Nous voici à l’aube du pont de la Pentecôte, la fête dont le message me parle le plus et je n’ai pas encore trouvé le temps de raconter le long pont de l’Ascension entre Auvergne et plateau, séjour à deux sous la tente et moments XXL à la maison. Ce matin, après le départ des enfants, je suis partie marcher seule dans le sillage de Fantôme. En bientôt six mois, j’ai assimilé que je ne le verrai plus au bas des marches, qu’il ne poserait plus sa tête sur la table à ma gauche tandis que je prends mon petit déjeuner en écoutant la matinale de France Inter qui n’est, tenons-nous le pour dit: « ni à droite ni à gauche » mais, clairement pensée, via Radio France, par des camarades de promotion d’Emmanuel Macron de la défunte Ecole Nationale d’Administration. Je sais que lorsque je rentre à la maison, il ne sera plus derrière la porte pour m’accueillir comme une reine sans couronne ni tapis rouge. Il ne cherchera plus à monter dans le coffre de la voiture avant les départs.
A notre retour d’Auvergne, samedi en fin de journée, nous attendait l’album que nous avons réalisé à quatre mains Stéphane et moi avec l’aide de Victoire. J’avais sélectionné des photos, les avais envoyées à Stéphane et attendais le jour où il serait prêt à les mettre en forme. Alors, je n’aurais plus qu’à légender les images sobrement. Les semaines passaient et Stéphane ne dégageait pas le temps nécessaire pour réaliser l’album. Il avait eu beaucoup de soucis dans son travail. L’association battait de l’aile. Les fonds correspondant aux appels d’offre n’étaient pas arrivés. Tant d’énergie et d’intelligence engagés pour voir l’association licencier son membre fondateur et son associé merveilleux, Nicolas.
J’ai toujours soutenu mon mari dans ses projets depuis que nous sommes mariés. Cela nous a conduits à adopter une sobriété pas toujours heureuse et à mener une existence pouvant, par certains cotés, nous marginaliser au regard des vies menées par nos amis ou les membres de nos familles. Quand j’ai rencontré celui qui allait devenir mon mari et le père de nos trois enfants, j’ai vu l’artiste en lui, l’homme libre possédant un esprit novateur. Il avait fait le choix de ne pas mener une carrière au sein de la holding familiale. Si j’avais été vénale, je l’aurais poussé à y demeurer mais, pour son équilibre et celui de notre couple, cela n’était pas souhaitable. Tandis que Stéphane engageait toutes ses forces vives dans son projet associatif, trouvait en Nicolas un partenaire extraordinaire, que, malheureusement, le président de l’association menait un jeu ambigu, que Stéphane tapait dans ses économies, je m’évertuais à travailler autant que possible tout en refusant de céder à l’appât du gain, veillant à ce que mes tarifs soient accessibles à presque tous.
Les études récentes menées en sociologie montrent que les Françaises font le choix de ne plus avoir d’enfant ou de revoir à la baisse leur désir d’enfant car ce sont elles qui, majoritairement, assument les frais liés aux enfants: les courses, les vêtements, les activités reposent souvent sur les salaires des femmes. Une femme mettra toujours de côté son désir pour satisfaire celui de ses enfants. Une maman dira ne plus avoir faim si elle voit qu’il n’y a pas de quoi resservir tout le monde dans le plat qu’elle a préparé. Elle renoncera à une paire de chaussures dont elle a besoin si son enfant exprime un besoin estimé supérieur au sien. Face au danger, instinctivement, une femme mettra à l’abri les enfants, y compris ceux qui ne sont pas les les siens, face à un danger. Ces comportements sont certainement inscrits dans les gènes.
