Hier, cela faisait une semaine que nous regagnions le plateau après notre tour de 300 kilomètres du Finistère Sud en vélo. Le chat resté seul trois jours avait été ravi de nous retrouver. L’herbe avait poussé généreusement dans le jardin et la chaleur dans la maison témoignait de ce que le thermomètre avait récemment perdu la tête. La veille de notre retour, notre fils, qui n’avait pas souhaité nous accompagner en Bretagne et partait avec des amis dans les Landes, nous avait appelés pour s’assurer qu’il n’avait rien oublié de faire: arroser les plantes, remettre de l’eau fraiche dans le seau noir sous les canisses pour le chat, vider la poubelle, la machine à laver la vaisselle, éteindre le fer à repasser…Tout était parfaitement en ordre! Nous avions la joie de découvrir que les fleurs de l’orchidée s’étaient ouvertes et que les pieds de tomate étaient couverts de petits fruits délicieux.
En quelques jours, le chant de l’océan, l’odeur de l’iode, les plages s’étirant à perte de vue, les massifs d’hortensias, les chemins creux, les petites chapelles, les calvaires granitiques, les bateaux soumis aux caprices de la marée semblent déjà loin. Cela faisait presque deux ans que nous n’avions pas été dans le Finistère. La dernière fois, c’était à la Toussaint 2022. Victoire et Louis étaient de l’aventure. Fantôme et Cookie étaient demeurés avec notre maman. Nous avions loué à Bénodet et essuyé deux tempêtes. Un matin alors que j’allais saisir le lever du soleil au Letty, j’avais été malheureuse de découvrir le corps sans vie d’un petit dauphin noir. Il gisait sur le flanc posé sur un lit d’algues brunes.
Bien avant le départ, Stéphane qui avait conçu notre itinéraire et trouvé nos points de chute avait passé beaucoup de temps à rassembler tout le matériel de camping, faire des réparations sur nos vélos, en dénicher deux d’occasion pour les filles, acheter des sacoches pour tout le monde. Le 1er août, la voiture n’aurait pas démérité dans la caravane du tour de France: trois vélos sur le toit et deux accrochés sur le coffre. Je me demandais ce que notre Fantôme aurait pensé de notre équipage. Retenu à Paris, Antoine, l’amoureux de Céleste, nous rejoindrait par le train à Concarneau le vendredi matin. La voiture avait avalé avec application les 589 kilomètres et fait le dos rond lors de la traversée si interminable de la Beauce. Avant d’arriver au camping de Vieux Verger à Névez, nous étions passés par Pont-Aven. C’était une sensation curieuse pour nous de revoir le Finistère sous le soleil. Pour les filles, c’était une première.
Après avoir monté les tentes, gonflé les tapis de sol, déroulé les sacs de couchage, enfilé nos maillots de bain, nous enfourchions nos vélos et partions à la plage de Raguénez rebaptisée plage de Tahiti en raison de son sable blanc et de ses eaux turquoises. Nous nous sommes longuement baignés dans une eau dont la température devait péniblement atteindre les 17°. L’avantage avec l’eau froide, c’est qu’au bout de quelques minutes le corps est parfaitement insensibilisé.
Tandis que nous dînions de notre premier plat de coquillettes au beurre du séjour, je me disais que le camping n’est pas une histoire de revenus mais souvent un art de vivre, une volonté de se sentir libre en échappant à la logistique du quotidien. Si on peut changer de lieu tous les jours, promener sa maison au gré de ses envies tel l’escargot sa coquille, nombreuses sont les familles qui reviennent au même camping d’une année sur l’autre. Les parents et les enfants se sont fait des amis qu’ils se réjouissent de retrouver. On profite les uns des autres de manière très simple. Certains camping-cars ou grandes tentes sont décorés avec des guirlandes lumineuses. Les hommes et les enfants sont affectés à la vaisselle et à la lessive. Chiens et chats sont nombreux à suivre leurs familles en vacances. Dans la plupart des campings, tout le monde se salue et propose son aide. L’ambiance est familiale.
