Le week-end sera festif et la maison joyeuse d’enfants et d’adolescents. Louis reçoit ses amis le samedi après-midi pour ses dix ans et deux d’entre eux restent dormir. Une amie de Céleste nous rejoints après son match de basket et ne repartira que dans l’après-midi du dimanche et, enfin, Victoire réunit deux de ses amies de classe pour réaliser un devoir commun en Espagnol. Il s’agit de monter un diaporama autour de la fête des morts au Mexique et de concocter le gâteau traditionnellement partagé par les familles sur les tombes des défunts. La mamie des enfants, la maman de Stéphane, sera là le samedi matin. Louis avait très envie qu’elle fasse la connaissance de ses amis et ma belle-mère était heureuse de voir son unique petit-fils souffler ses dix bougies.
Alors, Stéphane et moi décidons le vendredi soir de nous offrir un temps « pour nous », de laisser le trio à la garde vigilante de Fantôme et d’aller au cinéma. Quand j’habitais Paris, toutes les semaines, j’achetais un « Pariscope » ou un « Officiel des spectacles » et lui consacrais une lecture fouillée. Je cochais les films et les expositions qui me tentaient. Maintenant que je vis accrochée au dos plat d’un large plateau, je suis la vie culturelle depuis mon ordinateur. Je note sur mon agenda les films qui me plaisent. Quant aux expositions, le plus souvent, je ne les vois qu’au travers de petites vidéos sur Youtube ou grâce aux numéros que leur consacrent des revues d’art. Mercredi, j’ai regardé la bande-annonce du film réalisé par Yvan Attal « le brio » et ces deux minutes et vingt secondes d’images m’ont conquise. J’ai envoyé un mail à Stéphane qui, la plupart du temps, travaille dans son bureau situé en retrait de la maison, au fond du jardin, pour lui dire que j’avais très envie d’aller le voir et de lui faire découvrir l’endroit où j’avais passé plusieurs années quand j’étais étudiante: l’université de droit Paris II Panthéon-Assas. Sur mes treize années de droit, j’ai été inscrite sept années à Paris II. Les quatre premières années se sont déroulées dans l’épouvantable blockhaus de la rue d’Assas et les trois autres du côté du Panthéon. Une année de DEA de sociologie du droit suivie de deux années de recherche en thèse.
Le cinéma est presque désert quand nous en poussons les grandes portes vitrées. Personne aux caisses devant lesquelles, parfois, c’est un monstre du Loch Ness qui déroule sa longue queue. Dans la salle, nous ne sommes qu’une petite vingtaine. Bonheur: personne ne mange de pop-corn ou ne farfouille dans un sac de bonbons! Les fauteuils sont confortables. Le cinéma, c’est un voyage, une aventure! Ici, nous avons la chance que la directrice du cinéma, Martine Nicolas, ancienne productrice à Paris, n’hésite pas à projeter des films d’art et d’essai et, parfois, à faire venir le réalisateur et son équipe. Ce sera le cas pour le dernier film de Serge Hazanavicius « Tout là-haut » projeté en avant-première le 15 décembre. Ce film raconte la rencontre frontale entre un jeune surdoué du snowboard et un ancien champion devenu guide de haute-montagne. La bande-annonce ne m’a pas convaincue mais j’ai pensé à Jean Nerva, parti bien trop vite, là-haut, tout là-haut et qui avait été pionnier dans ce sport dans les années 80. Je vous ai souvent parlé de Jean dans les chroniques consacrées au défi Baïkal.
