Chronique de l’Epiphanie

 

adoration des rois mages.jpgL’ambassadeur de France quitte Téhéran. Les rois mages arrivent à Bethléem. Ils ont été précédés par les bergers. Les enfants les ont installés devant la crèche. Gaspard, Melchior et Balthazar sont prosternés devant l’enfant Jésus et déposent à ses pieds l’encens, l’or et la myrrhe. Le trio a allumé trois petites bougies. Une bonne odeur de vanille se répand dans le bas de la maison. La maman de trois propose aux enfants de réaliser ensemble la galette des rois. Dans la mâtinée, avant que leur papa leur transmette  tous les secrets de son poulet à la tomate, ils accueillent son offre avec enthousiasme.

 

 

 

nenuphars.jpgIl fait gris mais trop doux pour un feu de cheminée. La pluie tombée en abondance ces derniers jours a détrempé l’herbe du jardin et la terre des petits chemins. La maman a été obligée de changer l’itinéraire de la sortie en vélo avec la grosse boule de poils. Les pommiers sauvages ont perdu tous leurs fruits. Ils forment une ronde autour des pieds des arbres. La mare est triste sans ses nénuphars.

 

 

 

couronne.jpgLes enfants ont déjà sacrifié à la tradition de la galette à la garderie et à la cantine. Numéros un et deux ont eu la chance de tomber sur la fève et sont rentrées à la maison triomphantes avec leur magnifique couronne posée sur la tête. Numéro trois est dépité ! Lui aussi aurait voulu avoir la fève, être roi, porter une belle couronne. Sa maman essaie de lui expliquer qu’il l’aura sans doute la prochaine fois. Ce qu’elle tait, c’est qu’elle trichera et fera en sorte que ce soit lui qui l’ait !

 

 

 

spiderman-1967-1er-episode_2rv8h_1rxp45.jpgAprès le déjeuner, la maman appelle les enfants pour la galette. Finalement, seule son aînée répond et est partante pour mettre la main à la pâte. Numéro deux et numéro trois ne veulent pas quitter les aventures de Spiderman dans sa version originale, celle de 1967. La grande fille ceint autour de sa taille un tablier et utilise un crayon de couleur vert pour relever au-dessus de sa tête ses longs cheveux blonds. Elle dépose sur la table tous les ingrédients : les deux rouleaux de pâte feuilletée, le beurre mou, le sucre, la poudre d’amandes, le sachet de sucre vanillé, les œufs et un pot de compote pomme/poire. Elle n’a jamais encore essayé de faire elle-même la pâte feuilletée mais sa mère lui a raconté plusieurs fois que son arrière grand-père qui adorait cuisiner et souffrait d’insomnies chroniques, donnait des tours à sa pâte, la nuit, tous les quarts d’heure. Elle a opté pour une recette avec de la compote pour insuffler un peu de légèreté à la frangipane. La petite fille mélange longuement et méthodiquement le sucre, le beurre mou, les œufs et la poudre d’amandes. Quand sa maman lui offre de la relayer car elle sent qu’elle est fatiguée, elle refuse catégoriquement. En haut, numéro deux et numéro trois ne perdent pas une miette des aventures de l’homme-araignée. La grosse boule de poils est allongée entre la table et le four, au plus près des deux apprenties pâtissières. Elle se moque bien de les gêner, voire de menacer leur équilibre. Elle revendique pleinement son tempérament de « pot de colle ».

 

 

 

peau-dane.jpgDans la tête de la maman résonne l’air et les paroles de la chanson du cake d’amour. En famille, pendant les vacances de Noël, un après-midi très neigeux, ils ont revu une fois de plus l’inoxydable « Peau d’âne ».