Alors que le ciel commence à rosir, nous enfilons des pulls et partons admirer le coucher du soleil depuis la pointe de Trevignon. Nous marchons jusqu’au phare blanc et verre. Les silhouettes des promeneurs se détachent en ombres chinoises. Le spectacle est magnifique. Nous nous asseyons sur des rochers et observons le soleil glisser derrière la ligne d’horizon. Le vent couvre les voix et fait danser les cheveux. Au retour, les filles font la course en tête. Étendus sous nos tentes, nous ne doutons pas de passer une nuit merveilleuse tant tout est calme. A une heure du matin, un cri déchire le silence suivi de pleurs. Une petite fille semble avoir fait un cauchemar. Ses parents s’efforcent de la rassurer. Elle pleure de plus en plus fort et est désormais en colère. Je pense aux parents qui doivent être si désolés de réveiller tout le camping. On entend le bruit émis par les fermetures éclairs quand on veut ouvrir les entrées des tentes. Tirés brutalement de leur sommeil, les campeurs en profitent pour aller aux toilettes ou guetter le passage d’une étoile filante. La petite fille finit par se calmer. Les pleurs cessent. Le calme revient. Le lendemain matin, une femme d’origine indienne m’interpelle depuis la haie. C’est la maman de la petite fille. Elle souhaite s’excuser pour le bruit. Je la rassure et lui souhaite que la nuit à venir soit plus tranquille.
La nuit a été très fraiche. Le thé chaud est réconfortant comme les premiers rayons du soleil. Nous aidons Stéphane à tout charger dans le coffre de la voiture. Nous nous séparons. Il part chercher Antoine à Concarneau tandis que les filles et moi ferons la route en vélo. Nous nous retrouverons au camping du Moulin d’Aurore. Au lieu de prendre par le bord de mer, le GPS fait passer Céleste par la départementale. Les voitures roulent vite. Cela me rappelle notre tour de l’île du Sud de la Nouvelle-Zélande où, à l’époque, aucune piste n’était aménagée pour les cyclistes. Une fois que le groupe est au complet et que Stéphane a été garer la voiture, nous pédalons jusqu’à la petite plage de la presqu’île du Cabellou située non loin de la chapelle saint Fiacre. On ne peut pas s’en douter mais, voici 80 ans, elle a été transplantée de Riec-sur-Belon jusqu’ici. Saint Fiacre était un moine irlandais dont le culte est vivace en Bretagne. Il est le patron des jardiniers et des cochers. De jolies maisons entourées de jardins luxuriants ont un accès direct à la plage.
En fin d’après-midi, nous prenons le bac qui mène à la Ville close, cité fortifiée des XVe et XVIe siècles. Elle est le coeur historique de la ville qui s’est progressivement développée autour de l’îlot. Elle regorge de boutiques de souvenirs, de crêperies et de cafés. Victoire et Céleste se rappellent très bien leur visite au musée de la mer et d’être montées sur un ancien chalutier. Le soir, nous nous régalons de pizzas à la pâte merveilleusement fine. Avant de se coucher le trio dispute des parties de cartes à la terrasse du café du camping.
Le 3 août, jour d’anniversaire de notre maman bravant la chaleur humide gardoise, le ciel est gris. Nous avons été réveillés par les mouettes. Cela nous change des tourterelles turques. Ce matin, nous avons pour destination un camping à la Forêt-Fouesnant. Nous enchaînons les montées et les descentes sous la pluie jusqu’au moment où nous arrivons en face de la montée que je redoutais. Elle est si raide que Stéphane cherche un moyen de la contourner. Nous voici maintenant à avancer cahin caha sur un chemin de randonnée, à devoir porter les vélos lourdement chargés car le relief est accidenté et à éviter les racines qui ne manqueraient pas de nous faire tomber. Nous prenons tous sur nous pour ne pas nous emporter. Stéphane et Antoine ont la gentillesse de s’occuper des vélos des filles et du mien pour négocier les passages les plus difficiles.