Avant que le film ne commence, je ris beaucoup des facéties d’Alain Chabat métamorphosé en Santa Claus, de la gouaille d’Audrey Tautou en Mère Noël et sens une bonne humeur contagieuse me gagner devant les visages heureux des anciennes stars de la musique française des années 80 qui reviennent tous pour une suite enneigée. « Le brio » est un film absolument merveilleux, sensible, drôle, qui évite tous les clichés autour des enfants issus de la troisième génération d’immigrés nord-africains et dépeint avec une grande justesse le tout petit monde des universitaires de Paris II. Les acteurs sont remarquables. Daniel Auteuil campe divinement bien un professeur vieillissant, cynique à souhait, à l’ego surdimensionné, dont l’intelligence aiguisée ne recule devant rien pour un bon mot, une saillie provocatrice. A la première heure de son premier cours en première année de droit, une jeune fille, Neïla Salah, élevée par sa mère célibataire à Créteil, arrive avec quelques minutes de retard. Tandis qu’elle remonte l’une des travées du plus grand amphi d’Europe dont l’acoustique admirable lui a valu d’accueillir des musiciens de renommée internationale (Arthur Rubinstein, Daniel Barenboïm, Samson François, Herbert Von Karajan, Leonard Bernstein) ou un grand humoriste tel Pierre Desproges pour un gala de fin d’année, le professeur, Pierre Mazard, interrompt son cours pour lui reprocher son arrivée tardive. L’échange s’envenime. Le professeur tient des propos racistes. La scène, filmée par la moitié des étudiants de l’amphi, se met à circuler sur les réseaux sociaux. Pierre Mazard est convoqué dans le bureau du Président, merveilleux Nicolas Vaude. Le professeur qui a pour habitude de déraper en cours ne pourra plus échapper au conseil de discipline mais son ami, le Président, lui souffle de préparer la jeune fille au concours d’éloquence, concours national qui permet de faire émerger les futurs ténors du barreau.
Les étudiants en droit peuvent tous s’inscrire au concours de la Conférence Nationale Lysias qui comportent deux volets: les deux concours de plaidoirie à destination des étudiants de Licence 1 et 2 et le concours d’éloquence pour les étudiants de Licence 3, master 1 et 2 ou inscrits en institut d’études judiciaires. S’agissant des concours de plaidoirie, les étudiants de première année revêtent la robe d’avocat pour assurer la défense de leur client autour d’un cas pratique humoristique de droit Civil et les seconds jouent le Ministère Public ou l’avocat de la défense sur un cas pratique tout aussi drôle de droit Pénal. S’agissant du concours d’éloquence, il consiste en des joutes oratoires sur un sujet ouvert dans lequel l’un des candidats va défendre la positive et l’autre la négative. Dans les deux cas, les candidats ont une semaine pour préparer le sujet. Les candidats au concours d’éloquence doivent pouvoir faire preuve d’un esprit cultivé, fin, poétique et humoristique. C’est ainsi que des candidats ont pu s’affronter autour du sujet suivant « la musique adoucit-elle le meurtre? « . Les étudiants lauréats de toutes les universités françaises se retrouvent pour s’affronter et gagner le premier prix du concours national.
Les jeunes avocats rattachés au Barreau de Paris peuvent s’inscrire, eux, au concours d’éloquence, le concours de la Conférence des Avocats du Barreau de Paris. A l’issue de ce concours, les douze Secrétaires sortants choisiront leurs successeurs. Les douze Secrétaires assurent depuis plus de deux cents ans des missions qui leur sont confiées par le Barreau de Paris. Au fil du temps, la Conférence du Barreau de Paris a développé une mission fondamentale: la défense pénale. Tous les jours, pendant un an, les secrétaires plaident les dossiers de renvoi devant la 23ème chambre du tribunal correctionnel, la chambre des comparutions immédiates, prennent en charge les débats contradictoires devant les juges d’instruction et les juges des libertés et de la détention quand les faits reprochés au mis en examen sont de nature criminelle et assurent une permanence au Pôle Financier, antenne du Palais de Justice où sont instruites les affaires financières. Les candidats s’affrontent dans des joutes oratoires dont les sujets peuvent être des plus farfelus tels que « J.O: Rio ne répond plus », « Yes, we Khan », « l’accent marseillais: exagération ou insolation », « Est-ce que Rocky bat le Boa? » ou philosophiques comme « la morale est-elle l’ennemie du progrès? » ou « Peut-on être trop libre de s’exprimer? ». La réussite au concours repose sur trois qualités: plaire, émouvoir et convaincre.
