Chronique jeunesse et bibliothérapie créative

IMG_20150507_154016.jpgDans son précieux ouvrage intitulé « les livres prennent soin de vous. Pour une bibliothérapie créative », Régine Detambel prend à revers tous les chantres du développement personnel, souvent plus désireux de développer l’épaisseur de leur matelas bancaire que le bien-être de leurs lecteurs, clients ou patients ! C’est dans l’émission « la grande librairie » que j’ai découvert ce petit bout de femme énergique aux cheveux couleur feu et aux lunettes rigolotes. J’étais certaine qu’elle était philosophe. En fait, son premier métier était kinésithérapeute. Avant de se lier au clavier de son ordinateur, aux touches qui s’enfoncent à chaque frappe,  à la petite musique intérieure, ses mains, ses doigts, en se promenant à la surface de corps noués, atrophiés, accidentés, ont ressenti, accueilli bien des douleurs physiques. Ces douleurs qui se chronicisent et reviennent à intervalles réguliers sont trop souvent l’expression de souffrances morales que le patient ne sait, ne peut ou n’ose pas exprimer avec des mots. Alors, l’épuisement professionnel, l’oubli de soi, la situation de blocage ou le passé enfoui viennent taper à la porte du corps. La somatisation s’installe et prend racine telle une mauvaise herbe dans un jardin abandonné. C’est la raison pour laquelle certains médecins et ostéopathes m’adressent des patients. Ils savent que s’ils pourront les soulager, ce soulagement ne sera que de courte durée car l’origine de la douleur est plus profonde. La douleur doit alors être envisagée corps et âme, en pleine conscience de qui on est, de ce que nos parents et grands-parents nous ont transmis, de ce qu’on aspire à vivre et à faire de cet héritage. La vraie liberté personnelle vient de ce qu’on a réussi (quand c’est possible) à reconstituer son puzzle familial et à ouvrir les valises qu’on portait et dont le contenu ne nous concernait pas directement.

 

petit prince.jpegRégine Detambel nous montre, page après page, combien nos lectures peuvent nous permettre d’ouvrir des espaces intérieurs, de décoder du mal-être, de trouver de l’apaisement. Poésie, roman, nouvelle, pensée, tout est bon pour se faire du bien, gagner en sérénité, rompre une forme d’isolement. La lecture d’Alain a été pour moi une lecture essentielle. Je dois à Alain d’avoir toujours eu à cœur de préserver en moi l’enfant qui, d’ailleurs, n’avait pas pu aller au bout de son vrai développement. La vie se charge, parfois, de faire grandir trop vite certains enfants ! Je ne remercierai jamais assez Alain de m’avoir fait prendre soin de cet enfant, de lui avoir laissé l’espace de continuer à exister. C’est lui qui m’a nourrie. C’est à lui que je dois ma sensibilité et mes plus fortes émotions. C’est encore lui qui fait que mon cœur ne s’est pas durci, que mes yeux ne se sont pas fermés à la détresse du monde. C’est lui qui me donne des ailes, qui me fait rester en alerte, attentive aux autres. Mais, et c’est cela qui est merveilleux, les blessures de l’enfance, elles, ont pu être pansées par ce, qu’en devenant adulte, j’ai compris, intégré et transcendé de mon histoire passée. C’est un chantier immense qui attend l’adulte quand il veut réussir à se libérer vraiment, à être lui et pas un autre ou lui pour un autre. Mais, ce chantier prend vite une allure de mission car ce qu’on dépasse nos enfants n’ont plus à le dépasser !

 

Poil de carotte de jules Renard.jpgEn sophrologie analytique, quand le patient est prêt, on lui offre de retourner dans son enfance, de retrouver le petit enfant qu’il était. Il le voit. Il s’approche de lui. Il lui parle de ce qui le faisait souffrir. Il lui dit qu’il le comprend. Il le guérit de sa colère, de son chagrin, de sa culpabilité. Il le serre dans ses bras. De cette rencontre très forte, très émouvante, entre le patient enfant et le patient adulte, naît la guérison profonde et la paix, celle qu’on éprouve quand, après des années de lutte contre soi et les autres, on peut pardonner aux autres et à soi-même. Sans pardon, pas de vraie liberté !