Stéphane et Nicolas vont partir en Haute-Corse former de nouveaux animateurs au jeu Planète Ressource. Les chances sont minces pour que l’association survive à l’été et que Stéphane et Nicolas soient à nouveau salariés. Je ressens beaucoup de tristesse et une forme de colère. Les enfants et moi avons investi ce projet entièrement. Nous avons tous voulu y croire tant chercher à remettre l’Homme sur le chemin d’une vie vertueuse est fondamental. Tandis que nous savons tous l’urgence liée au dérèglement climatique et à ses conséquences dramatiques aux quatre coins de la planète, le conseil d’administration du groupe Total va se tenir sous haute surveillance, les banques d’affaire soutiennent activement des projets effrayants s’agissant de leur impact sur l’environnement et les populations, le Sénat français détricote la loi portée par Joël Labbé mettant fin en 2014 à l’utilisation de pesticides dans l’espace public. En effet, la proposition de loi en faveur de « la ferme France » défendue par Sophie Primas (LR), présidente de la commission des affaires économiques, a été adoptée à la majorité le 16 mai. Cette loi permet au ministère de l’Agriculture de suspendre l’interdiction de pesticides décidée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire et autorise la pulvérisation de produits phytosanitaires par drones et envisage de repousser à 2025 le moment auquel les menus dans les cantines devront proposer au moins 20% de bio.
L’association créée par Stéphane avait lancé une requête « 10000 communes en Bio-Local dans les cantines scolaires ». Si de nombreuses équipes municipales ont été séduites par ce projet et y ont adhéré, beaucoup ne l’ont pas fait. Ici, par exemple, le maire doit arbitrer entre l’agriculture biologique et l’agriculture « raisonnée ». Si la loi Labbé s’applique pleinement, il ne souhaite pas se mettre à dos une partie des agriculteurs. Pour celles et ceux qui voudraient mesurer la difficulté à faire adopter une proposition de loi (initiative parlementaire) ou un projet de loi (initiative gouvernementale) les deux saisons de la série Jeux d’influence sont remarquables. On comprend que nos élus et les membres du Gouvernement sont vraiment tenus par la puissance des grands groupes dans le domaine de la chimie, de l’énergie, et de la finance. Les banques sont à la manoeuvre partout poussant les PDG à une recherche de la rentabilité constante. Cela a été illustré par le drame du groupe ORPEA. Quand, récemment, la directrice des soins d’une clinique psychiatrique appartenant à un groupe aussi énorme qu’ORPEA m’a dit que les budgets étaient serrés, j’ai ri intérieurement…
https://lobbydesconsciences.org/wp-content/uploads/2022/01/rapport-complet-10-000-communes.pdf
https://www.youtube.com/watch?v=b7qu25I4GP0
Stéphane était vraiment accaparé par des problèmes lourds mais, aussi, se confronter aux photos racontant ces années merveilleuses avec Fantôme était douloureux. Nous avons réussi à trouver un moment. L’album est magnifique. Il a bouleversé notre maman qui a passé tant de semaines avec Fantôme. Dimanche matin, Charlotte était installée sur le canapé rouge. J’avais été lui chercher une couverture et lui avait chauffé son bol de chocolat dans une tasse Bob Razowski. Il avait été rapporté par Céleste pour sa soeur ou son frère d’une journée à Disney avec Pauline, ma filleule et sa famille. Nous avons tourné ensemble les pages de l’album que Charlotte commentait. A un moment, Charlotte a plongé son regard bleu dans le mien et m’a dit » Tu sais, quand je viens ici, il me manque Fantôme. Quand j’étais dans le canapé, il était là. Il aurait aimé jouer avec Baya. » Baya est l’australienne merle de sa tante paternelle dite « Tata Emilie » quand je suis « Tata Lolo »…amusant pour une femme dont la poitrine est loin d’avoir le relief de celle de Sophia Loren ou de Samantha Fox! Baya vit à la montagne. Elle doit avoir 10 ans.
Ce matin, comme tous les matins, je me suis levée pour voir le soleil monter au-dessus du plateau passé en bio voici plusieurs années. Hier, j’avais lu que Delphine, une agricultrice en bio dans le Morbihan avait été condamnée à détruire tous ses légumes (des cucurbitacées) car les analyses avaient révélé la trace de pesticides épandues des décennies avant qu’elle fasse l’acquisition des terres. Ces pesticides extrêmement résistants ont été interdits en France voici 50 ans! Ils arrivent encore à polluer les sols et ce qu’on y cultive. Il y avait déjà eu des précédents notamment dans le Finistère et en Gironde. Les produits se nomment Dieldrine et Aldrine. Tout ce que cette femme avait mis en place s’est écroulé! L’intégralité de l’article est dans ce lien:
Après ces longues semaines de pluie nous offrant un printemps très vert, de belles fleurs, je devrais être heureuse qu’on annonce du soleil et de la chaleur mais je n’y arrive pas. La pluie printanière n’a pas pu reconstituer toutes les nappes phréatiques en France. Certaines régions on été placées en alerte rouge. Malheureusement, on craint de nouveaux méga feux. Les prix continuent de grimper en Bretagne. On commence à y planter de la vigne. La Bretagne, c’est mieux que Mars!