Camélia Jordana est remarquable dans le rôle de Neïla Salah comme tous les autres comédiens. Au fil du film, on voit la jeune étudiante se métamorphoser grâce à l’intelligence et à la finesse d’un professeur qui lui enseigne la dialectique éristique en s’appuyant sur le livre écrit par Schopenhauer « l’Art d’avoir toujours raison ». Le « Die Kunst, Recht zu behalten » pour les germanistes. Ensemble, ils vont disséquer les trente-huit stratagèmes qui permettent d’emporter l’adhésion en toutes circonstances, de convaincre un auditoire sans se soucier de la recherche de la vérité. Dans la dialectique éristique ce qui compte c’est de dominer son interlocuteur et de convaincre par tous les moyens. Schopenhauer connaît bien la nature humaine et parmi les stratagèmes on trouve par exemple le fait d’exagérer, d’affirmer de manière péremptoire, de détourner la conversation, de retourner un argument contre son adversaire et, quand on est à bout d’argument, d’injurier.
Le professeur se nomme Mazard, proche de Mazeaud, patronyme d’une grande lignée de professeurs de droit privé enseignant à l’Université de Paris II. Quand j’étais étudiante, je n’étais pas assez maso pour suivre les cours d’un Mazeaud. J’ai eu la chance d’avoir l’un des plus grands civilistes, doublée d’un philosophe du droit, François Terré. Un petit bonhomme qui marchait dans le hall immense de l’Université, la tête rentrée entre les épaules, le dos vouté, les mains croisées derrière le dos. Un homme qui semblait vouloir disparaître et qui, dans son amphi, le grand amphi, celui qui accueille 1700 étudiants, se transformait en bête de scène, en un Jonny du droit des obligations, un Freddy Mercury de la responsabilité civile. Cet homme réservé dont la vie privée avait été émaillée de nombreux drames devenait une star. Il sautait d’une table à une autre. Il ne lisait rien. Il possédait sa matière entièrement. Il était si mobile qu’il semblait pouvoir habiter l’amphi en ses quatre points cardinaux dans un même espace temps. Nous ne prenions pas de notes. Nous l’écoutions, nous le regardions. Nous étions fascinés. J’ai su, plus tard, qu’avant de prendre son amphi, il avalait une grande rasade de cognac pour se chauffer, pour enflammer son auditoire. Quand le cours se terminait, nous voyions notre professeur s’éteindre. Toutes les lumières avaient fini de nous éclairer, de faire briller nos prunelles et de stimuler nos neurones. En TD, cette année-là, j’avais aussi la chance d’avoir un futur professeur, un homme remarquable, Nicolas Molfessi.
Quand, quelques années plus loin, je suis, à mon tour, passée de l’autre côté du miroir, j’ai pris exemple sur ces deux modèles pour enseigner. J’aurais aimé pouvoir me reposer sur un exemple féminin mais, à Paris II, on ne comptait pas beaucoup de femmes. La seule femme professeur que j’ai eue était sèche comme un coup de tric, glaciale comme un morceau d’iceberg. Rien qu’en entendant les talons de ses escarpins raisonner sur le parquet de l’un des couloirs de Paris II, côté Panthéon, nous étions pétrifiés! C’était un cours de DEA (actuel Master 2) et elle nous enseignait la bioéthique. Son chignon était à son image, rigide! Notre père lui trouvait une grande ressemblance avec Nicole Questiaux, conseiller d’Etat, Ministre de la solidarité nationale dans le premier Gouvernement Mauroy, député socialiste de Paris et présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Madame Gobert était mariée à monsieur Durry qui fut Président de Paris 2. Si je la trouvais redoutable, je sais, par ailleurs, qu’elle avait la réputation d’être une directrice de thèse exceptionnelle qui ne lâchait plus ses poulains et les emmenait jusqu’au concours de l’agrégation.
