Chronique baptismale

En quatre ans et demi, la salle paroissiale n’a pas changé d’adresse. Voici quelques semaines, ils la retrouvent sans difficulté, cent mètres à gauche après un rond-point. Un vendredi soir, vingt heures passées de quelques minutes, ils avancent dans une nuit épaisse et humide. Ils poussent la porte de la salle dont la lumière vive leur parvient dés qu’ils ont pénétré dans la cour. Elle lui a dit que sa présence à lui était obligatoire. Il n’a pas pu se défiler. Elle a demandé à une petite voisine qui passe son bac de venir veiller sur le trio et la grosse boule de poils. Sucrette, le poisson rouge, ne nécessite aucun soin particulier. La porte s’ouvre dans un grincement lugubre et sur une large assemblée. Une bonne trentaine de personnes attendent déjà, assises en cercle, autour de la salle. Il y a quatre ans et demi, ils ne connaissaient personne. Ce soir, la moitié des visages leur sont plus que familiers et d’ailleurs, on s’embrasse. La plupart des mamans sont venues seules. Les maris se sont « sacrifiés » pour garder les enfants. Ainsi, elle sait que le mari de sa voisine est penché, avec un de ses amis, au-dessus des entrailles noires de la nouvelle Simca 1000 que tous deux s’amusent à retaper. Les enfants, eux, jouent dans le jardin sous le haut patronage d’une grande soeur de six ans. Certaines familles sont au complet et, assez vite, les plus jeunes, ceux qui recevront le baptême au printemps s’agitent sur les chaises. Elle est heureuse que son mari soit là, que cette démarche soit commune même s’ils ne partagent pas la même foi, si des deux, elle est la seule à croire en Dieu, en une vie après la mort, en ce que la vie sur terre n’est qu’un passage, une mise à l’épreuve. Pour le reste, la virginité de Marie, les différents miracles qui signent l’essence divine de Jésus et en font le fils de Dieu le Père, les mystères de la Sainte Trinité, la transsubstantiation, à ne pas confondre avec la consubstantiation, elle ne s’interroge jamais longtemps. Elle a de la chance: sa foi est simple. C’est la foi du charbonnier. Elle ne connaît pas les crises de foi qui font tant souffrir ceux qui les traversent. Elle croit avec son coeur, pas avec sa tête.

Le Père Marcel est là, aidé par Stéphanie. C’est lui qui a célébré le baptême de numéro deux. Voici cent cinquante ans, les Pères blancs évangélisaient l’Afrique. Aujourd’hui, la roue a tourné. Les Pères noirs viennent réveiller la Foi  dans les coeurs blancs. Le Père Marcel est originaire du Congo Kinshasa où il ne peut pas retourner pour des motifs politiques. C’est un petit homme aux yeux malicieux, à l’accent encore marqué, à l’humour piquant qui aime à secouer tel un Socrate ceux et celles qui se sont endormis dans leur Foi. Il ne craint pas de jouer la carte de la provocation, voire de mettre les parents demandeurs du baptême pour leurs enfants sur les charbons ardents. C’est ainsi qu’après que Stéphanie ait punaisé sur le mur les cartons portant les prénoms de tous les futurs baptisés, il interroge les parents sur le sens chrétien du choix des patronymes. Les réponses le font sourire. Peu de prénoms évoquent la personnalité des saints du calendrier. Le groupe suit un film qui retrace le déroulement du baptême.