Quand on contemple la nature, qu’on se laisse bercer par le chant des oiseaux, qu’on observe un chevreuil étendu au soleil dans un champ fraîchement fauché, qu’on imagine le bal des grenouilles glissant sur les larges feuilles des nénuphars, on parvient à ne plus penser au visage sombre, cruel, violent, injuste, maltraité d’un monde trop humain. La santé mentale des adultes et des jeunes était déjà bien dégradée avant le Covid. J’ai réitéré mon offre d’intervenir au lycée en tant que sophrologue. La psychiatrie va très mal et l’assassinat d’une infirmière et les blessures infligées à une secrétaire médicale par un patient souffrant de schizophrènie et ayant vécu de longues et douloureuses hospitalisations donne une idée de l’état de la psychiatrie dans notre pays! Un personnel soignant en sous-effectif et des patients de plus en plus maltraités car pas écoutés. J’ai passé beaucoup de temps a expliquer à un psychiatre que la patiente que je connais depuis son AVC et qu’il pense atteinte d’une démence était une petite fille rendue très anxieuse par un environnement familial violent. Tout n’était pas à mettre sur le compte de la démence! Mais comment un médecin qui croule sous les patients et ne peut pas leur consacrer plus de dix minutes aurait-il accès à ces informations essentielles et de nature à comprendre vraiment un patient? Il faut secourir notre jeunesse fragilisée. Il faut redonner des moyens à nos écoles et à nos hôpitaux. C’est vital!
En début de semaine, j’avais commencé ma chronique de la manière suivante: « Dimanche, pour le dîner, au-dessus d’un plat d’asperges, nous nous sentions un peu perdus dans le calme et le silence de la maison. Les Parisiens étaient presque tous repartis. Il ne restait plus que notre maman qui reprendrait la route le lendemain matin. Tandis que Stéphane et une grand-mère six gallons raccompagnaient à la gare Julia et Clément, Céleste, Charlotte et Valentin, j’avais eu le temps de ranger la maison. Tout ce que j’avais préparé avant notre départ pour l’Auvergne et la venue de notre petite nièce était rangé: les jeux de société, les puzzles. Il fallait encore que je recouvre l’hôtel Playmobil d’une vieille taie d’oreiller comme on le faisait autrefois pour les meubles dans les propriétés fermées de longs mois. »
La veille de l’Ascension, Stéphane et moi plantons notre tente conçue pour les camps en haute-montagne dans un camping à Royat au-dessus de Clermont-Ferrand. C’est toujours une joie de renouer avec des gestes pratiqués pendant notre grande évasion autour du monde: dérouler la tente, glisser les arceaux, planter les sardines, mettre le toit qui protège de la pluie, déplier les tapis de sol, les gonfler, sortir les sacs de couchage. Comme nous venions en voiture et allions marcher à la journée, nous avons amélioré l’ordinaire: vrais oreillers, une table escamotable et des chaises. La table et les chaises sont la propriété de Victoire.
