Chronique d’un 1er avril pas très amusant

Hier après-midi, les enfants profitent à plein de cette magnifique journée plus estivale que printanière tandis que Stéphane et moi travaillons dans nos espaces respectifs. Dans le jardin, le lilas se déplie laissant apparaître des petits pouces bleus. Les narcisses dégagent un parfum subtil qui s’intensifient avec la montée du soir. Les filles, en maillots de bain, prennent le soleil sur des transats jaunes. Fantôme n’est pas loin. Cookie, en chassant les papillons, fait des bonds dignes de ceux de Patrick Dupont en fou du roi dans « Le lac des cygnes ». Quand elles auront trop chaud, elles n’hésiteront pas à aller se rafraîchir dans l’eau verte de la piscine! De son côté, Louis, avec trois amis, improvisent une sorte de Koh-Lanta entre forêt et rivière dont il revient à la fois épuisé et boueux. Il me dit que ses devoirs sont faits. Je décide de lui faire confiance.

Nous dînons sur la terrasse à l’ombre des canisses sur lesquels la glycine, amoureuse, commence à déployer ses feuilles et ses bourgeons. Depuis quelques jours, le barbecue a repris du service. Les rayons du soleil éclairent d’une lumière presque surnaturelle les pétales des tulipes. Un peu avant 20 heures, comme une impression de déjà vu, comme le sentiment de rejouer « Un jour sans fin »: la famille est installée sur la mezzanine devant le poste de télévision. Louis a monté un yaourt, Céleste, une compote. Nous écoutons Emmanuel Macron annoncer les conditions de ce nouveau confinement généralisé.

Comme tant de parents, je redoutais la fermeture des écoles et le retour des cours à la maison dans la durée. Le lycée des filles a, depuis le mois de janvier, mis en place un système de rotation pour que toutes les trois semaines, l’un des niveaux reste à la maison. Cela donne de bons résultats et il n’y avait que trois lycéens malades au retour des vacances de février. Victoire est à la maison depuis lundi. Avec le nouveau dispositif, nos enfants auront deux semaines de cours en distanciel. Pendant le premier confinement, Louis, au collège, n’avait eu aucun cours en visio. Je me demande comment cela va fonctionner cette fois-ci.

Je n’ai pas très bien dormi comme beaucoup de parents se demandant comment ils allaient s’organiser après le week-end de Pâques. J’aurais tant aimé que toutes ces annonces ne soient qu’un poisson d’avril. Mais, non, elles sont vraies et il va falloir à nouveau aller chercher loin, très loin les forces nécessaires pour s’assurer que les enfants travaillent correctement, assumer les courses et les repas deux fois par jour et sept jours sur sept, entretenir la maison toujours en mouvement et recevoir mes patients…

Sans école, les parents, avec enfants, qui basculent en télé-travail et ont la chance de posséder un pied à terre à la campagne, au bord de la mer, à la montage vont se mettre sur les routes dès demain. Cela nous promet de beaux embouteillages! Ce matin, sur un ton mi figue-mi raisin, notre boulangère m’a dit: « On va voir arriver les Parisiens ». Ce à quoi je lui ai répondu qu’à Paris, les médecins espéraient ardemment cet exode urbain qui, potentiellement, soulage la pression infernale ressentie dans les hôpitaux et que je comprenais parfaitement, quand on en a la possibilité, qu’on fasse le choix de quitter les grandes villes pour retrouver espace et nature.

La logique voudrait que pendant les vacances désormais communes aux trois zones, il n’y ait pas de centre aéré car, alors, on recréerait les conditions d’un brassage d’enfants et d’adolescents. Sans centre aéré, sans possibilité de partir en vacances, que feront les enfants des villes? Très souvent, à Pâques, nous passons une semaine dans le Gard, dans la bonne et vieille maison de Pont-Saint-Esprit. Nous sommes toujours ravis de retrouver des amis chers, le Rhône, la vue sur le Ventoux, les rives de l’Ardèche, le village d’Aiguèze et l’incontournable marché du samedi matin. En cette saison, la Provence est vraiment magique!

Samedi matin, mon travail ne me permettra pas de me rendre au marché mais, l’après-midi, avec Céleste nous irons en ville. J’imagine déjà que les rues seront bondées avant la fermeture des commerces non essentiel le soir. Chez le primeur, j’achèterai des asperges et, chez le pâtissier, j’irai chercher les réductions sucrées que les enfants m’ont demandées pour le déjeuner de Pâques. Le trio ne voulait pas de chocolat mais des petits gâteaux. J’ai quand même pris un sachet de petits oeufs que je disposerai sur la table en guise de décoration. Le couvre-feu étant un obstacle à la veillée pascale, nombreuses sont les paroisses qui l’ont décalée au dimanche matin entre 6h30 et 7h00. Victoire est très heureuse de se joindre à moi. A l’issue de la cérémonie, il est prévu de partager un petit-déjeuner servi, certainement, en plein air.

A toutes celles et à tous ceux qui aiment les écrivains-voyageurs et l’Orient, je conseille la lecture du « Quatuor d’Alexandrie » de Lawrence Durrell. Cela faisait des années que j’en repoussais la découverte et, samedi dernier, à la médiathèque, j’ai emprunté le premier volet intitulé « Justine ». Ce roman a quelque chose d’envoutant mais aussi de vénéneux. Les personnages sont à la fois fascinants et repoussants. L’écriture est magnifique. On a vraiment l’impression de déambuler dans les rues d’Alexandrie, d’en humer toutes les odeurs et de ressentir la douce chaleur des derniers rayons du soleil se laissant happer par la Méditerranée.

Je dédie ma chronique à tous les parents qui vont devoir jongler entre les enfants et leur travail, l’école et la maison ainsi qu’à toutes les familles qui se faisaient une joie de se retrouver pour Pâques et ne le seront pas pour la seconde année consécutive. Vivement que la campagne de vaccination s’intensifie et que, vaccinés, nous retrouvions une vie libre que nous saurons goûter à plein tant elle nous aura manqué!

Je vous souhaite de passer de joyeuses fêtes de Pâques.

Anne-Lorraine Guillou-Brunner

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