Au début, le DVD se grippe à intervalles réguliers. Heureusement, dans l’assemblée, un papa portant de magnifiques dreadlocks aidé du mari de votre chroniqueuse s’improvisent dépanneurs et viennent à bout de la machine récalcitrante. Stéphanie les remercie. A la fin du film, l’assemblée se scinde en trois groupes. Les parents de trois se retrouvent dans le groupe animé par Stéphanie. Cette dernière pose aux parents une série de questions pour sonder leurs motivations réelles: « Avez-vous demandé la baptême pour votre enfant parce que c’est la tradition dans votre famille? parce que vous ne voulez rien à avoir à vous reprocher? parce que ce sera fait? pour faire un bon repas? pour les cadeaux? La plupart des parents évitent de tomber dans les panneaux successifs et mettent en avant la Foi qui les anime et leur envie que leur enfant rejoigne la communauté des chrétiens. Stéphanie n’est pas dupe. Elle le sait parfaitement: passé le petit (baptême+communion) ou grand chelem (baptême+communion+confirmation) traditionnel, les futurs baptisés n’iront pas grossir tous les dimanches les communautés de fidèles sur les bancs des églises.

En aparté, un couple d’origine portugaise très pratiquant raconte que dans leur pays les enfants qui n’ont pas encore reçu le baptême ne peuvent pas pénétrer dans une église car ils pourraient y faire entrer le Malin. Quand un enfant meurt avant d’avoir été baptisé, il est enterré à l’écart des autres dans le cimetière. Votre chroniqueuse frémit en écoutant ce récit qui lui rappelle une vision de la religion qu’elle croyait tout à fait dépassée depuis Vatican II. Elle a l’impression de se retrouver quelque part au beau milieu du film de Jean-Jacques Annaud, Le nom de la rose adaptation pour le cinéma du roman d’Umberto Ecco. Maintenant, elle se dit qu’il faudra bien se laver les mains en rentrant à la maison de peur de mourir empoisonné et d’être retrouvé avec la langue et le bout de l’index noirs!

L’ambiance est détendue. Si on réfléchit au sens du baptême, on n’en oublie pas de rire. Le mari de votre chroniqueuse tel un entomologiste observe tout ce qui se passe autour de lui. Tout à l’heure, dans la voiture, elle lui demandera si il se rappelle leur journée de préparation au mariage. Il lui répondra oui et ils évoqueront ensemble cette photo qu’ils avaient choisie et qui était censée figurer le mariage. Eux, ils avaient vu le sacrement du mariage comme une grande aventure, un immense chemin fait de tours et de détours, d’arrêts, de moments de doute et d’ampoules aux pieds, de sommets à gravir, de plaines à traverser, tous les jours et par tous les temps. Alors, ils avaient opté pour un cliché en noir et blanc représentant un homme et une femme marchant l’un derrière l’autre sur un sentier de montagne. L’homme ouvrait la voie. La femme suivait. Ils étaient encordés. Ils portaient piolets et mousquetons dans leurs sacs à dos. Elle avait de bons mollets musclés à souhait et de larges épaules. Ils avaient tous deux une chemise blanche et un pantalon sombre. Souvent, depuis bientôt douze ans, ils avaient repensé à cette photo et s’étaient dit qu’ils l’avaient bien choisie!

Avant de se séparer, on dit des prières et on échange un verre de jus de fruits ou de cidre. Une petite amie de numéro un fait gentiment le service. Quand le Père demande à l’assemblée si quelqu’un veut ajouter quelque chose, la maman de trois prend la parole. Elle explique à ceux dont le baptême sera célébré par le Père Marcel de prévenir le parrain et la marraine: ils seront soumis à la question pour s’assurer de la force de leur engagement. Le Père Marcel éclate de rire et lui reproche de leur faire peur. Elle insiste: que les parrains et marraines se tiennent prêts: le baptême avec le Père Marcel, c’est tout sauf une promenade de santé, un engagement pris à la légère! Rétrospectivement, elle se dit qu’elle aurait du prévenir le Père que le parrain n’avait pas été choisi pour faire grandir leur fils dans la foi chrétienne mais dans une foi laïque, républicaine et fraternelle. Peut-être, alors, le Père l’aurait moins asticoté au même titre que la marraine le dimanche 8 mai et le sentant se raidir sous son très élégant costume en lin, elle n’aurait pas craint, une fraction de seconde en devinant sa mâchoire se crisper, qu’il ne prenne ses cliques et ses claques.