Sortis de ce mauvais pas, nous laissons les vélos sous des palmiers et allons déjeuner au café du camping où nous aurions dû passer la nuit. Le trio croque avec délice dans des hamburgers. Céleste se met à rêver jacuzzi et piscine chauffée. Rassasiés, nous nous remettons en scelle et gagnons un camping à la ferme, le camping de Leanou. Il ne pleut plus mais nous sommes ruisselants. Nos baskets sont trempées. A l’accueil, la propriétaire, petit bout de femme sec portant des cheveux blonds très courts, a des airs de maître-nageur ou de professeur de ski. Elle nous conduit à notre emplacement. Timidement, le soleil revient. Nous allons prendre des douches et étendre nos vêtements dans la buanderie. Le soir, nous sommes heureux de contempler le coucher du soleil depuis la grande plage de Kerneuc.
Le soleil est revenu. Nous serions volontiers restés ici un jour de plus pour laisser à nos affaires le temps de sécher et profiter des grandes plages mais l’emplacement est réservé. Nos baskets toujours mouillées, nous pédalons en tongs! Nous gagnons vite le nouveau camping à Bénodet. Notre campement installé, Stéph et le trio vont profiter de la piscine. Nous allons pique-niquer au Letty. C’est un endroit assez étonnant. Depuis la route, on gagne une première plage bordée par de vieilles maisons en pierres et un camping. A marée basse, la mer se retire et on peut alors traverser pour atteindre la grande bande de sable blanc donnant sur l’océan. Il fait très chaud au soleil. Avec Stéphane et Victoire, nous entrons dans la mer et laissons le courant nous ramener à l’endroit d’où nous sommes partis. Par moments, l’eau est très chaude offrant un contraste saisissant avec les courants froids. Au retour, le niveau de la mer a beaucoup monté et le courant est fort. Nous avons de l’eau jusqu’aux fesses. Un nombre impressionnant de petits crabes se promène entre nos orteils. Des crêpes à la Paillote et une bolée de cidre pression dans les rayons du soleil et nous regagnons le camping. Le soir, Stéphane nous invite à dîner dans le restaurant Les voiles Bénodet où nous nous régalons notamment d’un ceviche de daurade. Nous levons nos verres à nos 25 ans de mariage et à la joie de partager ce séjour en vélo avec les filles et Antoine. Au retour, nous montrons aux enfants l’hôtel qui appartenait à la femme d’un cousin de notre grand-père et dans lequel en septembre 1998, Stéphane avait organisé des fiançailles. L’hôtel abrite désormais un bar à la déco balinaise. Cela semble être « the place to be ».
5 août, nous traversons des endroits qui me sont familiers depuis ma naissance: le village de Pleuven ou la forge à Clohars-Fouesnant, lieu de naissance de notre grand-père et du reste de sa fratrie. La forge avait été transformée en un restaurant gastronomique qui a lui même cédé sa place à un bed and breakfast. Distraite, ma roue arrière s’enfonce dans la terre humide du bord de la route. Je fournis un gros effort pour ne pas perdre l’équilibre et tomber sur le macadam. Une douleur aigüe vient torpiller le bas de mon dos. Je respire profondément pour ne pas m’évanouir. Je dois être blanche comme un linge. Une dame adorable qui jardinait devant sa maison me demande si j’ai besoin de quelque chose, si je veux m’arrêter chez elle. Je la remercie et lui dis que le mieux est que je continue tant que mes muscles sont chauds. Je ne sais pas du tout ce que j’ai mais à chaque fois que je pose le pied par terre ou que je tourne le bassin, la même douleur revient. C’est une chance, sur le vélo, je ne souffre pas!
L’arrivée au camping municipal de Quimper situé sur les hauteurs de la ville est stressante car nous sommes obligés d’emprunter des axes sur lesquels les voitures roulent vite. Par ailleurs, le relief est très accidenté. Nos maisons ambulantes installées, nos douches prises, nous partons à Quimper. Beaucoup de touristes, de vieux Bretons excédés par l’augmentation des incivilités auxquelles ils n’étaient pas exposés par le passé et, aussi, ce sentiment assez net d’être envahis. Ça et là, pendant notre périple, nous lirons des tags très virulents à l’adresse des touristes et plus précisément des Parisiens. Je viens dans le Finistère depuis ma naissance et c’est la première fois que je ressens une telle hostilité. Victoire m’accompagne visiter une exposition au musée départemental breton sur les sports nautiques tandis que le reste de la bande se repose dans les grands coussins installés dans la cour du musée. Une délicieuse crêpe place au Beurre et nous retrouvons notre camping.