De mes années à Paris II, je conserve également le souvenir tendre de professeurs merveilleux tels qu’Emmanuel du Pontavice qui nous enseigna le droit maritime, matière extraordinairement complexe, Jean Imbert, professeur d’histoire du droit et, dans un registre très différent, Jean-Michel Lemoyne de Forges, professeur de droit administratif. Ce dernier professeur avait un ton ultra professoral et nous nous amusions de cette manière qu’il avait de nous dire « bâââââti, avec un accent circonflexe sur le a de bâââââti! ». Emmanuel du Pontavice s’est éteint en 1998. Jean Imbert est parti en 1999. Jean-Michel Lemoyne de Forges semble en pleine forme. En 2015, il avait été pressenti par Jean-Claude Larcher, Président du Sénat, pour être nommé membre de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique mais la commission des lois n’a pas donné un avis conforme. J’ai sympathisé avec ce professeur car il aimait venir déjeuner dans le restaurant de Gilles, rue Bréa, « Les Montparnos ». Il avait beaucoup d’humour et en DEA, madame Gobert et lui se partageaient le séminaire sur la bioéthique. Au chignon blond rigide, le volet privé et à la grande silhouette élégante, le volet public. J’étais heureuse que ce soit lui qui m’ait évaluée pour mon exposé sur l’évolution de la responsabilité publique hospitalière. S’il n’était pas tendre, il n’était pas cinglant.
Dans le film, je m’amuse de constater que les locaux de la partie Assas de Paris II ont très peu changé. Le grand hall a toujours des allures de hall de gare. On cherche les quais. On s’attend à voir des trains au départ. Au tout début de mes études, cet immense hall soutenu par de larges colonnes avait deux entrées ou deux sorties (au choix). La principale était rue d’Assas et la seconde, rue Notre-Dame-des-Champs. La violence qui pouvait parfois régner à Paris II et la volonté de pouvoir empêcher de fuir ceux qui investissaient la place pour s’en prendre sauvagement à d’autres étudiants, aux vigiles et brûler les panneaux de certaines associations ont conduit à condamner l’accès à l’Université par la rue Notre-Dame-des-Champs. Comme j’habitais rue Bréa, cela m’obligeait ensuite à descendre la rue Vavin et à remonter un bout de la rue d’Assas.
C’est dans cet Université à l’architecture si austère que j’ai noué des amitiés extraordinaires. C’est pendant ces années que j’ai vécu des moments merveilleux. Certaines amitiés sont mortes. Elles n’ont pas résisté à mes choix de vie. D’autres n’ont pas pris une ride! Je ne peux pas raconter ici les mille et une aventures qui s’attachent à cette période heureuse de mon existence. Je parlerai d’Aurélie, la marraine de Louis, que j’ai rencontrée un après-midi de passage d’oraux dans les escaliers enfumés qui desservaient les étages. C’est autour d’une cigarette que notre amitié s’est scellée. J’évoquerai Luc et sa grande carcasse qui venait, parfois, m’attendre devant l’Université avec l’une des voitures qu’il convoyait pour Hertz, son cousin, Arnaud, scout marin, qui se rêvait en commissaire de la Marine et les amis du clan corse qui m’ont fait découvrir leur belle île. Plusieurs couples se sont formés pendant ces années, des couples ayant choisi souvent le barreau et la robe. Un grand nombre des amis de cette époque ont quitté la France pour un pays d’Europe puis la vieille Europe pour une région plus lointaine et désertique. Je n’ai qu’un ami, connu alors que nous faisions ensemble nos premières armes dans l’équipe de jean-Baptiste Laydu à l’Université d’Evry-Val-d’Essonne qui est devenu professeur agrégé d’histoire du droit et enseigne à Paris II: Olivier Descamps. Olivier, jeune homme, rêvait d’être un artiste. Il aurait voulu remplir l’Olympia ou le stade de France. Depuis de longues années, il remplit les mille-sept-cents places du grand amphi de Paris II et il y met le feu comme Jean-Baptiste qui, à la fin de son dernier cours, est capable, quand il a passé une excellente année avec ses étudiants, d’improviser un concert de son idole absolu, le père de la musique rasta, le légendaire Bob Marley!