Après la cérémonie du baptême, le printemps a décidé de se prendre pour l’été et très vite la campagne environnante a commencé à donner les premiers signes d’une grande sécheresse tant redoutée par les agriculteurs. Le lilas était fini. Les roses et les pivoines ouvraient largement leurs pétales. Le colza avait perdu ses belles couleurs. Il commençait à sécher. Les épis de blé étaient encore verts. Les agneaux, près de la mare aux canards, avaient beaucoup grandi et leurs parents, confus sans leur laine épaisse, exhibaient une peau tachetée. Numéro un était allée avec sa classe aux champs de la préhistoire, à côté de Chartres. Numéro deux avait été découvrir les différents corps de métier travaillant à l’édification du château de Guédelon. Numéro trois avait été au muséum d’histoire naturelle d’Orléans. Numéro un et numéro deux avaient rapporté des poteries de leur visite. La maman de trois continuait à trouver aux quatre coins de la maison des cailloux destinés à faire un feu. Cela changeait des marrons, des glands de chêne et des feuilles en tout genre. Numéro deux et numéros trois recommençaient, le moment du bain venu, à semer une partie du sable du bac de la cour de l’école sur les lattes en bois. C’était le signe qu’on se dirigeait vers la fin de l’année scolaire.

Samedi 7 mai. Les parents du trio vivent un réveil comme ils n’en ont encore jamais connu. A sept heures, numéro un qui, pourtant, a pris l’habitude de ne pas émerger avant neuf heures les jours sans école, pousse la porte de la chambre parentale. Ses premiers mots sont les suivants: « Elle arrive bientôt mamie? ». « Non, pas tout de suite. » Affreusement déçue, numéro un se glisse sous les draps. Cinq minutes se sont à peine écoulées que numéro trois fait son apparition. Il marche droit en direction de son père et sans même prendre le temps de dire bonjour lui demande: « Dis, papa, on va le chercher dans le garage le tournevis? ». Comme son père ne répond pas du tac au tac, il continue: « Ou alors, tu me prêtes ta pince Molly? ». Le papa esquissait un début de réponse quand numéro deux se jette sur le lit talonné par Fantôme, le berger australien qui fête ses cinq mois aujourd’hui. Tous les enfants sont sur le lit. Le chien aussi! La maman à moitié écrasée rit de bon coeur mais c’en est trop pour son mari qui renvoie tout ce petit monde à poils et sans poils à l’autre bout de la longère, histoire de faire semblant de se rendormir pour se re réveiller dans le calme d’un matin à la campagne!

La maman se lève aussi vite que les pantins sortent de leur boite et disparaît dans l’espace cuisine, salon, salle à manger où elle vaquera à ses préparatifs de baptême jusqu’à deux heures de l’après-midi. Une heure avant, son mari reviendra avec numéro un parfumé aux odeurs d’écurie, numéro deux couverte de bijoux et numéro trois, les cheveux coupés avec une sorte de frange étrange dont la longueur ne suffira plus à dissimuler l’énorme bosse faite sur l’arrête d’une marche. Tous les enfants tiendront entre leurs mains de magnifiques bouquets de fleurs destinés à la décoration de la maison et de l’église. Leur papa y ajoutera, à la demande expresse de sa femme, des tiges de blé vert ramassées à côté de la maison.

Avant que famille proche et amis chers arrivent, le papa aura eu le temps d’imaginer dans le jardin des espaces ombragés pour le déjeuner du lendemain. Le gazon sera rasé de près et de nouvelles fleurs viendront apporter de jolies touches de couleur tout autour de la maison. La maman aura pu épépiner et peler des tomates pour une salade destinée à quarante personnes. Il s’agit là d’une expérience phénoménologique passionnante qu’elle vous recommande si vous avez du mal à vous concentrer durablement sur la même tâche. Elle débite les carottes en fines baguettes, lave ses radis, ratiboise les fanes, nettoie les champignons de Paris, prépare un dessert spécial pour une amie qui est allergique à l’arachide et ne pourra pas croquer dans les délicieux petits choux de la pièce montée. Elle fait mariner ses côtes de porc dans une sauce cajun et des blancs de poulet dans une sauce à base de curry et de citron vert. Elle pèle à vif ses oranges, déshabille des kiwis. Elle cuit son riz. Demain, il restera les canapés, les sauces pour les légumes crus et la salade de fraises. Elle astique les assiettes et les cuillères de la ménagère de sa grand-mère bretonne. Les couverts viendront en renfort des leurs. A chaque fois qu’elle sort un plat de sa grande armoire, elle songe à la personne qui l’a offert.

