Chronique depuis les premières marches de septembre (première partie)

Ce matin, un peu avant 7h00, je déposais Céleste qui ne conduit pas encore devant l’hôpital toujours et encore en travaux. Le ciel était zébré de bandes oranges. Céleste n’a plus besoin de moi. Elle a trouvé ses repères. Elle sait marcher dans le long couloir en sous-sol pour trouver la lingerie principale en passant devant la chambre mortuaire. Le premier jour de son stage, j’ai été émue en la voyant dans sa tenue blanche avec son masque soulignant ses yeux bleus. Céleste est ravie de son stage en pédiatrie! Céleste a la « magic touch » avec les enfants et un sens de la psychologie inné qui lui fait comprendre facilement les adolescents. Le 27, elle fera son entrée en prépa d’IFSI et aura la chance d’être chez ma soeur avec deux de ses trois enfants. Céleste ne se sentait pas encore capable de vivre seule dans un petit studio. Ses amies les plus proches en font l’expérience depuis quelques jours et ce n’est pas simple. Pas facile également de suivre des cours en amphi, de se remettre dans un travail personnel important après les cours à la maison et les examens en contrôle continu. Tous les amis de Céleste qui ont déjà repris des cours témoignent d’une grande fatigue.

Après avoir déposé Céleste, j’ai retrouvé Louis à la maison qui était assez anxieux à l’approche de son entrée en troisième. Pour cette année importante, j’espère qu’il aura la chance d’avoir de très bons professeurs investis et capables de tenir leur classe sans sortir de leurs gonds. Hier, en fin d’après-midi, Stéphane et moi accompagnions Léa et Victoire à l’internat. Nous étions accueillis par l’une des trois CPE du lycée que j’aime énormément: une femme passionnée par son métier qui me fait toujours penser à notre amie Farida. Une erreur s’était produite: Victoire avait été mise dans la liste des internes de seconde. Comme il n’y avait plus de place à l’étage des premières, les deux filles ont été installées dans une chambre avec une élève venant d’entrer au lycée. Léa et Victoire sont toujours partantes pour tout: voyages scolaires, colonies de vacances, pèlerinages…Elles sont ravies d’être internes, de vivre dans une communauté de jeunes et d’avoir accès à toutes les installations sportives du lycée.

La maison n’a jamais été aussi calme depuis de longs mois! Stéphane et moi serons presque surpris de déjeuner en tête à tête tout à l’heure. Cet été, nous n’avons eu aucun temps pour nous deux. Une belle lumière entre par les fenêtres. Muguette est en forme. Nous étions heureuses de nous retrouver. Pépette m’a fait la fête! Notre maman a regagné sa grande maison dans le Gard. C’était très agréable après nos dix-sept heures de voyage de la trouver chez nous! Un délicieux dîner nous attendait. Céleste lui a montré toutes les photos et toutes les vidéos de notre séjour en Balagne. Le lendemain de notre arrivée, ma soeur venait déjeuner à la maison et récupérer Miyu, la soeur de Cookie. Elle avait fait un délicieux gâteau avec de la crème de marron. Maman avait préparé une tarte aux quetsches et, de mon côté, j’avais acheté une tropézienne. Nous avons pu faire un café gourmand!

Maintenant que chaque enfant a retrouvé son univers, je peux enfin vous raconter nos aventures corses. Comme je n’arrive jamais à dormir le matin après 6h00, je me levais et allais m’installer sur la table de la terrasse face à la baie de Calvi pour écrire. Les cinq adolescents, Charlotte, ma soeur et Stéphane dormaient. Je voyais le soleil gagner les montagnes, éclairer la citadelle et la mer et assistais, la première semaine, aux largages des légionnaires parachutistes du 2ème REP. J’entendais Elisabeth, la voisine, balayer ou arroser son jardin avant de rejoindre la pharmacie de l’hôpital. Je respirais le parfum des clématites. Voici donc des extraits de ce que j’ai écrit pendant quinze jours avant de partir à pied tout en haut du village acheter le pain et la presse chez Jean-Marie, l’un des deux épiciers de Lumio. Je sais déjà que je vais avoir du mal à me relire tant mon écriture s’est dégradée avec les années!

