Chronique d’une année scolaire qui touche à sa fin

Jeudi, les élèves de terminale passeront l’épreuve reine du bac: la philosophie. Logiquement, ils auraient du avoir révisé avec conscience pour obtenir la meilleure note possible mais ce n’est pas du tout ce qui s’est passé. Ils n’ont rien fait tablant sur la note du contrôle continu et préférant se concentrer sur les questions dans les deux matières de spécialité en vue du grand oral. Le beau temps ne leur donne pas envie de travailler. Ici, plusieurs maillots et des serviettes apportent des notes colorées dans un jardin dominé par le vert. Des bouteilles d’huile solaire sont posées sur la table. Des masques et des lunettes sont couchés dans l’herbe. J’ai jeté l’éponge! J’ai assez bataillé. Hier, j’ai découvert les trois premières fleurs blanches dans les hautes branches du magnolia. J’aurais aimé en respirer l’odeur citronné mais elles étaient inaccessibles. Le vieux rosier continue de nous offrir de magnifiques roses. La glycine sème ses fleurs à tout-va. J’en retrouve partout dans la maison mais j’ai eu si peur que le gel ait eu raison d’elle que je ne me plains pas et passe le balai deux fois par jour. La brouette dans laquelle ont séché les mauvaises herbes que j’avais arrachées voici plusieurs jours n’a pas bougé. Il en va de même d’une fourche à dents rouges que Stéph avait utilisée pour commencer à retourner la terre du potager et qui y est plantée au milieu des coquelicots. Pas de légumes cette année! Pas la force! Trop de fatigue!

Hier, Victoire est rentrée du lycée avec son dossier de ré-inscription à rendre pour le lendemain! Elle en a rempli seule une bonne partie. Stéph et moi avons complété les documents qu’elle ne pouvait pas renseigner elle-même. Elle a écrit une lettre de motivation pour son entrée à l’internat en septembre. Je me suis rappelée que lorsque j’étais étudiante en droit notre père qui détestait se sentir enfermé dans une case s’inventait des métiers pour tromper les statistiques de l’INSEE. Une année, il était pasteur, une autre ostréiculteur. Cela l’amusait beaucoup! Lundi prochain, c’est Louis qui reviendra du collège avec son dossier à remplir en vue de son entrée en troisième. Lundi, Céleste sera officiellement en vacances. Victoire et Louis le seront à partir du 25.

A l’instant, Stéphane vient de réserver les billets pour la Haute-Corse. Deux ans que nous n’y sommes pas retournés en famille. Habituellement, nous y allons en avion mais, cette fois-ci, les billets du retour sont si chers que nous prendrons le bateau à Toulon. Avant la Haute-Corse, le trio sera dans l’Ain et dans le Gard. Les trois enfants auront pu recevoir leurs deux injections contre le coronavirus avant la Corse. Une bonne chose de faite! Après des mois d’intendance vraiment lourde avec les enfants souvent à la maison pour cause de cours en distanciel, j’aspirais à des vacances au plus près de la nature comme ce que nous avions vécu dans les Cévennes sur le chemin de Stevenson mais, cette année, nous sommes si fatigués qu’il aurait fallu qu’aux étapes, nous n’ayons rien à faire: pas de tente à monter, de tapis de sol à gonfler, de repas à préparer. Nous avions envisagé de troquer les ânes pour des vélos et de faire découvrir aux enfants ce que nous avions expérimenté pendant deux mois autour de l’île du sud de la Nouvelle-Zélande. Trop de logistique! Ce sera pour une prochaine fois.