Quand enfin ils passent à table, ils sont tous deux au bord de la crise d’hypoglycémie. Le soir, l’ambiance est merveilleusement détendue. Tandis que les enfants s’égaient dans le jardin, les adultes à table sous les canisses sont dans un immense lâcher-prise facilité par trois séries de ti punch. Il ne manque plus que le sable doré de la plage du diamant à la Martinique. On rit beaucoup. Le rhum blanc a ceci de traître que ce n’est qu’une fois debout qu’on mesure vraiment son degré d’imbibition. Des petits-enfants sont tout à leur mamie qu’ils vont voir parfois chez elle mais qui ne vient presque jamais leur rendre visite chez eux. Le papy n’est pas du voyage. Entre la Balagne et Amsterdam, il s’offre une pause, au frais, au calme, dans sa maison. Il a offert à l’une de ses petites filles une petite toile qu’il a peinte sur l’île de Burano. La petite fille est fière comme tout et s’empresse de demander à son papa de mettre la toile en bonne place dans sa chambre. Une mamie s’arrache péniblement à l’étreinte de sa première petite-fille. Dans l’entrée, sa grande fille et sa troisième petite-fille l’attendent pour gagner le charmant hôtel où elles ont retenu une chambre. Toute à sa légèreté rafraîchissante héritée de son appartenance à la génération marquée par la liberté soixante huitarde, la mamie avait proposé d’emmener à l’hôtel également la première petite-fille. Il avait fallu toute la persuasion d’une tante et d’une maman pour faire entendre raison à numéro un pour laquelle les paroles de sa mamie sont comme les paroles de l’Evangile et la présence aussi précieuse que le diamant bleu, la malédiction en moins!

Il est minuit et demi quand les parents de trois éteignent les lumières dans leurs chambres. La maman est ennuyée. Elle a oublié de rappeler la marraine pour qu’elles fassent le point sur les textes qui seront lus à la messe. Un volet bat. Il n’est pas accroché. Elle a du mal à trouver le sommeil. Dans les chambres, trois petites filles et deux petits garçons dorment tranquillement. Tous les adultes se sont organisés pour passer la nuit ailleurs de façon à ne pas peser un peu plus sur le poids de l’organisation. Elle leur en est infiniment reconnaissante.

Dimanche 8 mai. Comme elle est heureuse de découvrir, depuis la fenêtre de la salle de bains, un magnifique ciel bleu! Elle s’habille avec un vieux jean et file dans la cuisine mettre la dernière touche aux préparatifs. Elle prie pour que les enfants dorment le plus longtemps possible. Elle sort tous les ingrédients indispensables à la réalisation des canapés: oeufs durs, rondelles de concombres, olives noires, asperges vertes, oeufs de lump, tranches d’édam, tomates cerises, radis et crevettes roses. Elle a juste posé sa première pellicule de beurre salé sur sa première tranche de pain de mie quand la porte de la cuisine s’ouvre et que les belles boucles d’or des cheveux de son neveu apparaissent. On dirait le petit prince. Elle lui demande d’avoir la gentillesse de monter regarder un dessin animé. Il lui demande « Azur et Asmar » qu’il aime tout particulièrement. Elle est ravie de le lui mettre. Elle a un faible pour les univers de Michel Ocelot et elle a craint un instant qu’il ne préfère les héros braillards de la chaîne Gulli.