Nous attendons que la pluie ait cessé pour sortir des tentes et aller prendre notre petit déjeuner. La pluie est l’ennemie du campeur! Arrêt à Intersport pour le pédalier du vélo de Céleste et dans une boulangerie pour acheter des sandwichs. Nous empruntons une voix verte très agréable. Nous sommes à couvert des arbres et pique-niquons près d’un moulin. A Douarnenez, le camping se trouve sur les hauteurs. Une vieille bretonne tout sourire et marchant de guinguois nous accueille et nous montre notre emplacement. Petit tour au bord de la mer où un vent frais nous retient d’entrer dans l’eau. L’ambiance est sympathique au camping. Un papa apprend à sa petite fille à jouer au ping-pong. Il est très pédagogue. Le lendemain matin, nous allons déambuler entre les allées du marché situé près du port. Beaucoup de maraichers locaux, de grands étals de poissons, crustacés, charcuterie et pâtisseries cent pour cent pur beurre. Je repense au gâteau breton dont notre oncle avait dû hériter le secret de son père. Un délice avec une tasse de café! Il est trop tard quand je découvre qu’on pouvait admirer 84 estampes d’Henri Rivière.
La camping de Pors Peron situé à Beuzec-Cap-Sizun nous plaît beaucoup. Il est tenu par de jeunes trentenaires aussi dynamiques que sympathiques. Ils réservent toujours des emplacements pour les cyclistes et les randonneurs. Nous montons les tentes près d’un cours d’eau à l’ombre de grands arbres. Céleste et Antoine se désignent pour faire tourner une machine (il est plus que temps). Stéphane a tendu de grands fils et tout le linge va sécher au vent. Les pièces les plus épaisses auront besoin de passer par le sèche-linge. Joie de retrouver des vêtements sentant bon le frais! Tandis que Victoire s’est endormie, Céleste, Antoine, Stéphane et moi descendons à la plage. Céleste et Antoine bravent le froid pour aller jouer dans les rouleaux. J’ai trop mal au dos pour m’y risquer.
Ce matin, nous mettons le cap sur Plovan-Tregoat. En chemin, nous nous arrêtons pour pousser la porte de vieilles chapelles et admirer les vitraux. Nous décidons de nous ravitailler à Pont-Croix que je ne connaissais pas. Nous découvrons une très belle ville qui, par certains côtés, peut faire penser à Pont-l’Abbé. Avant l’ensablement de la rivière et de son port et la construction d’un pont à Audierne, la cité était prospère avec ses foires et ses marchés. Dans la très belle église Notre-Dame-de-Roscudon, un groupe mixte entonne des chants religieux. Une exposition retrace l’histoire du pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle.
Nous déambulons dans les ruelles pavées et entrons dans la maison dite du Marquisat qui abrite un musée du Patrimoine tenu par des bénévoles. La maison a été magnifiquement restaurée. L’escalier à vis est superbe. Nous y admirons le travail d’Anna Lemoine Gray, peintre, et de Tom Fecht, photographe. Tous deux ont travaillé à partir des paysages familiers du Cap Sizun invitant les visiteurs à la rêverie et à la réflexion. Il est tard. Nous avons faim. Nous achetons un poulet bio fermier et de délicieuses pommes de terre au marché. Nous nous installons non loin de l’église et nous régalons de ce repas de luxe tout en bavardant avec un homme adorable, un Nordiste, visitant le Finistère avec ses petits chiens.
Le ciel se charge quand nous arrivons au camping municipal de Plovan. Très peu de tentes et des camping-car garés en rond. Beaucoup d’Allemands et de Hollandais. Nous apprendrons que voici vingt ans, le camping donnait sur la plage mais qu’il a été obligé de reculer tant cette dernière est grignotée par la montée du niveau de l’océan. Nous apprendrons aussi qu’avant, seules des familles sous tente s’installaient ici. Depuis que le lieu a été référencé sur des sites de camping-cars étrangers leur nombre a explosé. Le trio profite amplement des vagues. La mer remonte à toute vitesse obligeant les sauveteurs à déplacer régulièrement les piquets portant les drapeaux indiquant le périmètre surveillé. Le courant est fort. Les nageurs sont vite déportés.
