Quinze jours se sont déjà écoulés et votre chroniqueuse est dans l’impossibilité totale de mettre en ligne la chronique consacrée à la visite avec la classe de numéro trois d’un musée incroyable dédié à l’art hors normes. Elle est écrite dans un carnet noir, d’une écriture tout à fait indéchiffrable mais le temps lui manque. Trois rapports à rendre avant demain soir. Mais là, elle ne peut pas faire autrement que de vous raconter ce qui s’est passé à quelques kilomètres de chez eux et dont l’effroyable nouvelle s’étale à la une et en pages deux et trois du canard local.
Imaginez que, pendant presque cinq ans, vous ayez conduit tous les mercredis et durant la plupart des vacances scolaires, vos enfants dans une ravissante école située au beau milieu de la forêt domaniale. L’école est ancienne. Plusieurs générations s’y sont déjà succédées. Elle accueille des enfants des classes maternelles et primaires et le reste du temps, elle se transforme en centre aéré. L’aile réservée aux plus petits élèves a été entièrement refaite. Son architecture est étonnante. Elle emprunte à celle des bâteaux de croisière. Tout est en bois. De nombreux hublots s’ouvrent sur le potager au milieu duquel règne un gentil épouvantaïl dont les enfants repensent la toilette d’une année sur l’autre. Dans le grand couloir qui déssert les différentes salles dont la salle de motricité et la bibliothèque, flotte une merveilleuse odeur de résineux.
Imaginez que, pendant presque cinq ans, vous ayez emmené votre trio dans ce lieu. Au début, seul numéro un y passe la journée du mercredi. Bientôt, elle est rejointe par numéro deux. Quand numéro trois est, à son tour, en âge d’y aller, numéro deux ne fréquente plus le centre les mercredis et numéro deux n’y va que les après-midis. En cinq ans, vous avez largement eu le temps de tisser des liens amicaux avec toute l’équipe des animateurs et avec tout le personnel qui travaillent à l’épanouissement au quotidien des enfants et au bon fonctionnement de l’école.
Imaginez que, pendant presque cinq ans, avec les enfants, vous ayez remonté le chemin qui mène à l’école et que vous ayez rêvé devant les grands arbres qui changent de couleurs tous les mois de l’année. Vos enfants aiment courir sur le chemin, se cacher derrière les troncs des chênes, marcher dans les feuilles qui craquent, collectionner des glands et, parfois, cueillir de petites fleurs pour leurs animatrices préférées.
Imaginez que, pendant presque cinq ans, vous ayez poussé la grande porte en verre, salué le personnel en charge du nettoyage, admiré tous les travaux manuels des enfants scolarisés, eu un clin d’oeil complice pour le grand dragon peint au moment du nouvel an chinois sur une grande tenture rouge, accroché les affaires de vos enfants et salué ou embrassé les animateurs.
En cinq ans, cet endroit était devenu comme un bout de vous-même et, par-dessus tout, vous saviez combien les enfants y étaient heureux, eux, qui, depuis l’école, pouvaient entreprendre de grandes promenades dans la forêt, y découvrir la faune et la flore, aller, l’été, à la piscine découverte et, l’hiver, à la patinoire.
Un jour, une amie dont les enfants fréquentent le même centre aéré vous envoie, via facebook, un reportage de France 3 et vous découvrez, avec horreur et dans une douleur intense, que l’école est partie en fumée, que les trente cinq pompiers mobilisés pour contenir l’incendie ont identifié deux départs de feu volontaire, que les caméras de surveillance ont filmé deux jeunes fuyant avec des bidons, à l’heure à laquelle le gardien a appelé pour avertir les pompiers du début de l’incendie. Ce n’est pas de la colère que vous éprouvez mais une peine profonde. Les larmes montent et bientôt elles coulent le long de vos joues. Cela vous rappelle la crèche de nuéro un vandalisée le temps d’un week-end dans une petite ville gardoise ou encore ces jeunes qui, profitant d’une manifestation étudiante, avaient mis à sac la place de la Nation, dans le douzième arrondissement à Paris. Vous êtes habité par un sentiment de souffrance et d’incompréhension. Vous ne pouvez pas vous empêcher de penser que les jeunes qui se livrent à de tels saccages, qui semblent animés d’une telle violence, expriment, peut-être, une grande douleur. Vous vous demandez même s’il ne faut pas y voir une sorte d’automutilation.
