa fourrure si douce. J’en ai fait autant pour un chevreuil, un marcassin, des chatons, un merle que son conjoint, paniqué, ne quittait pas au risque d’être lui aussi heurté mortellement par un véhicule. Notre chat tue des campagnols et des tourterelles. Je ne le gronde pas. Je sais qu’il répond à son instinct de chasseur. Il arrive que je parvienne à lui retirer sa proie et la sauve. Je sens alors combien il est contrarié!
Je me suis toujours demandée comment, dans les fermes, durablement, on élevait un petit cochon qui s’attachait aux siens comme un chien pour finir par le tuer. A la campagne, je connais un certain nombre de personnes qui ont été traumatisés par les cris de terreur du cochon ayant compris quel sort les hommes lui réservaient. Vie et mort d’un cochon de Robert Newton Peck, ce roman était sur la table de chevet de la fille d’amis de nos parents dans la Sarthe. J’en avais lu le résumé. Je l’avais reposé, horrifiée. Comment pouvait-on lire une pareille histoire? Je me rappelle mes larmes en lisant L’appel de la forêt ou Croc-Blanc.
Cet été, encore, les Français abandonnent massivement leurs animaux. Nous ne sommes que le 8 août et les refuges sont contraints de fermer leurs portes. Ils ne peuvent plus accueillir de chiens et de chats. Toutes les campagnes conçues pour sensibiliser les gens ne servent à rien! Comment peut-on passer de bonnes vacances en ayant attaché son chien à un arbre ou en l’ayant jeté par une portière? Comment peut-on encore se regarder dans une glace et soutenir le regard de ses enfants? On ne compte plus le nombre de chiens ou de chats ayant réussi à parcourir des centaines de kilomètres pour retrouver leurs compagnons deux pattes. Comment font-ils pour retrouver leurs traces? L’odorat ne peut pas être la seule réponse.
En France, un animal est abandonné toutes les deux minutes. Je ne le savais pas mais, depuis 5 ans, il existe la journée mondiale contre l’abandon des animaux domestiques. Il existe une charte du maitre responsable qui tient en 15 points: Je ne t’adopte pas sur un coup de tête/Je t’identifie/Je te fais stériliser/Je veille sur ta santé/Je pourvois à ta nourriture et à ta boisson/Je pourvois à ton confort et à ton bien-être/Je ne t’ignore pas/Je t’emmène en vacances avec moi/Je t’éduque/Je respecte la loi et les décisions locales concernant ton espèce/Je ne t’exploite pas/ Je ne te fais pas euthanasier par confort/Je ne te maltraite pas/ Je ne t’abandonne pas/Je t’aime.
Je ne pensais pas que des vétérinaires pratiquaient l’euthanasie d’un animal en bonne santé à la demande de ses deux pattes. J’avais été choqué lorsque l’un des vétérinaires qui avait reçu Fantôme en consultation m’avait dit que, désormais, avoir un animal deviendrait un luxe et qu’il voyait des gens se priver pour faire soigner leur chien. A aucun moment, il n’avait exprimé l’idée qu’il pourrait parfois intervenir gratuitement ou revoir à la baisse le coût souvent exorbitant des médicaments et des soins. Peut-on se contenter de dire qu’avoir un animal sera à l’avenir réserver à une élite? C’est monstrueux de raisonner comme ça quand on sait le bonheur éprouvé à partager le quotidien d’un animal! Ci-dessous, le spot réalisé pour l’édition de cette année:
https://www.youtube.com/watch?v=4lKtt8Dyjn0
En me promenant sur la toile, j’ai découvert les structures permettant d’avoir accès à des soins pour ses animaux quand on rencontre des difficultés financières. Je copie/colle l’extrait de l’article réalisé par une société proposant de souscrire à une assurance.
Cédric et Mathilde Sapin-Defour ont très récemment partagé la photo de Lulu, un chien errant dans les rues de Roumanie et qu’ils ont décidé d’accueillir grâce à l’association Remember me France que je ne connaissais pas. L’auteur de Son odeur après la pluie et sa femme, photographe après avoir été contrainte de quitter son poste de professeur d’EPS, vont offrir à Lulu une vie merveilleuse et Lulu va leur rendre au centuple leur amour. Bien sûr, j’ai pensé à Ubac, le héros du livre, à Cordée et à Frison. J’ai deviné combien depuis le paradis, ils étaient heureux. Ci-dessous le lien vers l’association:
Quand nous allions en Haute-Corse, sauf deux fois, nous laissions Fantôme à notre maman mais, sinon, il nous suivait partout. Jeudi, il ne sera pas là pour monter dans le coffre avant que Stéphane ne charge la voiture avec nos sacs à dos. Il savait, à la présence de notre maman, quand il ne serait pas du voyage. Avec notre maman, il était très heureux. Quand nous rentrions, son poil n’était jamais aussi beau.