En voyant la bande-annonce du film « le brio », je savais que je ferai un grand voyage dans le passé et que je serais amenée à revisiter cinq années de ma vie d’étudiante. Du haut de mes quarante-huit ans, je me dis que cela m’aurait plu de m’inscrire à ce concours d’éloquence. En même temps, je ne crois pas que j’aurais été capable, même pour le jeu, d’employer les trente-huit stratagèmes de la dialectique éristique pour l’emporter sur mes adversaires.
Quand nous rentrons du cinéma, légers après avoir tant ri, les filles sont couchées mais Louis nous attend. La tête posée sur l’oreiller, il s’endort très vite rêvant à son anniversaire avec ses amis. Le samedi après-midi, les enfants arrivent tous les uns derrière les autres aux alentours de 14h30. Fantôme vient respirer tout le monde. Quand les garçons ne disputent pas des parties de nerfs dans le jardin, ils sautent à qui mieux mieux dans le trampoline dont la toile ressemble désormais au vieux filet de pêche d’un chalutier breton. Les filles et moi décorons des boules en polystyrène. Les trois petites filles partagent avec moi leurs confidences et leur peine de coeur. Je souris d’entendre l’une d’entre elle me dire: « je suis triste car je ne suis plus en couple avec N ». Je lui réponds que, peut-être, les choses vont s’arranger et qu’à leur âge, on a un amoureux ou une amoureuse mais qu’on est pas « en couple ». On est « en couple » quand on est plus âgés, qu’on partage un vrai quotidien et qu’on habite ensemble (même si de plus en plus de couples font le choix de vie séparée). Elle m’écoute et c’est elle qui sourit à son tour et me dit que j’ai raison. Ils ne sont pas « en couple ». Louis souffle ses bougies après que les enfants aient été casser à coup de manche à balais la piniàta bateau pirate que j’avais achetée et que Stéphane avait suspendu dehors.
Comme je suis une petite Poucette, mon grand ami Wikipédia m’apprend que la piniàta est d’origine chinoise et qu’elle a été rapportée en Italie par Marco Polo, qu’elle a ensuite gagné l’Espagne avant d’être introduite au Mexique par les Conquistadors. Au Nord-Est du Mexique, pendant le jeu, on chante la chanson suivante appelée « Dale, Dale, Dale » et dont voici la traduction
Frappe-la, frappe-la, frappe-la (ou « vas-y, vas-y, vas-y »)
Ne perds pas ton adresse ;
Parce que si tu la perds
Tu perdras le chemin
Frappe-la, frappe-la, frappe-la,
Frappe-la, et il l’a raté
Enlevez-lui le bandeau
Parce que c’est mon tour
C’est fini !
Tandis que les enfants maintenant tous réunis jouent aux gendarmes et aux voleurs en poussant des cris de Sioux, Mamie Claude- comme la surnomme Louise avec cette délicieuse pointe d’accent roumain- part avec Céleste, Victoire et Elise, l’amie de Céleste, se promener dans les boutiques. Le soir, Louis et ses deux amis qui ont presque liquidé à eux trois trois pizzas s’installent confortablement sur le canapé de la mezzanine devant « Baby Boss ». Céleste, Elise et Mamie Claude regardent « Titanic » sur l’ordinateur de Céleste. Quant à Victoire, elle échange avec ses amies grâce à son téléphone portable. Avant d’aller me coucher, je nettoie l’inondation provoquée par les garçons qui ont pris le bain tous ensemble.