De retour au camping, Antoine engage la conversation avec Sébastien qui rentre de la plage avec une planche de surf sous le bras. Sa compagne et lui viennent ici depuis dix ans avec leurs deux enfants. Ils ont sympathisé avec d’autres couples et ils se retrouvent tous les étés. Sébastien est kiné, ostéopathe et également formé à la médecine chinoise. Aurélie travaille au musée archéologique du lac de Paladru. Grenoblois, ils vivent dans le Trièves. Stéphane leur parle de son projet et de ma douleur. Je n’aurais jamais osé le faire. Sébastien m’invite à me manipuler sur un tapis de fortune et a la gentillesse de glisser sous ma tête son oreiller. La scène est parfaitement surréaliste! Céleste fait des nattes africaines à Anna, la fille de Sébastien et Aurélie. Avant que nous ne dînions, Sébastien vient m’apporter un fauteuil pliable pour que je peine moins. Nous aurons sans doute l’occasion de nous revoir.
Neuf août, il pleut quand nous nous réveillons. Hier soir, avant d’aller se coucher, Victoire a eu l’excellente idée de mettre à l’abri nos sacoches sous son auvent. Notre tente n’en possède pas. Seuls des maillots de bains sont restés suspendus à la poignée des vélos. Tout à l’heure, nous serons au camping de Penmarc’h et, malheureusement, Antoine n’ira pas visiter le magnifique phare d’Ekmühl. Le trio prend par le sentier côtier. Nous restons sur la route. Nous voici dans la baie d’Audierne, paradis pour les oiseaux. Nous nous arrêtons devant les vestiges de l’usine de concassage de galets. Pendant la seconde guerre mondiale, l’occupant allemand s’est intéressé à la dune de galets de dix kilomètres de long et de cinq mètres de haut allant de La Torche à Penhors. Une usine a été construite. Les galets ont servi à la construction des blockhaus mais aussi du mur de l’Atlantique courant du Cap Nord à Hendaye. Après la guerre, l’usine servira à reconstruire les routes du Finistère et la ville de Brest détruite à 75%.
Le trio arrive un peu après nous. Il a fait une halte dans une supérette. Céleste, Victoire et Antoine ont peiné sur le chemin côtier les pneus des vélos s’enfonçant dans le sable. Les tentes montées, nous prenons la direction de la grande plage de Pors Carn. Bonheur de se baigner. Victoire, fatiguée, renonce à surfer. Elle nous offre une crêpe et un verre de cidre avant que nous allions voir Céleste et Antoine évoluer dans les vagues.
A l’entrée du camping se trouve une paillote qui propose des petits déjeuners, une restauration simple et des boissons. Ce soir, le propriétaire organise un concert de rock. C’est une première! Nos tentes sont juste à côté. Tandis que nous dînons, le groupe répète. Plutôt que de subir la musique, nous décidons de les écouter et, surtout, d’observer les spectateurs. Très vite, des gens de tous les âges viennent danser devant la scène. Un colosse barbu avec des dreadlocks danse comme s’il était dans une bulle. Une petite fille de cinq ans se démène avec ardeur. Je suis impressionnée par son énergie et son sens du rythme! Tandis que le groupe marque une pause, nous marchons jusqu’à la plage et y restons un long moment à admirer le ciel étoilé, le croissant de lune et à guetter le passage d’étoiles filantes. Stéphane et Antoine se livrent à des expériences avec leurs téléphones portables. Il est minuit et demi quand le concert s’arrête après que les musiciens et la chanteuse aient été rappelés à plusieurs reprises et qu’ils aient joué deux fois le titre de Trust Antisocial repris en choeur par les spectateurs brandissant des poings levés.