Vous n’êtes pas en colère. Vous avez de la peine et vous vous demandez comment vous allez annoncer cette nouvelle, le soir venu, à vos enfants. Vos enfants accueillent la nouvelle avec un mélange de tristesse (tout a été brûlé?), d’incompréhension (mais pourquoi ils ont brûlé l’école?) et de soulagement (le plus important, l’incendie a eu lieu dans la nuit de vendredi à samedi. Aucun enfant ou adulte n’a été blessé).
L’école était fermée jusqu’à ce matin. Les enfants et toute l’équipe enseignante étaient très choqués. L’école, au fil des années, était devenue la plus difficile de la ville. Elle avait été placée en zone d’éducation prioritaire. Elle accueillait les petits enfants des grandes barres d’immeubles ceinturant cette partie de la commune. Les prénoms des enfants écrits au feutre noir sur des cartons blancs illustrés par chacun d’eux et accrochés au-dessus de chaque portemanteau témoignaient de cette mixité sociale, de ce brassage culturel dans une ville au bassin mosaïque.
Votre chroniqueuse n’était pas en colère jusqu’à ce qu’elle découvre l’éditorial du journal local. Le journaliste basculait dans une lecture manichéenne, s’amusant à opposer bilan d’une équipe étiquetée à droite et bilan d’une équipe encartée à gauche. L’éditorialiste tentait de défendre l’action du maire attaqué de toutes parts par ses rivaux et accusé d’être responsable de l’incendie qui serait, lit-on, une vengance de petits caïds de la drogue à l’adresse des forces de l’ordre. Cet article l’a ulcérée car, finalement, il faisait l’impasse sur le fond: la douleur des uns et des autres qui, trop souvent, conduit à la colère se traduisant en une violence de plus en plus forte et de plus
en plus ordinaire!
Anne-Lorraine Guillou-Brunner
J’ai été à cette école Genebrier de la maternelle jusqu’au CE2 dans les années 90. Je suis revenu il n’ y a pas longtemps et j’ai constaté l’incendie. Sur youtube, deux jeunes filment l’incendie, et d’après leurs voix ils sont maghrébins.
Vous dites que la douleur des uns et des autres conduit à la colère!!! Mais quand on est en colère ou qu’on souffre on ne brûle pas l’école de son Quartier. Ces « jeunes » vivent dans un endroit agréable, il y a la forêt de Montargis juste à coté, il y a des clubs en tout genre et parfois ils ne sont même pas payant; ils sont à une demi heure à pied du centre ville, juste à coté de la gare.. Qu’on ne viennent pas nous dire qu’ils sont parqués dans des cités horrible et invivable. Le problème ce sont les habitants et non les politiques ou les structures. Dans le journal « l’éclaireur » des élus communsite on osé dire qu’il s’agissait d’un manque de structure pour le « vivre ensemble » (C’est normal qu’ils manquent puisqu’il les brûle ou les déteriore!!!)
J’ai habité dans cette zone qui est devenu de plus en plus violente à mesure que des personnes de la « mixité » sont arrivées. On y vivait bien apparavant. Des incendies sont venus se déclarer de plus en plus fréquemment dans mon immeuble… cela dès les années 1994- 1996
Pourquoi justifier la délinquance et ces actes infâmes de destruction des écoles? Si c’est ce que vous appeler un brassage culturel; eh bien… je préfère le renfermement de la france « blanche », celle qui a exporté sa culture et son architecture, celle qui a conquis la moitier de l’europe sous l’empire, celle qui a exporté sa langue dans les colonie d’afrique et d’asie… bref