Ce matin, il a gelé. Le ciel se couvre de grandes bandes roses. Notre Fantôme aurait fêté son treizième anniversaire. Notre lion était taillé pour le grand froid. Il aimait la montagne en hiver.Le manque est toujours là, le chagrin aussi. A chaque promenade, je l’imagine ouvrant ou fermant la marche. Je le sais qui va s’arrêter à la croisée des chemins pour recevoir la nouvelle feuille de route. Souvent, maintenant, je manque de motivation pour sortir du lit. Avant, jamais, je ne me posais de question! Il était si heureux de m’entendre descendre l’escalier, couler le café, allumer la radio et venir prendre sa place à ma gauche sur le banc. Nombreuses sont les personnes qui me conseillent de commencer une nouvelle aventure avec un autre chien mais je sais que je n’en suis pas capable. Le serai-je plus tard? Je n’ai pas encore la réponse. Ces douze années de vie partagée sur le plateau, avec ou sans les sabots, furent merveilleuses.
Ce sera notre second Noël sans lui. Un animal aimé comme un membre de la famille est associé à tout ce que cette famille vit: les moments de joie mais aussi ceux qui le sont moins. Cédric Sapin-Defour dont le livre Son odeur après la pluie caracole en tête des ventes et a bénéficié d’une nouvelle couverture pour les fêtes a mis de longues années avant de pouvoir raconter ce que sa femme et lui avaient vécu Ubac, leur bouvier bernois. Encore aujourd’hui et alors que d’autres chiens ont partagé leur vie, l’émotion est toujours forte. On la sent qui affleure derrière les paroles quand il évoque Ubac.
En dépit de ce vide immense, nous entrons pas à pas dans le temps de l’Avent. La crèche est installée près de la cheminée. La nuit, j’imagine que les rois mages se déplacent sur le papier rocher. Les Arlésiennes dansent. Le boulanger prépare ses fournées. Le curé transpire en songeant à toutes les messes qui l’attendent. Les bergers contemplent le ciel étoilé. Il me semble entendre la respiration paisible et le souffle chaud de l’âne et du boeuf.
A moins de trois semaines de Noël, les sapins sont à nouveau les rois des intérieurs. Certains sont très léchés. Blancs et argent ou rouges et or, on les croirait tout droit sorti de l’une des pages glacées d’un magazine de décoration. D’autres, très colorés, ont été décorés par les enfants. C’est souvent une joyeuse pagaille quand les cartons des décorations sont descendus des greniers, remontés des caves ou exhumés d’un fond de placard. D’une année sur l’autre, on a le sentiment d’en avoir oublié le contenu. Dans certaines familles, tous les ans, on rachète de nouvelles boules, de nouvelles guirlandes et de nouveaux sujets. Dans d’autres familles, on réutilise avec la même joie les mêmes décorations. Il suffit de les placer à un autre endroit pour avoir le sentiment qu’elles sont neuves. Il y a les adeptes du vrai sapin dont l’odeur de résineux a ce pouvoir de restituer une forêt à lui tout seul. Il y a ceux qui préfèrent les sapins artificiels pour des raisons pratiques: on n’aura pas à ramasser des épines longtemps après que les agents municipaux aient décroché les décorations des rues. Il y a aussi les familles qui renoncent à un vrai sapin pour des raisons écologiques et optent pour un sapin constitué de morceaux de bois. Enfin, il y a ceux qui achètent un sapin avec des racines et espèrent pouvoir le replanter dans leur jardin après les fêtes. Malheureusement, ces essais sont rarement concluants.
Il ne m’est jamais possible de décorer un sapin sans penser au conte d’Andersen et à la triste fin vécue par tant de sapins qui ont besoin de dix années pour grandir de deux mètres. Le sapin n’est pas le seul à trouver une belle place dans les intérieurs à l’approche de Noël. On trouve aussi le poinsettia, la jacinthe, l’hellébore, le schlumbergera et l’amaryllis. Voici deux ans, une patiente m’avait offert une très belle hellébore. Elle avait égayé nos tables de fête avant de trouver une place dans le jardin. Chaque famille a ses traditions. Dans la notre, on achète toujours des jacinthes à Noël. C’est une telle joie de les voir pousser et s’ouvrir pour laisser exploser leur puissant parfum. Au printemps, dans le jardin, les jacinthes de Noël replantées s’offrent une seconde floraison.
Le poinsettia appelé souvent étoile de Noël est originaire d’Amérique centrale. C’est une légende mexicaine qui l’associe à la période de la Nativité.
À l’approche de Noël, une pauvre jeune fille était emplie de tristesse car elle n’avait rien à offrir au petit Jésus. Son cousin tenta de la réconforter en lui affirmant qu’un cadeau offert avec amour serait grandement apprécié, aussi petit fût-il. Ne sachant que faire, la jeune fille trouva quelques plantes sauvages sur le bord de la route, dont elle fit un bouquet. Elle s’approcha de la crèche, gênée d’apporter un si modeste présent, tout en ayant à cœur d’offrir à Jésus ce qu’elle avait de plus beau. Alors qu’elle plaçait les plantes près de la mangeoire, celles-ci se transformèrent en de magnifiques fleurs rouges en forme d’étoile.
C’est ainsi que les poinsettias prirent le nom de fleurs de la Nuit Sainte. En effet, c’est à Noël que les bractées du poinsettia changent de couleur et que la plante est en pleine floraison. La forme de la fleur permit de l’associer à l’étoile de Bethléem et sa couleur rouge à celle du sang du Christ. A Mexico, des frères franciscains commencèrent à utiliser des poinsettias pour leurs processions de Noël. La fleur arriva ensuite aux États-Unis puis se répandit partout dans le monde. Les poinsettias sont souvent vendus avec leurs pétales couverts de paillettes dorées.
Le shlumbergera appelé aussi cactus de Noël se couvre d’élégantes trompettes rouges, roses, pourpres ou blanches. Il refleurira une nouvelle deux ou trois mois plus tard. Quant à l’amaryllis, elle laisse monter de son gros bulbe apparent une tige dressée portant de très grandes fleurs évasées, d’un rouge flamboyant, ou encore blanches ou bicolores.
Toutes ces plantes font entrer de le couleur dans les maisons et sont un pied de nez aux nuits qui s’étirent tels des chats paresseux jusqu’au solstice d’hiver. Autrefois, les villes étaient beaucoup plus décorées que maintenant. A Paris, certains quartiers devenaient magiques. Mais, toute cette débauche de lumière n’est pas très écologique et représente un coup très élevé pour les municipalités et les associations de commerçants. Les vitrines des grands magasins ont perdu de leur pouvoir enchanteur. Plutôt que de transporter les enfants dans des mondes merveilleux, elles mettent en avant des marques de luxe. Elles font des enfants toujours si prompts à rêver de futurs consommateurs!
Que vous ayez opté pour un sapin vivant ou un sapin artificiel, que vous ayez ou pas installé une crèche et eu envie d’acheter ou d’offrir autour de vous des fleurs de Noël, je vous souhaite une agréable fin de semaine et un cheminement serein dans ce temps de l’Avent.
Anne-Lorraine Guillou-Brunner