Chronique de la vingt et unième fenêtre du calendrier de l’Avent

 

Garçon et la vache.jpgA la vingt et unième fenêtre du calendrier de l’Avent, il pleut encore et toujours. La pluie forme des rus qui ruissellent le long des chemins. Elle dessine des arabesques maladroites sur les carreaux. Elle transperce le cuir des chaussures et trempe les chaussettes des enfants. Elle désespère les femmes qui, à l’approche des fêtes de fin d’année, sont nombreuses à sortir des salons de coiffure. Elle voit fleurir, au-dessus des têtes des dames d’un certain âge, ces fichus en plastique transparent, ersatz aux parapluies dont on peut se demander s’il n’est pas de leur essence même d’être oubliés partout ! La terre ne parvient plus à absorber la pluie. Les champs se transforment en rizières.

 

 

 

enfant jésus.jpgA la vingt et unième fenêtre du calendrier de l’Avent, les rois mages ont avancé de quelques millimètres en direction de la crèche. L’enfant Jésus est toujours endormi entre un plat à cake et des tasses à thé, sur le premier rayonnage du vaisselier. Numéro deux a demandé si, le 25 décembre, elle pourrait le coucher dans la paille. Les jacinthes achetées au traditionnel marché de Noël de l’école organisé par l’APE déplient leurs fleurs. Numéro trois est très fier de la sienne. C’est la plus épanouie des trois.

 

 

 

Mac Farlen.jpgA la vingt et unième fenêtre du calendrier de l’Avent, la maman de trois a commencé à écrire quelques cartes de vœux. Dans un bureau de poste, elle espérait trouver de jolis timbres représentant des scènes de la nativité. Il n’y en avait pas, alors elle a opté pour une planche de légumes verts. Elle déplore la disparition de cette tradition et se rappelle que sur l’île du Sud de la Nouvelle-Zélande, un vieux monsieur d’ascendance écossaise, tour à tour délicieusement espiègle et affreusement colérique, demandait à la dame chargée de veiller sur lui de suspendre sur des fils tendus dans les airs, toutes les cartes reçues des quatre coins de la planète. Un feu crépitait dans la cheminée. Il suivait les programmes historiques de la BBC tout en sirotant un verre de sherry.

 

 

 

Pere_Noel_Finlande.jpgA la vingt et unième fenêtre du calendrier de l’Avent, les cadeaux sont tous entreposés sur les marches d’un escalier dont l’accès est désormais interdit. La clef de la porte est cachée dans une boite à outils. Certains n’ont pas encore été emballés. Les livres attendent la dédicace qui les rendra unique. Dans cette maison, tous les enfants croient ou veulent encore croire en l’existence du Père Noël. Numéro un qui a eu neuf en septembre n’en démord pas. Numéro deux, du haut de ses sept ans et demi, rapporte que, dans la cour de récréation, on se moque de ceux qui pensent encore que le Père Noël existe. Pour numéro trois, âgé de cinq ans, le doute n’est pas permis : le Père Noël habite en Laponie. Il fabrique les jouets avec une armada de lutins. Le moment venu, il s’envolera dans le ciel installé dans son traîneau tiré par des rennes robustes. Dans son manteau rouge et blanc, il n’aura pas froid et si, d’aventure, il venait à croiser le petit Michka marchant seul, il l’installerait à ses côtés et, ensemble, ils trouveraient un petit enfant ravi de découvrir au pied du sapin un ours brun même s’il a déjà eu une première vie auprès d’un enfant qui était si gâté qu’il avait oublié son existence.

 

 

 

L'hiver dans les Hautes-Vosges. - Nos Bucherons travaillant dans la Forêt par les grandes Neiges.JPGA la vingt et unième fenêtre du calendrier de l’Avent, la maman de trois se désole de voir le bel épicéa perdre ses épines. Cette année, elle avait souhaité un épicéa plutôt qu’un nordmann car l’épicéa exhale cette délicieuse odeur de résineux. Quand on ferme les yeux, on peut s’imaginer quelque part dans les Vosges, marchant dans une forêt plantée de hauts sapins. Elle avait également souhaité qu’il ait des racines, qu’on puisse le replanter. Leur unique tentative pour replanter un sapin s’était soldée par un échec. Cet hiver-là, il avait fait très froid. Le petit sapin n’avait pas résisté. Elle se rappelle les cheveux d’ange qui étaient restés prisonniers de ses bras et les oiseaux qui venaient s’y percher. Elle est triste car, de toute évidence, l’épicéa est déjà mort. Parfois, on entend le son mate d’une décoration de Noël qui chute sur le parquet. Il est si sec qu’au moindre frôlement ses épines tombent en cascade. Le sapin est exactement comme elle les aime, c’est à dire un sapin décoré en famille et non un de ces sapins photographiés pour les numéros spécial Noël des magazines de décoration. Ce n’est pas un sapin or et rouge ou bleu et argent. Il est de toutes les couleurs et chaque sujet raconte une histoire.  Il y a les deux petits bonshommes de neige offerts par leurs « parents » canadiens, Mary et Hank, venus les voir dans le Gard après qu’eux-mêmes aient séjourné chez eux dans le village de Powell River en Colombie britannique, de petits objets en bois que la maman de trois avait achetés quand elle habitait encore à Paris, le petit lapin en pâte à sel blanche piquée de baies roses, cadeau d’une maîtresse des enfants, des boules réalisées par les filles à l’école.

