chronique en forme d’expérience yogesque

Si vous avez suivi mes aventures précédentes, avec le sérieux qui s’imposait, et que vos neurones sont aussi bien huilées que celles de Sharon Stone, vous devez vous rappeler qu’à l’âge de vingt ans, je découvrais le grand amour. Je tombais amoureuse, et le verbe est, finalement, bien choisi car, en effet, la chute fut brutale. Vous me direz que tout ceci est, pour une toute jeune adulte de vingt automnes, d’une banalité affligeante. J’en conviens, mais, et sans vouloir faire culpabiliser rétrospectivement celui qui devait m’infliger cette cruelle déception, et faire passer mes pensées du bleu céleste au noir cauchemar, mon pauvre cœur était désormais marqué comme l’est l’érable par l’entaille de la hache du bûcheron canadien.  A vingt ans, le cœur est tendre comme une petite pousse printanière. Ensuite, bien sûr, on  continue de souffrir, le cœur est encore mal mené, au fil des cristallisations sthendaliennes, mais la brûlure est différente.

 

Comme un grand nombre d’amoureuses, ma soif de l’autre était sans limites. Pour atteindre un degré de complicité absolue, il fallait donc que toutes ses passions deviennent miennes pour que nous échangions comme si nous en étions déjà à fêter nos noces d’or. Je ne devais pas avoir perdu tout sens commun, puisque je ne m’essayais quand même pas, aux arts martiaux les plus violents. Je décidais de limiter mes expériences physiques au yoga dont j’ignorais tout. Il ne s’agissait pas de yoga tantrique dont je découvrais l’existence sur le tard, et dont les positions, magnifiquement sculptées dans la pierre des temples hindous, permirent aux royaux sujets de la couronne britannique de faire, ou parfaire,
leur éducation sexuelle, mais d’un yoga très pur, pratiqué à domicile, par un yogi qui, dans mon souvenir, ne parlait que l’hindi et l’anglais et devait, vaguement, ressembler à Salvador Dali. Il avait vraiment tout de l’ascète tel que nous en rencontrerions mon mari et moi, en Inde et au Népal, lors de notre long périple autour du monde. Les cours étaient dispensés en semaine, le matin. Ils avaient lieu dans un salon si vaste que nous nous y sentions perdus. Nous étions étendus sur des tapis. Des femmes, peintes par Elisabeth-Louise Vigée Le Brun, nous observaient, et je me demandais ce qu’elles pouvaient bien penser de cette bande étrange constituée, pour la plupart, de femmes américaines. Comme
la veille, je m’étais, généralement, couchée fort tard, j’avais toutes les peines du monde à me concentrer sur les postures ordonnées par le maître. Je luttais, pied à pied, pour ne pas me ridiculiser tout à fait aux yeux bleus de celui qui justifiait ma présence matinale et, aussi, pour ne pas sombrer dans un sommeil profond et sans doute paradoxal.

Cette expérience ne dura pas, car je n’étais pas encore mûre pour le yoga. Je préférais courir, danser, nager, ou bien encore, muscler mes bras avec mon Code civil et mon Code du commerce, utilement recyclés en haltères. Bref, dépenser ma trop grande énergie différemment, plutôt que d’appendre à la canaliser et à me détendre en profondeur, par une saine maîtrise de mon souffle. C’est bien des années plus tard que j’y suis revenue et, maintenant, je ne peux plus m’en passer. Au bout de plusieurs années d’une pratique régulière, c’est tout l’être qui se modifie. Depuis que nous habitons sur un plateau, perdus au milieu des champs de maïs, de blé et de colza, je pratique le yoga, dans l’une des salles municipales d’un tout petit village. Nous sommes moins d’une quinzaine par groupe, et nous comptons, dans nos rangs, un seul homme qui se trouve être le maire de Gy. Le professeur pratique un yoga qui ferait hurler les puristes puisqu’aux postures traditionnelles se mêlent des exercices employés en sophrologie, en pilates, même, des techniques empruntés aux ateliers de théâtre, pour apprendre à avoir confiance en l’autre. A chaque séance, au moment de la relaxation, l’un des yogi amateur s’endort tout à fait. La preuve que le professeur est bon et que la séance a porté ses fruits. Jusqu’à ce jour, le meilleur professeur que j’ai eu, était une vieille dame anglaise, répondant au doux prénom de Beryl. Elle soignait autant le corps que l’esprit. J’ai suivi son enseignement, car cela en était vraiment un, lorsque j’étais enceinte de mon deuxième enfant.

