Chronique de mes deux ans

Voilà, c’est fait :
j’ai deux ans depuis quelques heures. Le jour où je suis venu au monde, le
soleil s’installait dans le ciel. Il faisait froid et sec. Toute la famille
était aux anges. Ce matin, en revanche, le vent du sud soufflait avec violence.
Un temps à faire de la planche à voile. Pour être sincère, cela ne m’a rien
fait d’avoir deux ans. Et d’ailleurs, je me demande bien pourquoi ma maman a
mis des mois à se préparer, psychologiquement, à aborder le cap des quarante.
Officiellement, je suis né le 23 novembre mais c’est hier que nous avons fêté
mon anniversaire.

 

Hier, donc, je finissais
mon déjeuner quand mes sœurs et mes cousins, les enfants de ma marraine et son
mari, mon parrain et ma tante,  mes parents et leurs appareils photos ont fait
cercle autour de moi. Ma maman a déposé, sur ma petite table, un gâteau au
chocolat que ma grande sœur avait décoré de billes de couleur, à la surface
granuleuse. Au milieu était planté une bougie blanche et or en forme de deux.
Je regardais tous ces visages fixés sur moi. Je me demandais vraiment ce qu’ils
attendaient de moi. Puis, les petits et les grands se sont tous mis à entonner
le traditionnel « joyeux anniversaire ». Ensuite, on m’a dit
qu’il fallait que je souffle ma bougie. Comme je ne bronchais pas, ma maman m’a
montré comment m’y prendre. J’ai essayé une première fois mais sans succès. C’est
à peine si on pouvait voir la flamme vaciller. A la deuxième tentative, tout le
monde avait une très forte envie de souffler avec moi mais comme c’est
interdit, la puissance de mon seul souffle n’a pas réussi à avoir raison de la
flamme rouge. Finalement, les grands et les petits ont été autorisés à me venir
en aide et la flamme s’est éteinte. Tout le monde a applaudi. On a crié
« bravo Louis ! ». Enfin, j’ai esquissé un large sourire, un
sourire avec fossettes.

 

Je n’avais d’yeux que
pour mon gâteau. Comme j’avais fini par faire ce qu’on attendait de moi, je
pensais pouvoir en manger tout de suite.  Mais non, on me l’a enlevé pour
placer devant moi des espèces de gros objets colorés. Il était évident que cela
ne se mangeait pas ! On m’a dit qu’il s’agissait de cadeaux et que je
devais les ouvrir. Je percevais toute l’excitation de la brochette
d’enfants m’entourant et leur envie de prendre ma place. Moi, j’étais décidé à
faire durer le plaisir. Dans mon premier paquet, j’ai découvert trois livres.
Mes sœurs s’en sont tout de suite emparées pour me montrer comment les
feuilleter. Parfois, je me demande si elles ne font pas exprès de penser que je
suis encore un gros bébé et, pour tout dire, « ça
m’énerve ! », comme dans la chanson.

 

Pour découvrir le contenu
du deuxième paquet, ma marraine m’a invité à me lever. C’était vraiment un
énorme cadeau. Je l’ai dépiauté avec une infinie délicatesse, n’omettant pas de
tendre, à ma maman, tous les petits bouts de papier déchiqueté. Je n’étais
vraiment pas impatient d’en découvrir le contenu. Ca semblait agacer les autres
enfants. Finalement, j’ai vu apparaître un magnifique fauteuil au tissu orange.
J’étais le seul à ne pas en posséder et nous nous disputions souvent les deux
fauteuils pour petits de la
maison. Même
si les spécialistes le déconseillent fortement
pour les moins de trois ans, je me suis imaginé confortablement installé dans
MON fauteuil et suivant, devant l’écran de la télévision, les aventures de la
famille des Barbapapa ou du petit ours brun.

 

L’avant-dernier paquet,
c’est ma grande sœur qui l’a ouvert car il fallait découper le ruban avec des
ciseaux. Sous le papier était dissimulé un canevas figurant une baleine et un
crabe, premières réalisations de ma marraine. Ma maman était particulièrement
émue que ma marraine ait pris le temps de faire ça pour moi et aussi, parce que
sa propre marraine réalise, au point de croix, de vraies splendeurs. Dans mon
dernier paquet, une grosse boite de légos dans laquelle j’ai plongée en
oubliant de réclamer ma part du gâteau. Tout le monde y a goûté, sauf
moi ! Heureusement que, l’heure du dîner venu, ma maman s’en est rendue
compte. Elles sont terribles ces grandes personnes : elles font diversion
avec des cadeaux et elles boulottent, sans vergogne, le gâteau qui vous était
spécialement destiné.

 

L’an passé, je ne
marchais pas. C’est bien installé sur les genoux de ma tante que j’avais vu les
autres souffler ma bougie. On m’avait ouvert mes cadeaux. L’an prochain, c’est
certain, je soufflerai mes bougies comme un grand, dévoilerai en un temps
record mes paquets et n’attendrai pas l’heure du dîner pour goûter mon
gâteau !

 

Louis Brunner

 

 


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