Mon Fantôme, j’ai assimilé que tu ne serais plus au bas de l’escalier le matin quand je me lève sans faire de bruit, que tu ne t’installerais pas à ma gauche tandis que je bois mon café, que tu ne te tiendrais pas derrière la porte quand je reviens des courses. Sans toi, j’en ai fini de m’aventurer en fin de nuit dans les bois. Sans toi, dans quelques jours, je ne marcherai pas le long du Rhône pour cueillir les premiers rayons du soleil illuminant le Ventoux. Tu me manqueras à nouveau beaucoup quand, fin août, Céleste sera à Paris et Victoire à Reims. Quand je croise des chiens, surtout des chiens de berger, mon coeur se serre. C’est difficile de vivre sans un compagnon aussi merveilleux! Je ne pourrai pas lui raconter notre petite randonnée avec notre tente sur le dos dans le Mercantour. Je ne pourrai pas lui dire ce que j’éprouve à partir en vacances l’été pour la première fois depuis que nous sommes parents sans notre trio.
Anne-Lorraine Guillou-Brunner
Les dispensaires de la SPA pour soigner son animal
La Société Protectrice des Animaux (SPA) a créé des dispensaires afin de venir en aide aux plus démunis pour faire soigner, vacciner, stériliser et identifier leur animal (chien, chat, équidé ou NAC). Ces structures de la SPA, qui ne fonctionnent qu’à l’aide de dons, enregistrent près de 90 000 animaux soignés par an. Les conditions et les critères d’éligibilité peuvent différer selon les centres, c’est pourquoi il est conseillé de se renseigner préalablement auprès du dispensaire de son choix. En effet, dans certains cas, le prix est calculé en fonction des revenus du propriétaire et parfois, seule une participation libre est demandée. Lors de la première consultation, en plus d’une pièce d’identité, un justificatif de ressources prouvant l’impossibilité de faire soigner son animal chez un vétérinaire sera requis (attestation de RSA, avis de non-imposition, etc…). Toutefois, des centres n’exigent pas ce type de documents et demandent à la place de remplir un formulaire attestant de la situation précaire du propriétaire. Il existe 12 dispensaires de la SPA dans toute la France :
- Le Cannet (06) ;
- Marseille (13) ;
- Toulouse (31) ;
- Grenoble (38) ;
- Orléans (45) ;
- Liévin (62) ;
- Perpignan (66) ;
- Lyon (69) ;
- Paris (75) ;
- Petit Quevilly (76) ;
- Poulainville (80).
La fondation Assistance aux animaux : des tarifs vétérinaires réduits
Tout comme la SPA, la fondation Assistance aux animaux dispose de dispensaires en France. Ces structures proposent des services vétérinaires aux personnes qui rencontrent des difficultés financières pour assumer les soins de santé de leur animal. Équipées d’un matériel moderne, ces cliniques emploient toutes des vétérinaires et auxiliaires qui auscultent, soignent, vaccinent, stérilisent et opèrent plus de 30 000 animaux chaque année. Les tarifs étant calculés en fonction des revenus du foyer, une déclaration de ressources avec pièces justificatives sont donc demandées. La gratuité totale peut être proposée pour les plus démunis : fonctionnant sur un principe de solidarité, les dons des uns permettent de financer les soins accordés aux plus nécessiteux. Six dispensaires de la fondation Assistance des animaux sont répartis à travers la France :
- Paris (75) ;
- Bordeaux (33) ;
- Marseille (13) ;
- Nice (06) ;
- Strasbourg (67) ;
- Toulon (83).
L’association Vétérinaire pour tous : une participation financière
La fédération Vétérinaires pour tous (VPT) est née de la volonté de la profession vétérinaire d’offrir aux personnes démunies la possibilité de soigner leurs animaux. Ce réseau associatif, auquel tout vétérinaire est libre d’adhérer, propose de solutions afin d’éviter le renoncement aux soins en cas de difficultés financières. L’association travaille en lien avec les services sociaux et les collectivités territoriales pour déterminer les propriétaires pouvant bénéficier de cette médecine solidaire, sous conditions de ressources. Les soins ne sont pas gratuits mais restent très avantageux : en général, vous réglerez le tiers du montant, les deux-tiers restants étant pris en charge par le vétérinaire adhérent et par l’association. Il n’est pas possible de contacter directement la fédération, la demande doit passer au choix par :
- Votre vétérinaire habituel ;
- Une association de protection animale ;
- Les services sociaux de votre commune ou intercommunalité ;
- Une école vétérinaire.