 

vlaminck.jpegVoici quelques jours, dans notre médiathèque, qui est un lieu absolument merveilleux, mes yeux ont glissé sur la couverture d’un livre intitulé « Paroles d’espoir. Ose devenir qui tu es ». Je l’ai rangé dans mon grand sac au milieu des albums jeunesses et des DVD. Et puis, le soir venu, bien installée dans les draps frais du trousseau de notre grand-mère maternelle, je l’ai ouvert et j’ai plongé dedans avec délice. J’ai pris le temps de laisser vibrer en moi le testament du peintre Maurice Vlaminck, une parabole bouddhiste, des pensées d’André Gide, Khalil Gibran, Fra Angelico da Fiesole, Martin Luther King, René Char, Herman Hesse ou bien encore Paul Eluard. Et, j’ai découvert un texte admirable dont l’écriture a été attribuée au Général Douglas Mac Arthur. Ce texte qui parle de la jeunesse m’a tant plu que je l’ai lu plusieurs fois, l’ai fait lire à des êtres qui me sont très proches comme ma sœur, l’ai partagé avec des amis sur un mur social. Ce texte résume exactement tout ce que je pense de la jeunesse qui n’a pas d’âge, qui est un état d’être, une disposition, une volonté.

 

Comme-un-avion.jpgSi je deviens un jour cette très vieille dame que j’imagine. Si, jusqu’au bout, je nourris l’enfant qui est en moi. Si je sais, tel le héros du film « comme un avion » me laisser porter par le courant, accepter de m’arrêter dans ma course pour savourer un verre d’absinthe étendue dans l’herbe sous un cerisier aux branches duquel une radio sera accrochée, suspendre un moment mon existence comme on suspend un vêtement mouillé sur un fil au soleil de l’été. Si je parviens à transmettre à mes enfants, petits-enfants et, pourquoi pas, arrière-petits-enfants, cette philosophie de la vie, alors, je souhaite que ce texte soit lu à mon enterrement. Non pas pendant la messe mais, au cimetière, en petit comité, comme j’avais lu, pour notre grand-mère, un texte de Karen Blixen qui lui ressemblait tant.

 

« La jeunesse n’est pas une période de la vie, elle est un état d’esprit, un effet de la volonté, une qualité de l’imagination, une intensité émotive, une victoire du courage sur la timidité, du goût de l’aventure sur l’amour du confort.

 

On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d’années : on devient vieux parce qu’on a déserté son idéal. Les années rident la peau ; renoncer à son idéal ride l’âme.

 

Les préoccupations, les doutes, les craintes et les désespoirs sont les ennemis qui, lentement, nous font pencher vers la terre et devenir poussière avant la mort.

 

Jeune est celui qui s’étonne et s’émerveille. Il demande, comme l’enfant insatiable : et après ?

 

Il défie les évènements et trouve la joie au jeu de la vie. Vous êtes aussi jeunes que votre foi. Aussi vieux que votre doute. Aussi jeune que votre confiance en vous-même. Aussi jeune que votre espoir, aussi vieux que votre abattement.

 

Vous resterez jeune tant que vous serez réceptif. Réceptif à ce qui est beau, bon et grand. Réceptif aux messages de la nature, de l’homme et de l’infini.

 

Si un jour, votre cœur allait être mordu par le pessimisme et rongé par le cynisme, puisse Dieu avoir pitié de votre âme de vieillard. »

 

Ce texte me semble si juste que je voulais absolument le partager avec vous, car, comme l’écrit Marc de Smedt qui signe la présentation de ces paroles d’espoir, « l’espérance se partage : il est des trésors en chaque être, il faut savoir les découvrir. Car avoir l’espoir c’est aussi savoir sourire. »

 

IMG_20150712_150303.jpgAnne-Lorraine Guillou-Brunner