Dimanche matin, je sors de la chambre tout doucement et, à pas de loup, rejoins Fantôme. J’enfourche mon vieux vélo, celui qui a fait le tour de l’île du Sud de la Nouvelle -Zélande et traversé deux fois les Alpes, et nous partons nous promener dans une campagne encore endormie. Il fait froid mais le lever du jour est magnifique. Un petit tour à la boulangerie pour faire le plein de pain frais et de brioche. Mamie Claude part au cinéma avec le trio de filles pour voir « le brio ». Les mamans viennent chercher les garçons. Une maman est en pleine séparation. Même si les parents mettent tout en oeuvre pour que les choses se passent le mieux possible, leur fils est malheureux. La maman est soulagée que cette situation n’ait pas de répercussion sur les notes de son fils. Je ne le lui dis pas mais, hier soir, au moment du dîner, le petit garçon avait un grand besoin de parler, d’être écouté et rassuré.
Après le déjeuner, ce sont les deux amies de Victoire qui arrivent. Léonie frappe à la porte dans son pyjama de dragon mauve. Léa est toujours gaie comme un pinson. J’ai sorti sur la table tous les ingrédients dont les filles auront besoin pour réaliser leur pain des morts: farine, sucre, beurre, oeufs, lait en poudre, eau de fleur d’oranger et levure. Les filles filment les étapes de l’élaboration de la recette et s’occupe de leur diaporama. Le match de la Coupe Davis terminé, Stéphane flanqué des trois filles rejoint son bureau et y passe une heure à procéder au montage.
18h30, le pain des morts a mis un temps fou à cuire. Toutes les filles sont reparties. C’est au tour de Mary Poppins de faire son apparition au-dessus du toit de la longère poussée par le vent du nord. Elle aspire, astique, lave, range et repart. Après le dîner, parce que mamie Claude est là, que c’est la fête, les enfants sont autorisés à regarder le film « Sully » réalisé par Clint Eastwood et qui raconte l’enquête qui s’est ouverte après que le commandant de bord d’un AirBus qui avait perdu ses deux réacteurs et n’avait pas le temps de revenir à l’aéroport, n’a pas eu d’autre choix que d’amerrir sur l’Hudson en plein hiver. S’il a perdu l’appareil, il a sauvé les cent-cinquante-cinq passagers.
Il est presque onze heures quand les enfants s’endorment, que leurs yeux se ferment sur deux grandes et belles journées. Fantôme ne demande pas son reste. La maison est heureuse. Elle s’épanouit devant les grandes tablées, à l’écoute des rires, des chants, dans la poussière de la farine, les poils de Fantôme, les odeurs de gâteau d’anniversaire et du pain des morts. Avant de monter dans le train du sommeil, heureusement à quai ce soir car il m’a laissée en rade depuis plusieurs jours, je me demande si La Catrina trouvera le pain à son goût!
Anne-Lorraine Guillou-Brunner
Tu aurais certainement étonné au concours d’éloquence!
Mon cher mari, un grand merci pour ton message. Je ne sais pas si j’aurais su briller dans un tel concours. Ce que je sais, c’est qu’avec le recul, j’ai, finalement, aimé mes années de droit, mes longues, très longues années de droit, que je savais transmettre cette matière assez aride et la rendre à la fois accessible et amusante pour les étudiants.
Merci Anne-Lorraine pour cette excellente chronique.
Mon cher Patrick, merci à toi d’avoir pris le temps de la lire. Avec ce merveilleux film, j’ai pris un bain non pas d’adolescence comme dans l’une des chansons d’Aznavour mais de début d’âge adulte. Nous avons vraiment passé tous ensemble de si bons moments à cette époque! J’espère que Marie-Hélène et toi pourrez voir le film. A bientôt.