Si vous en êtes d’accord, je voudrais me livrer avec vous à une expérience, consistant à vous prouver les bénéfices, d’une pratique régulière du yoga. Avant toute chose, ce serait merveilleux si vous écoutiez une musique douce. L’Alamaba song des Doors ne semble pas le choix le plus judicieux. Rien de tel, en revanche, qu’une musique d’ambiance avec chants d’oiseaux, ressac des vagues et bruissement du vent dans les arbres. Vous allez commencer par détendre le haut de vos épaules et faire de petits cercles avec votre cou. Ensuite, vous étirerez vos bras au-dessus de votre tête en les passant sur les côtés. Redescendez-les en soufflant longuement, très longuement, comme si vous vouliez expirer jusqu’à la dernière bulle d’air de vos poumons. Si vos jambes sont croisées, décroisez-les. Posez vos pieds bien à plat sur le sol. Etirez votre colonne vertébrale comme si vous
aspiriez à toucher le plafond avec votre crâne. Bien sûr, c’est une image ! Quand vous commencez à vous sentir un peu relâché, imaginez une très belle plage. Prenez celle de votre choix. La mer ou l’océan qui la baigne n’ont aucune sorte d’importance pour le bon déroulement de l’exercice.
Moi, par exemple, je choisis la plage de Palolem, dans le petit état de Goa, situé dans le Sud de l’Inde, et dont le sable est mouillé par les vagues de la mer d’Oman. Elle me plaisait énormément cette plage, désertée par ses hordes traditionnelles de touristes, pour cause de 11 septembre 2001. Une fois que vous avez localisé mentalement votre plage favorite, vous vous étendez sur le
sable. C’est la raison pour laquelle, je m’empresse de vous déconseiller les plages de galets ou de sable grossier, de même que les étendues atlantiques couvertes de varech et autres algues gluantes et odorantes. Si vous n’avez pas envie d’abandonner votre corps directement sur le sable, pas de problème. Sortez une natte ascétique ou une serviette éponge moelleuse à souhait. Relâchez tout votre corps, du haut du crâne  jusqu’aux doigts de pieds, en passant par la mâchoire, la langue et les fesses. Pour le nombril et les lobes d’oreilles, il faut un certain entraînement ! Sentez que vous vous enfoncez dans le sable.

Quand vous êtes parfaitement installés, imaginez une bouteille.

 Non, pas celle-là ! Repoussez cette image ! Pensez plutôt à celle-ci.

 Vous la remplissez de toutes les pensées qui tournent en boucle dans votre tête et qui bloquent vos énergies. Quand vous vous en êtes débarassés, vous refermez la bouteille et
vous la jetez à la mer. Vous la voyez flotter et s’éloigner de plus en plus loin, à la faveur des vagues et du courant. Puis, vous ne la voyez plus. Elle a disparu. Vous appréciez ce
moment. Quand vous vous sentez prêt, vous bougez les extrémités de votre corps lentement. Vous étirez vos bras et vos jambes. Vous écartez vos doigts. Vous grimacez et, enfin, ouvrez les yeux. Si vous n’êtes pas parvenu à laisser partir la bouteille, pas de panique ! Cela m’arrive souvent ! Ceci dit, la bouteille est, parfois, si remplie que je m’étonne qu’elle ne coule pas directement à pic.

 Les cours de yoga en tout genre, ayant fleuri aussi sûrement, que les boutons sur le corps et le visage d’un enfant frappé de varicelle, soyez vigilant avant de vous lancer. Certains
m’ont rapporté leur pratique d’un yoga dans des conditions extrêmes. Il s’agit de réaliser les postures, dans une pièce où règne une température avoisinant les 40 degrés. Les exercices deviennent périlleux tant le sol est glissant. Cette forme de yoga, pratiqué en zone artificiellement tropicale, aurait, pour vertu première, de permettre au corps de s’assouplir davantage. J’ai oublié de demander aux inconditionnels de ce yoga, qui fait économiser un aller/retour Paris-Madras en période de mousson, et d’éviter de respirer l’air vicié des terminaux d’aéroports internationaux en pleine pandémie de grippe porcine, devenue mexicaine, pour complaire à la filière porcine,  avant d’être baptisée
« A » ou « H1N1 » pour calmer les Mexicains et faire plus « le virus est sous contrôle, le vaccin est pour demain », si les sangsues, fréquentes en zone chaude et humide, étaient, elles aussi,  au programme.

Quoi qu’il en soit, que cette Ascension à venir soit l’occasion, pour vous, de vous détendre. De mon côté, voici à quoi j’aspire pour mes 90 ans !

 Anne-Lorraine Guillou-Brunner

 

 

 

 


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