9h30. Les enfants ont pris leur petit-déjeuner. Les canapés prennent le frais. Les chambres sont en vrac, les enfants en pyjama, hirsutes, pas débarbouillés. Numéro deux et son cousin, au-dessus de l’évier, équeutent les fraises. Le papa de trois et sa nièce, déjà à mi-parcours entre fin de l’enfance et début de l’adolescence, se lèvent en même temps. Dix heures, une grand-mère vient de garer sa voiture sur le parking. Elle est tout sourire et prend en charge l’habillage des enfants, après avoir déposé sur un large plateau les pochons de dragées et confié à sa fille le cadeau de son petit-fils: l’ensemble cuillère/fourchette en argent qui appartenait à sa grand-mère paternelle et qu’elle a fait graver aux initiales du futur baptisé. Tous les cousins sont heureux de porter leur médaille de baptême. Une tante, tout de blanc vêtue, éclatante comme toujours, part chez le pâtissier récupérer la pièce montée. Elle est flanquée de trois cousines. La marraine arrive par le portillon vert. Elle est superbe! On dirait Jackie Kennedy! Pour faire bonne mesure, son mari porte un maillot  de bain aux couleurs Elmer. Les enfants s’en amusent. Le parrain est chicissime dans son costume en lin beige. Depuis son retour des îles, il s’est mis en mode barbe et cela lui va très bien.

Onze heures vingt. Comme toujours, votre chroniqueuse a réussi péniblement à voler cinq minutes pour se changer, se maquiller et se coiffer. Elle a eu la très regrettable idée de se laver les cheveux le matin même et maintenant elle ressemble au prince Harry mais avec les cheveux mi-longs! Pas grave, c’est numéro trois, le héros du jour, pas elle! Son fils vient de découvrir la médaille que sa marraine et son parrain lui ont choisie. Elle représente l’alpha et l’oméga, le début et la fin de toute chose, les signes représentés sur les cierges. Il est ravi! Il la regarde briller sur sa chemise blanche. Le temps passe à toute vitesse!

Sur la place de l’église, on rejoint une mamie, une tante, une petite cousine, un grand cousin et des amis. Le Père Marcel fait durer la messe. Les drapeaux tricolores et la gerbe de fleurs attirent l’attention sur le monument aux morts. La semaine dernière mourait le dernier poilu de la grande guerre. Il avait cent dix ans. Ce matin, on commémore la fin de la seconde guerre mondiale et mardi ce sera les trente ans de l’accession au pouvoir par François Mitterrand.

La messe est finie. L’assemblée se disperse. On échange quelques mots avec certains fidèles. Le Père Marcel porte une aube sur laquelle sont représentés un épi de blé et un coquelicot. Les enfants viennent le saluer et se présenter. La petite Cerise, avec sa main de Fatma autour du cou, lui dit : »Tu sais, Marcel, j’ai un sou pour toi ». Tous les enfants s’installent sur le premier banc à droite de la travée centrale. La cérémonie débute. Le Père Marcel accueille tous les membres. Toutes les grandes religions monothéistes sont représentées. La maman de trois et sa soeur chantent ensemble le « Comme un enfant ». Elles ont manqué de temps pour répéter. Elles passent de l’air de « Comme un oiseau » de Marie Myriam au concours de l’Eurovision en 1977 au « Fais comme l’oiseau » de Michel Fuguain! Au troisième couplet, la maman de trois réalise qu’elles ont sabré le couplet. Alors, on attaque le refrain. Moment de flou à sa droite et ça repart cette fois avec l’air de la chanson! Il était temps! La maman doit venir lire le psaume 22 et elle attaque une lecture de l’Evangile! Elle a perdu le psaume 22! Sans transition, le parrain passe à la lecture de Saint Paul apôtre aux Corinthiens et la marraine lit le magnifique « Des pas sur le sable » de Ademar de Barros. Les prières d’intention sont lues par une tante et un cousin.