Stéphane est très attaché à la Corse où, en famille, enfant, il a passé de belles vacances itinérantes. Les filles aiment la plage, le soleil, boire un verre le soir face au soleil couchant, se promener dans les ruelles de Calvi et, aussi, marcher en montagne. Louis, lui, aime par-dessus tout les sorties en mer avec le zodiac, sauter des rochers avec son papa et disputer des parties de ping-pong avec Valentin. De mon côté, j’apprécie les villages accrochés au-dessus de la mer, les marches et les pique-nique dans la petite crique située sous le phare de la Revellata, crique que nous avons baptisée « Maryvonne », prénom de notre tante avec laquelle nous y sommes allées la première fois. Tous, nous aimons monter aux ruines d’Occi pour y saisir les derniers rayons du soleil. Nous redescendons à Lumio dans des odeurs d’immortelle et de myrte. Ma soeur et deux de ses trois enfants devraient partager cette parenthèse corse avec nous. Voici deux ans, Charlotte avait beaucoup aimé les sorties en mer. Avec cette chaleur lourde, nous avons repris l’habitude de donner à Fantôme sa deuxième promenade de la journée après le dîner. Cela fait très longtemps que nous n’avons pas vu de chevreuil. Sur la mare des Bernard, une poule d’eau et ses petits se cachent à notre approche. Les grenouilles sautent dans l’eau et deviennent muettes. Les pétales des nénuphars se replient. Les iris sauvages résistent aux températures élevées.

Le week-end dernier, nous fêtions les quatre ans de Charlotte. Comme Fantôme avait été heureux de voir arriver l’autre partie de son troupeau qu’il aime tant! Les filles avaient gonflé des ballons et les avaient accrochés sur les canisses. J’avais préparé le gâteau au chocolat commandé par Charlotte. Après le déjeuner, Charlotte était ravie de souffler les bougies licorne que sa maman y avait plantées. Elle avait déballé ses cadeaux. La licorne « Barbie dreamtopia » offerte par sa grand-mère l’avait comblée de bonheur. Une licorne qui fait du bruit quand elle mange, hennit, trotte, galope, joue de la musique et dont le corps brille d’étoiles colorées comme sa corne. Charlotte est passée des bras de Céleste aux genoux de Victoire. Elle s’est maquillée, a sauté dans le trampoline, fait de la trottinette électrique avec Céleste, joué du piano, s’est baignée avec sa maman ou ses cousines et joué avec la mousse parfum verveine dans le bain. Valentin et Louis ont disputé des parties d’échecs et improvisé des morceaux au piano. Le soir, comme toujours, il y a eu la traditionnelle marche nocturne sous un beau ciel étoilé. Stéphane a réalisé de magnifiques photos en noir et blanc de Charlotte. Cookie devait être un peu triste que sa soeur soit restée à Paris avec Margot. Cookie s’est fait des amis. Tous les jours, il retrouve les trois chats de Sarah qui habite la maison proche de la nôtre. En riant, Céleste dit qu’il va à la crèche. On ne le voit qu’à l’heure des repas et pour quelques rares siestes. Le dimanche, Pauline, ma filleule et Louis, l’amoureux de Victoire, se sont joints à nous.

Au cabinet, de nouveaux patients, de nouvelles histoires et, aussi, des patients qui reviennent pour surmonter un problème ponctuel ou creuser une galerie laissée dans l’ombre. Dimanche, notre maman m’a fait le reproche de mal interpréter sa détestation des déménagements. Le message est bien passé. Je ne partagerai plus mes analyses de pans de l’histoire familiale. C’est à la fois trop sensible et trop intime.

Il faut très chaud dans mon cabinet. Je plains les élèves qui vont composer ou passer des épreuves à l’oral avec des masques. J’espère que les examinateurs auront la bonne idée de laisser un élève montrant des signes d’angoisse retirer son masque pour pouvoir respirer normalement et retrouver son calme.

Les champs ont été fauchés. Sur les tracteurs, les meules roulées en escargot. Le matin, de bonne heure, et le soir, avant le coucher du soleil, cela sent bon le foin coupé et le tilleul. Une de mes patientes me racontait combien les soirs d’été elle aimait prendre le frais sous un tilleul dans la cour de la ferme de ses grands-parents qui s’étaient substitués à ses parents.

Pensées appuyées pour tous les élèves de troisième, de première et de terminale qui ont des épreuves à passer.

Anne-Lorraine Guillou-Brunner

 

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