Si nous avons eu un peu de mal avec la pierre de Volvic utilisée dans la construction à partir du 13ème siècle, nous avons été séduits par la région. Deux belles marches, la première pour découvrir le fameux puy du Pariou, la vue sur la chaine des puys, le Puy-de-Dôme et la seconde au départ de Volvic sous le château de Tournoël. Ce dernier, propriété des comtes d’Auvergne avait la réputation d’être imprenable jusqu’à ce qu’il tombe, en 1213, sous l’assaut des hommes de Philippe Auguste et qu’une partie de l’Auverge soit alors rattachée à la couronne de France. Nous avons découvert Clermont-Ferrand. J’ai beaucoup aimé les vitraux modernes exécutés dans la cathédrale par Alain Makaraviez. Ils représentent le premier livre de la Bible: la Genèse. Les peintures murales sont très belles. L’une d’elles raconte le supplice subi par Saint Georges. Mon esprit a toujours du mal à imaginer que les églises romanes dont j’aime tant la simplicité étaient polychromes. Sur les conseils d’Alexandra, nous découvrons la basilique de Notre-Dame-du-Port et sa crypte du 12ème siècle placée sous le culte de Marie. Des pèlerins viennent s’y recueillir. Ils vont emprunter la via Arverna surnommée voir du Milieu. Le GR 652 part de Clermont pour rejoindre Cahors 520 kilomètres plus loin et au terme de vingt étapes. Le guide de tourisme de la région Auvergne Rhône-Alpes indique que le chemin « sinue à travers les villages pittoresques de la basse Auvergne, longe les rives de l’Allier sortant de ses gorges er grimpe jusqu’aux sommets volcaniques du Cantal à 1700 mètres d’altitude. Il se faufile ensuite à travers le Quercy pour rejoindre Cahors. »
Nous nous sommes offerts un moment de détente dans les thermes de Royat. L’Auvergne est une région riche en cures thermales. L’eau de Volvic est, avec la Wattwiller, celle que je préfère. Pendant deux heures trente, nous avons profité de bains chauds ou froids nous rappelant ceux de Budapest. Délice de l’odeur de l’odeur de l’essence de pin diluée dans l’eau jetée sur les pierres du sauna. Sensation de détente profonde du corps. Découverte d’un Chardonnay Viognier étonnant dégusté avec un fromage de chèvre frais parfumé au poivre et servi avec du gros sel. Beaucoup de plaisir à déambuler dans le magnifique musée René Quillot situé à Montferrand. Le bâtiment est très beau. En 1990, les architectes Adrien Fainsilber et Claude Gaillard ont uni leurs talents pour transformer l’ancien couvent des Ursulines en musée, insufflant un esprit contemporain. Les parcours des collections de Beaux-Arts et d’expositions temporaires donnent à voir peintures, sculptures, arts décoratifs, de l’époque médiévale au XXe siècle. Nous sommes restés un long moment devant deux toiles: la foire d’Impruneta réalisée en 1638 par un artiste anonyme et Les saltimbanques ou l’enfant blessé, sujet peint par Gustave Doré en 1874. La première toile contient plus de mille personnages et une centaine d’animaux vaquant à leurs occupations: marchands, saltimbanques, mousquetaires, promeneurs. Cela fait penser aux peintures de Brueghel l’Ancien. Le tableau de Gustave Doré est très touchant. Le peinte a su traduire toute la dureté de la vie des gens du cirque. L’enfant se sera blessé en exécutant un tour. Le père doit se sentir coupable. La mère apporte une tendresse réconfortante. L’enfant souffre. Les animaux sont inquiets. Le temps est figé.
Echange très agréable avec une artiste, Anne-Sophie Emard, qui travaille avec des jeunes dans le sous-sol du musée. Une artiste comme je les apprécie: une femme qui travaille avec les cinq sens et pas son intellect. Une femme qui estime important que les musées soient des lieux de vie, ouverts sur le monde, capables de tendre des passerelles en direction de tous les publics. Une belle rencontre!
Retrouvailles très chaleureuses avec un couple d’amis habitant Clermont depuis plusieurs années. Difficile de se raconter vingt années en un peu plus de trois heures. Il faudrait trois jours. Agnès et Luc n’ont vraiment pas changé. Deux fils sur trois sont à la maison. Encore quelques années et nous serons invités aux mariages des enfants de nos amis. Luc et Agnès étaient là quand Stéphane et moi nous sommes mariés dans l’Ain. Luc était l’un de mes témoins à l’église. Nous avons vraiment fait les 400 coups ensemble! Nous nous promettons deux choses: nous revoir vite et que cette promesse ne soit pas gasconne!
Bon week-end de l’Ascension!
Anne-Lorraine Guillou-Brunner