Après une courte étape dans le Gard qui nous a permis de retrouver des cousins au bord de la Cèze et de dîner avec un couple d’amis, nous sommes au port de Toulon à six heures du matin. Le paquebot à tête de Maure quitte le port. Les bâtiments de guerre s’éloignent tandis que le soleil monte au-dessus de la ligne d’horizon. Les randonneurs avec ou sans chien se mélangent aux familles et aux jeunes femmes dont il est facile de deviner que de la Corse elles ne verront que les plages, les bars et les boites de nuit. J’aime les aéroports, les ports et les gares: tous les lieux de vie. Tandis que j’observe les silhouettes des passagers se découpant en ombres chinoises sur le ciel, je repense au port du Pirée et notre traversée jusqu’à l’une des Cyclades. Les dauphins sautaient le long de la coque. J’avais quinze ans. Je venais de passer mon bac de français. C’était mon premier grand voyage sans ma famille. Comme j’avais aimé les villages dans les Cyclades, les maisons blanches et bleues, la végétation luxuriante, les dîners dans des petits restaurants où je me délectais de brochettes d’espadon. « Le grand bleu » et « Mama Mia » n’étaient pas encore passés par-là.

Samedi 14 août: retrouver toutes les odeurs de l’île: laurier rose, figuier, clématite et immortelle. Le matin, sur la terrasse, le calme est absolu. Les lapins gambadent. Dans le village endormi, des verres vides sur les tables des terrasses. L’épicier n’a pas pris une ride ou un gramme. Au bord de la piscine, des oiseaux viennent chanter depuis les grandes palmes. Le palmier est l’âme de cette maison. Alors que la nuit est tombée, Stéphane entraîne les quatre jeunes dans une marche en direction d’une crique par un chemin emprunté par les chèvres. Virginie et moi restons à échanger sur la terrasse face à la baie de Calvi qui s’illumine. Retour fastidieux pour le quatuor et Stéphane. Plus assez de lumière pour revenir par le même chemin. Des méduses dans la mer. Ils rentrent par la route en lacets qui ne présente aucun intérêt. Messe du 15 août dans une église pleine où la chaleur est lourde. La Vierge Marie est non seulement reine de France mais aussi reine de Corse. L’assomption donne lieu à de grandes processions. Mélange de locaux et de continentaux. Un nombre important de familles du 2ème REP. Victoire est la seule à m’accompagner. Le Covid empêche une vraie procession. La Vierge est transportée par les Confrères aux quatre points cardinaux de l’église. Les enfants de Virginie arriveront dans une semaine.

Tandis que Stéphane conduit les quatre adolescents nager dans les vagues, Virginie et moi prenons un bain absolument merveilleux sur une toute petite plage à Algajola. L’eau est turquoise et sa température doit avoisiner les 25°. L’ambiance est légère, joyeuse. Une majorité d’Italiens. Je cherche l’amie prodigieuse. C’est si agréable de retrouver des visages démasqués! Le soir, nous allons nous promener dans les ruelles bondées de Calvi et boire un verre à la terrasse d’un café sur le port. Le vent souffle fort. Les mats des voiliers claquent. Les pontons permettant d’accéder aux bateaux sont fermés. Les riches propriétaires de yachts n’ont plus envie de se sentir comme des animaux du zoo de Beauval auxquels on jette des cacahuètes. Ils veulent pouvoir siroter en paix leur coupe de champagne et porter montres de luxe et bijoux sans culpabilité. Aujourd’hui, on apprend que les taliban ont envahi Kaboul. Les occidentaux, les Américains et les civils afghans qui sont sur la liste noire des nouveaux maîtres du pays se pressent à l’aéroport. Une course contre la montre commence. Il faut évacuer un maximum de personnes avant le retrait des Américains le 31 août. Le Qatar joue le médiateur. La France a eu l’intelligence de commencer le retrait de ses ressortissants et de ceux qui l’avaient aidé dés le mois de mai.