 

 

 

terrarium_lg.jpgA la vingt et unième fenêtre du calendrier de l’Avent, c’est le dernier jour d’école des écoliers. Hier, ils ont eu leur repas de Noël à la cantine. Numéro trois est rentré à la maison avec un sachet contenant des chocolats et une clémentine en lieu et place de la traditionnelle orange des Noëls d’antan. Après le dîner, il a accepté de partager le Père Noël avec numéro deux. Avant de croquer dans le corps creux du Père Noël en chocolat, il l’a déshabillé en lui enlevant son costume en papier coloré. Cette après-midi, l’APE leur offre un goûter en présence du Père Noël. Pour une raison qu’elle ignore, la représentation du spectacle de Noël aura lieu en février. Ce matin, on a pris le temps de souhaiter de bonnes fêtes aux enseignants, à une merveilleuse ATSEM, aux dames qui occupent si bien les heures extra scolaires des enfants qu’ils ne sont jamais pressés de rentrer à la maison quand on vient les chercher. Hier, numéro deux a décidé d’offrir à sa maîtresse, également directrice, la carte de vœux fabriquée le jour-même avec l’institutrice du jeudi, la jeune femme qui fait la classe le jour de décharge. Ce matin, la maman de trois a longuement discuté avec l’institutrice de numéro trois lequel, hier, a eu la très bonne idée, avec un petit camarade, de tirer si fort sur le terrarium que celui-ci s’est fendu déversant sur le sol le sable et ses petits résidents. A la rentrée, il faudra le remplacer.

 

 

 

gauguin1.jpgA la vingt et unième fenêtre du calendrier de l’Avent, elle sait qu’elle écrit la dernière chronique de l’année 2012 et maintenant elle pense tout particulièrement à un petit camarade de numéro un, un enfant qu’elle a vu grandir depuis qu’ils habitent ici, un enfant dont la modestie et la gentillesse dissimulent une intelligence supérieure et des dons immenses. Elle pense à lui car, aujourd’hui, c’était son dernier jour à l’école. Début janvier, il s’envolera avec sa maman pour Tahiti. Il y retrouvera un papa en mission depuis déjà plus d’une année. La maîtresse a eu une pensée délicate. Elle a acheté une grande carte et, tandis qu’elle avait imaginé une mission pour son élève, tous ses camarades mettaient à profit son absence pour lui écrire un petit mot. Ce départ n’est pas un adieu. Après de nombreux déménagements sous les Tropiques, la maman avait été heureuse de s’installer durablement dans la région. Elle aspire à revenir et à retrouver sa maison et ses repères. La maman qui écrit ses lignes est très émue. Il n’est pas un départ qui ne réveille chez elle la douleur toujours vive de tous ses départs à elle, toutes ses petites morts. Son émotion est d’autant plus réelle qu’elle se sentait très proche de cette maman, une de ces rares femmes avec lesquelles on ne peut pas tricher, faire semblant d’aller bien quand ça ne va pas, se dissimuler derrière un masque social, une femme qui va au fond des êtres et des choses. A la fin des vacances scolaires, elle sait que durablement elle s’attendra à trouver, devant le porche de l’école, sa grande silhouette haute en couleurs, ses casquettes originales. Durablement, elle espèrera entendre sa voix ensoleillée et son rire communicatif. Voici longtemps, elles s’étaient promises une soirée entre « filles ». Le temps a passé. La promesse n’aura pas été tenue. On attendra le retour de Tahiti !

 

 

 

Jgeorges_de_la_tour_nativite_bergers-216ca.jpgoyeux Noël à tous !

 

 

 

Anne-Lorraine Guillou-Brunner