J’ai toujours aimé l’orage, manifestation puissante, imprévisible et non contrôlable des forces de la nature. Bien sûr, je n’aime pas les conséquences dramatiques des orages sur l’homme et son environnement. L’orage me fascine. L’orage me parle. Il réveille ce qu’il y a de tumultueux, de torturé, de sauvage dans mon caractère plutôt excessif. J’ai déjà pu écrire que, seule, à Paris, sans garde-fou, ma vie aurait pu être à la fois très dense et très courte. Je ne suis calme et maitrisée que par des efforts de volonté. A force de persévérance, c’est devenu plus facile. Comme notre père, j’aimais faire claquer les portes. Je peux encore me mettre dans un tel état de colère que ma tension doit atteindre les 21 et que mes oreilles bourdonnent aussi fort que si des essaims d’abeilles s’y étaient installés! Mais, il est une chose que je ne fais pas: je ne m’en prends jamais aux objets. Plus jeune, je retournais ma colère contre moi-même. Avec l’âge, je me suis apaisée mais quand je suis très fatiguée, que mon épiderme devient fleur, les émotions me submergent et je dois redoubler de vigilance pour que le barrage ne cède pas.
Que nous soyons aux Antilles, en Charente-Maritime, dans le Tarn ou le Gard, j’ai des souvenirs d’orages impressionnants avec des éclairs illuminant la nuit, un vent arrachant les feuilles des arbres et une pluie brutalisant les toits et les fenêtres. Tout en réveillant ma personnalité tempétueuse, l’orage m’apaise autant que les larmes.
J’ai des souvenirs très présents d’un orage sur une plage à Hossegor où un amoureux me rejoignait se demandant si je n’étais pas la réincarnation de François-René de Chateaubriand, d’orages déchirant les nuits d’août à Paris, d’un orage à Montbrison où, avec Stéphane, nous courions dans les rues inondées par la pluie et encore d’un orage d’une rare violence sur la plage de l’Ostriconi, en Haute-Corse.
J’aime la fraicheur que l’orage apporte après un temps de chaleur épaisse et lourde. J’ai en horreur les orages secs: des éclairs, du tonnerre mais pas de pluie et une chaleur de plus en plus insoutenable. Tout à l’heure, après avoir terminé ma journée de sophrologue non plus en sabots mais en espadrilles, je suis partie faire un tour de vélo. Fantôme a catégoriquement refusé de me suivre. Le ciel était d’un gris sombre traversé par de longs nuages clairs. Dans la forêt, j’ai deviné la présence de chevreuils. En passant devant la maison de Muguette, j’ai vu que la fenêtre de la cuisine était encore ouverte. J’ai hésité à faire rapidement un aller-retour pour lui apporter les crêpes que j’ai mises de côté pour elle. Ce sera pour demain matin.
Dimanche, Stéphane est parti pour l’Ain avec Céleste et deux de ses amies les plus proches. Il ne m’a pas dit au revoir et, dans la journée, pas une seule fois, il ne s’est soucié de savoir si j’étais toujours aussi vertigineuse. A six heures, en me levant, j’avais eu le sentiment d’être sur un voilier en pleine tempête. La personne qui me connait le mieux et à laquelle je confiais l’attitude de Stéphane m’écrivait de ne pas lui en vouloir, que c’était là un comportement très masculin et que, certainement, mon mari devait être très préoccupé par son travail. Rien de mieux qu’un homme pour en comprendre un autre! S’en était suivi un échange autour de la difficulté à vivre en couple dans la durée. Il est déjà si complexe de trouver un équilibre personnel alors un équilibre à deux! A cet ami qui m’écrivait: « Tu as raison de dire que tenir son couple sur la durée est très compliqué. Je me demande souvent si nous sommes faits pour vivre toute notre vie avec les mêmes personnes. Les personnalités évoluent avec les années et il est souvent difficile d’évoluer ensemble dans les mêmes directions », je répondais : « Je pense qu’on peut s’épanouir une vie durant auprès de la même personne quand on est capable de se parler sur le fond, d’avoir vraiment envie de voir l’autre se réaliser et d’avoir l’espace nécessaire à sa propre réalisation. Ce qui est compliqué c’est que, souvent, dans un couple, c’est toujours le même qui est moteur, a des idées, de l’énergie pour le couple et la famille quand l’autre met toutes ses forces dans son métier…Il est aussi très important de s’admirer mutuellement. »
Victoire est partie à une soirée, la dernière avant la semaine de pèlerinage VTT et le départ en vacances entre l’Ain et le Gard, le retour dans le Loiret et les quinze jours en Haute-Corse. Louis, lui, va jouer avec ses amis tout en suivant le match de foot Suisse/France. Le soleil a fait une courte apparition. Le chat n’est pas encore rentré. Mes paupières sont lourdes et je commence à bailler. j’entends le train qui se rapproche. Il sera bientôt à quai, dans cette petite gare cernée par les champs de blé. Il ne faut pas que je le loupe car, alors, je serai condamnée à attendre encore longtemps le prochain. Je monte. Quelques rares passagers démasqués. Une vieille odeur de tabac froid. Je m’installe dans le sens de la marche. Le train s’ébranle. Le contrôleur arrive. Il n’est pas sanglé dans son impeccable costume et il ne porte pas de casquette. Il a une robe de travail à fleurs, des jambes musclées et halées, des pieds disparaissant dans des crocs militaires et une ficelle autour de la taille en guise de ceinture. J’éclate de rire en reconnaissant Muguette qui a, enfin, décidé de quitter le plateau et la ferme des Godards et de voir du paysage. Je lui tends mes crêpes emballées dans une feuille d’aluminium. Elle n’est pas seule. Dans le couloir, je découvre Pépette, Kiki et Nénette, Coco et ses dames.
Anne-Lorraine Guillou-Brunner
Oui, un couple peut durer. Ça fait 41 ans que nous sommes mariés. Les confinements nous ont confirmé que, à priori, nous nous étions bien choisis. Maintenant, un crabe menace mon homme et, cet imbécile de crabe ne sait pas que nous sommes deux à le combattre.
Quant à ne pas vraiment se soucier de notre santé, les hommes se terrent dans leur caverne pour ne pas les affronter, contrairement à nous….
Chère Brigitte, je vous remercie pour votre message. A deux, on est toujours plus fort. Ce n’est pas une sale maladie qui va venir menacer votre couple. Je suis thérapeute. Je reçois des hommes et des femmes malades ou accompagnants de malades et, les femmes sont incroyables quand il s’agit de combattre auprès de l’homme qu’elles aiment. Quand les femmes me font le récit de ce qu’elles ont traversé quand elles étaient malades, les compagnons sont souvent, malheureusement, ou dans le déni ou dans la colère. La plupart du temps, elles traversent la maladie seules…et avec un sentiment fort de culpabilité! Votre homme et vous allez tuer cette vilaine bête!