19 août: Première sortie en mer. Mise à l’eau du zodiac dans la petite marina charmante de San Damianu. Mouillage sous le phare de la Revellata dans la crique dite crique de Maryvonne, prénom de ma marraine. De nombreux oursins mais presque pas de poissons. Stéphane et les enfants sautent depuis un rocher. Arrêt au large d’une anse dont l’eau est turquoise et où les poissons affluent par dizaines quand on leur jette des chips. Encore un bain dans l’eau très chaude de la plage de Calvi non loin de ces petits cabanons verts dans la pinède. 20 août: Nous sommes très fatigués après la sortie en mer. Nous avons pris trop de soleil et pas assez bu. Promenade à l’île-Rousse dans les ruelles. Cette ville est bien plus agréable et vivante que Calvi. La brocante occupe tout le cours entre l’église et la mer. Quand les marchands du temple auront rangé leurs objets, les joueurs de pétanque les remplaceront et les verres de pastis s’accumuleront sur les tables. Virginie et moi nous offrons chacune un manteau alors que la température est difficilement supportable. marche avec Virginie et Stéphane au départ de Cateri en passant par Sant’Antonino. Le chemin est ombragé. La nature est constituée d’arbres de mastic, de cystites, de clématites et d’immortelles. Nous ne croisons personne. Montée très raide jusqu’à Cateri où des couples très élégants ont retenu des tables « Chez Léon ».

22 août: Hier, Virginie a retrouvé Charlotte et Valentin qu’elle n’avait pas vus depuis un mois. Les enfants s’entendent à merveille! Ils savent être à la fois tous ensemble ou en binôme. Les filles et Louis, l’amoureux de Victoire, s’occupent à merveille de Charlotte. Les grands sont allés sauter depuis les rochers de la plage de Santa Restituta que tout le monde appelle « Le pain de sucre » du nom du restaurant qui y est installé. Avant le coucher du soleil, une jeune laie et ses trois marcassins viennent se promener sous les fenêtres. Ils ont mangé les fraises et les tomates de la voisine. Quand Virginie me rejoint sur la terrasse, elle m’annonce qu’hier, au stade de rugby où les grands vont tous les soirs Valentin s’est blessé. C’est à peine s’il peut poser le pied par terre. Vite, une télé-consultation avec notre tante et notre oncle et Virginie et Valentin prennent le chemin des urgences. Après deux heures d’attente, le diagnostic tombe: une entorse. Je m’empresse de préciser à l’adresse de notre maman qui pourrait me lire que l’entorse s’est révélée sans gravité et qu’elle n’a pas empêché Valentin de profiter de ses vacances. Virginie me reproche de m’être montrée agressive avec elle mais j’étais seulement très triste pour Valentin. C’est une journée sans. Fatigue. Ennui. Saturation avec la voiture. La maison est merveilleuse mais, pour tout, sauf pour aller au village, il faut faire de la route et de la route j’en fais bien assez tous les jours de l’année. Le soir, magnifique concert dans l’église du couvent de Marcassu. Quitté par des frères vieillissants, le couvent est maintenant occupé par 18 soeurs de la communauté du Rosier de l’Annonciation. L’an passé, le couvent a remporté le loto du patrimoine présidé par Stéphane Bern. Les soeurs vont pouvoir refaire la toiture. Céleste et Victoire nous accompagnent. Une dame dont la chevelure rousse est aussi volumineuse que celle de Michael Jackson à ses débuts porte un parfum si ensorcelant que Jean-Baptiste Grenouille aurait pu avoir envie de la tuer. Virginie va trouver cette dame pour lui demander le nom de son parfum. Elle répond qu’elle n’en sait rien car elle n’utilise que des échantillons. Cette réponse me laisse sceptique. Je pense qu’elle ne veut pas révéler le nom de ce parfum que nous allons sentir pendant tout le concert. Dans l’église, nous entendons le nocturne numéro 1 opus 19 de Chopin interprété à la guitare par Sandrine Luigi. Elle joue également des morceaux de Baden Powell, d’Atahualpa Yupanqui, d’Augustin Barris-Mangor, d’Heitor Villa-Lobos et de Roland Dyens. Le violoniste Alexandre Bassel et le harpiste Sylvain Bassel lui succèdent. Ce dernier joue les variations Goldberg de Bach. Nous passons une merveilleuse soirée même si les bancs sont un calvaire pour les fesses et les dos! Quand nous sortons, la nuit enveloppe le couvent et les filles qui ont craqué au milieu du concert s’ambiancent dans la voiture sur des airs de Kool and the gang ou Earth, wind and fire…Suite dans la prochaine chronique

 

Anne-Lorraine Guillou-Brunner

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