Numéro un va recevoir l’eau du baptême. Sa maman le tient dans ses bras. Sa marraine pose sa main sur son épaule droite. Son parrain tient dans ses mains le linge qui servira à lui essuyer les cheveux et le visage. Sur son front, le Saint Chrême fait briller encore plus la belle bosse qu’il s’est faite hier matin. Ses deux soeurs sont invitées à venir remplir la vasque avec une bouteille d’eau bénite. Numéro trois est incroyablement calme, attentif, comme recueilli, conscient de ce qui se passe, de ce qu’il vit. Autour de lui, tous les autres enfants de l’assemblée sont à l’écoute. Le Père remet au jeune baptisé le cierge et tous les enfants sont invités à venir allumer le leur à celui de numéro un qui, en cet instant, est rattrapé par sa malice et son instinct grégaire et transforme le cierge en épée.

On a une pensée pour tous ceux qui nous ont quittés et dont la présence silencieuse continue d’éclairer nos vies: des pères, des grands-pères, des grands-mères, des cousins et une toute jeune fille. Le Père offre aux soeurs de numéro trois de signer les registres. Numéro deux qui commence tout juste à attacher les lettres entre elles se concentre de tout son être pour écrire son prénom.

On voulait convier le Père à déjeuner mais il est déjà attendu ailleurs. Derrière ses traits et sous son humour parfois décapant, on voit se dessiner un autre visage: celui d’un ami cher, très cher, natif du Burundi et vivant à Toronto. En ce jour particulier, il est dans le coeur des proches de numéro trois.

Quand, la nuit venue, les parents de numéro trois se sont couchés, ils étaient fatigués mais comblés car peu de choses les rendent plus heureux que les visages souriants de tous leurs proches ayant passé un moment d’échange et de partage. La maman, elle, avant de plonger dans des profondeurs inconscientes, s’était dit que leur fils avaient une immense chance: celle d’avoir été adopté par une femme et un homme aussi riches de valeurs que sa marraine et son parrain et qui pourraient le nourrir de tout ce que son mari et elles n’étaient pas. Elle a, aussi, songé à ses deux filleules et au fait qu’elle serait toujours là pour elles. Enfin, elle a repensé à une partie de la prière pour leur enfant qu’elle a écrite à l’occasion du baptême: « Nous te demandons, Seigneur, de nous aider à accompagner notre fils tout au long de sa vie, à trouver les mots justes quand il aura besoin d’être encouragé, les mots tendres quand il aura du chagrin, les mots d’amour éternel quand, finalement, un jour, comme ses soeurs, il quittera la maison pour construire sa vie d’homme libre. Pense bien, alors, si d’aventure, ce jour venu cela s’avérait difficile, de nous rappeler que nos enfants ne nous appartiennent pas, que s’ils sont de nous, ils ne sont pas à nous. Ils nous traversent. C’est tout et c’est déjà un immense beaucoup! »

La maman de trois avait souhaité des tiges de blé vert en symbole de la Foi qui grandit au rythme de la croissance du jeune baptisé. Il y aura maintenant cet arbre planté en terre d’Israël, présent d’une amie pour le meilleur ami de son fils.

Ce matin est arrivé le paquet que sa marraine destinait à leur fils. Le code postal n’était pas le bon. Le colissimo avait voyagé une petite semaine, dans le Loiret, avant de trouver la bonne boite aux lettres. La boucle s’était bouclée. Les boucles finissent toujours par se boucler. Quant au jeune héros du jour, il a reçu de Laurent, un ami avec lequel son papa travaille et qui est très investi dans la communauté juive un cadeau incroyable: une véritable boite à outils de grands! Il la conservera longtemps!

Anne-Lorraine Guillou-Brunner

1 commentaire sur “Chronique baptismale

  1. Comme d’habitude…merveilleux de plaisir à te lire.
    Merci pour ce partage.
    S’agit-il de l’église de SainT Germain de Prés (loiret) ?
    Bises
    Catherine

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