Tout est blanc. Il ne neige plus. Pour le moment, du moins. Tout à l’heure, les bourrasques de vent faisaient tourbillonner les flocons accumulés sur les tuiles de la maison. J’avais l’impression d’être un de ces petits sujets collés pour l’éternité au milieu d’une boule en verre ou en plastique et dont la vie s’écoulerait, le plus souvent, en secousses, la tête en bas. Ce matin, j’ai entendu que, dans la région parisienne, les conditions de circulation étaient apocalyptiques, qu’on avait comptabilisé plus de trois cents soixante kilomètres de bouchons. Je me suis demandée si certains automobilistes, piégés tant par quelques centimètres de neige que par les pensées courtes des employés de la DDE, arrivaient à s’imaginer, eux aussi, en petits personnages colorés, dans une boule transparente, secoués par la main d’un enfant. Maintenant, à mon bureau, mes yeux se détournent de l’écran de l’ordinateur et restent accrochés aux flocons qui recommencent à tomber en rangs serrés.
J’imagine nos enfants, les vôtres, les nôtres, prisonniers, non pas de leur voiture mais de leur salle de classe et n’écoutant plus les consignes des instituteurs, fermant leur esprit aux abstractions mathématiques, bouchant leurs oreilles aux règles grammaticales. Ils regardent tomber la neige depuis les fenêtres. Ils sont tout excités. Ils attendent que sonne l’heure de la récréation pour courir dans la neige qui s’est accumulée dans la cour. Ils n’ont pas peur de tomber car ils ne redoutent pas de se casser l’os du poignet ou le col du fémur. Ils se lancent dans une immense partie de boules de neige en riant aux éclats. Ils sont si heureux qu’ils ne sentent pas l’humidité gagner le bout de leurs pieds enfermés dans des chaussures non imperméabilisées. Ils ne sentent pas davantage le froid mordre le bout de leurs doigts et faire rougir leur peau. Les plus calmes font sortir de la neige un bonhomme aux rondeurs éphémères. Deux pierres pour les yeux, un bâton pour la pipe, quelques marrons en guise de boutons, une carotte pour le nez si Neige, le hamster mascotte de l’école consent à la céder et le tour est joué !
Déjà, forcément trop tôt, toujours trop tôt, nos enfants doivent reprendre leur place à leur bureau. Ils suspendent leurs affaires aux crochets. La neige restée prisonnière de la laine des écharpes et des bonnets se met à fondre doucement. Elle forme de petites flaques sous les portemanteaux. Ils sont moins excités. La récréation les a calmés. Ils sont, maintenant, dans la contemplation de la neige qui tombe. C’est un spectacle si exceptionnel en plaine. L’instituteur qui se rappelle qu’il a été, lui aussi, un enfant renonce au programme de la fin d’après-midi et retrouve caché, très loin dans sa mémoire, un poème nostalgique et charmant de Maurice Carême. Et nos enfants, de se mettre à réciter d’une seule et même voix
Mon Dieu ! Comme ils sont beaux
Les tremblants animaux
Que le givre a fait naître
La nuit sur ma fenêtre !
Ils broutent des fougères
Dans un bois plein d’étoiles,
Et l’on voit la lumière
A travers leurs corps pâles.
Il y a un chevreuil
Qui me connaît déjà.
Il soulève pour moi
Son front d’entre les feuilles
Et quand il me regarde,
Ses grands yeux sont si doux
Que je sens mon coeur battre
Et trembler mes genoux.
Laissez-moi, ô décembre !
Ce chevreuil merveilleux.
Je resterai sans feu
Dans ma petite chambre.
Ce soir, ils seront tout étonnés devant les visages fermés de certains parents épuisés par des conditions de circulation longue et difficile. Ils ne comprendront pas que leurs parents ne soient pas, comme eux, émerveillés par toute cette blancheur et pestent, au contraire, contre cette neige et ces températures négatives qui, demain matin, transformeront, à coup sûr, les chaussées en patinoires olympiques. Certains parents, épuisés, frigorifiés, finiront, peut-être, par se disputer et les enfants iront trouver refuge derrière la fenêtre de leur chambre. Ils s’abstrairont en regardant la neige danser dans le vent. Ils souffleront de l’air chaud pour faire naître de la buée sur les carreaux et y dessineront de jolis animaux imaginaires. Tout doucement, pour eux-mêmes, ils se rediront cette jolie poésie qu’ils auraient tant aimée partager avec leurs parents.
Anne-Lorraine Guillou-Brunner
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meilleurs voeux pour 2010 à vous et à tous ceux que vous aimez et revenez vite à votre blog .
Chère Bruine,
merci pour vos gentilles pensées. A mon tour, je vous adresse tous mes voeux de bonheur et de douceur pour 2010. (un texte est en préparation). Prenez soin de vous et des vôtres. A très bientôt.