 

 

 

pate-feuilletee.jpgDans la recette trouvée sur Internet, il est dit d’étaler une première couche de compote sur la pâte, de la couvrir de frangipane et de finir par un second étage de compote. A un moment, la maman est en proie à une terrible hésitation : faut-il ou non faire cuire légèrement à blanc la pâte avant de la  napper de compote et de frangipane ? La pâte ne risque-t-elle pas de rester crue et d’être tout à fait indigeste ? Elle se précipite dans son bureau, pianote sur son ordinateur et ne trouve rien sur une pré-cuisson de la pâte.

 

 

 

feves2.jpgLa petite fille étale compote et frangipane comme prescrit dans la recette. Dans une collection de fèves qui compte une trentaine de sujets, la petite fille en choisit trois, un pour chaque enfant. C’est elle qui place les fèves. Elle espère vraiment que son petit frère en aura une. Comme la compote est assez liquide, le mélange se répand sur toute la largeur de la pâte et l’opération qui consiste à couvrir le premier disque de pâte avec le second et d’en souder les bords hermétiquement s’avère complexe et de la compote s’échappe. La maman se rappelle que l’unique fois où elle a fait une galette maison, elle avait utilisé des poires fraîches coupées en petits dés qu’elle avait posées sur la frangipane. Elle avait aussi ajouté des morceaux de chocolat noir. Avec des poires fraîches, elle n’avait pas eu de mal à refermer la galette. La petite fille dessine des rayures sur le dessus de la pâte avec les dents d’une fourchette et dore au jaune d’œuf la galette. Elle ouvre la porte du four et y glisse son beau soleil renaissant pour une durée de vingt minutes.

 

 

 

jeu-echec-en-bois.jpgUne bonne odeur envahit la maison. La galette est cuite. La jeune pâtissière la sort du four. On la laisse un peu refroidir avant l’heure du goûter. La famille s’attable. C’est numéro un qui découpe les parts. La lame du couteau a heurté une des trois fèves. Elle continue comme si de rien n’était. La maman n’a pas eu le temps de faire en sorte que numéro trois est sa fève. Elle distribue les parts. Au bout d’une bouchée, numéro deux tombe sur une sorte de poisson exotique et s’auto proclame « reine ». Très vite, numéro un cale et abandonne dans son assiette sa part de galette. Seul les parents et numéro trois viennent à bout de leur morceau de soleil et aucun d’entre eux ne peut coiffer une couronne. Numéro trois est terriblement déçu. Son papa réussit à lui faire oublier la fève en lui offrant de disputer une partie d’échecs. Le petit garçon ravale ses larmes, essuie du revers de la main celles qui ont déjà coulé sur ses joues encore hâlées par la semaine montagnarde et part chercher le jeu paternel.

 

 

 

galette.jpgTrès persévérant, le soir, au dîner, il est le seul à réclamer un morceau de galette. La maman est certaine d’avoir glissé dans son assiette une part recélant une fève. Les filles l’encerclent, guettant le contenu de chaque bouchée. Mais, la maman s’est trompée ! Pas de fève ! Il va laisser exploser sa colère. Il est en passe de repousser avec humeur son assiette et il se ravise. Il réfléchit et dit : « ce n’est pas grave ! Je l’aurai demain matin ! »

 

 

 

napoleon_1.jpgCe matin, autour de la table du petit-déjeuner, le petit garçon est encore le seul à demander un morceau de la galette maison. Cette fois-ci, c’est la bonne et il découvre, noyée entre frangipane et compote, une fève figurant un melon coupé en deux. Il est heureux, très heureux ! Un grand sourire creuse de délicieuses fossettes au milieu de ses joues. Il réclame sa couronne, s’en coiffe et va s’admirer dans la glace de l’entrée.

 

 

 

roule galette.jpgSi vous avez bien suivi cette histoire de galette, vous saurez qu’il reste encore une fève à découvrir et vous ne serez pas surpris de savoir que certainement, ce soir, au moment du dîner, numéro trois voudra à nouveau tenter sa chance !

 

 

 

 

 

Anne-Lorraine Guillou-Brunner