10 août, nous sommes les derniers à quitter l’emplacement réservé aux randonneurs et aux cyclistes après un petit déjeuner pris à la Paillote. Le propriétaire est très heureux du concert et s’amuse d’avoir un peu bousculé les habitudes de certains fidèles du camping. Il va faire chaud. C’était à la une du Télégramme hier. Notre étape du jour est vite parcouru. Nous nous installons à l’ombre d’un arbre du camping des Sables Blancs et déjeunons une fois que ce que nous avons commandé est prêt. Les propriétaires ne sont pas agréables et les gens sous tente ne les intéressent pas. Nous allons nous baigner alors que la marée remonte. Le trio emprunte un ballon à un groupe de jeunes et va jouer au volley dans l’eau. Nous les laissons pour aller nous promener dans le village de Lesconil et faire quelques courses pour le dîner. En plus de son port, de son chantier naval, de ses églises, de son phare, de son four à goémon, Lesconil peut se vanter de posséder une croix des amoureux. Elle est la réplique de celle du Moyen Âge, brisée en 1925. Le socle, restitué par les anciens propriétaires fonciers, est d’origine. Selon la légende, les fiancés qui se rendent au pied de la croix font le serment d’être fidèle et échangent leur premier baiser. Une version plus dramatique raconte que des jeunes gens auxquels leurs parents refusaient le mariage se sont donné la mort au pied de la croix.
Après le dîner, nous allons nous installer dans un bar-tabacs-presse-PMU pour suivre la finale du match de basket opposant l’équipe de France à l’équipe américaine. C’est la première fois que j’assiste à un match dans une telle ambiance et c’est vraiment très sympa, comme de voir une comédie en se sentant porté par les rires dans une salle de cinéma. Les habitués sont debout au comptoir. Les gens de passage sont assis. Je suis dérangée par l’agressivité des joueurs américains, leur côté pitbull. Victoire qui, tous les jours, relaie pour nous le décompte des médailles, s’enflamme. Nous avons envie de penser que les Français pourraient l’emporter et nous détestons Stephen Curry dont les points marqués font voler en éclats les rêves de médaille d’or des Français et pleurer le jeune Victor Wembanyama. Retour au camping sous un ciel magnifiquement étoilé avec des vélos peu éclairés.
Avant-dernier jour de notre périple. Nous sommes de retour au camping du Trez à Concarneau. C’était la journée la plus chaude. A Loctudy, nous avons pris le bac pour l’Île-Tudy. Nous sommes passés devant la maison que nous avons plusieurs fois louée à la Toussaint, une maison à laquelle sont associés de merveilleux moments en famille et avec des amis. Les fenêtres des chambres étaient entrouvertes. Madame L devait avoir ses enfants. Nous avons pris le chemin qui longe l’océan et donne sur les polders avant d’arriver à Sainte Marine. Écrasés par la chaleur, nous nous sommes affalés sous un chêne près de la petite église.
En traversant le pont de Cornouailles qui enjambe l’Odet, nous avons tourné le dos au pays bigouden. Au camping du Trez, nous avons pu suivre la finale du match de basket opposant les Françaises aux Américaines. Comme c’était rageant de voir l’équipe tricolore passer à côté de la médaille d’or à un point! Dîner à l’Effet Mer de délicieuses galettes. Depuis le bar du camping, nous avons regardé la cérémonie de clôture des JO. Au début, nous étions peu nombreux et progressivement la salle s’est remplie. Au comptoir, l’ambiance était très festive! Un monsieur s’est approché de Victoire. Une jambe plâtrée, il cherchait sa béquille. Antoine a rejoint Victoire. Le monsieur a commencé à leur raconter qu’il avait été serveur dans un restaurant très chic de Bénodet et que l’été, il allait aux Glénan en ski nautique. Il a a ensuite expliqué dans quelles conditions rocambolesques il s’était cassé la jambe: des adolescents, enfants d’amis, lui auraient fait consommer des champignons mexicains alors qu’il faisait griller de la viande sur un barbecue. A la suite de quoi, il aurait été victime d’un AVC. Ce monsieur dont j’ai oublié le nom est un authentique comédien et nous rions beaucoup. Son histoire terminée, il salue Victoire, Céleste et Antoine et s’en va rejoindre des camarades au comptoir. Quand nous regagnons notre emplacement, Antoine, qui a une peur panique des araignées, demande à Stéphane d’inspecter leur tente car, tout à l’heure, il y a découvert un magnifique spécimen. Il fait nuit noir. Stéphane s’éclaire avec la lumière de son portable. On se croirait dans la forêt amazonienne. Tout est sous contrôle. Pas de bête velue à proximité.
Dernière étape. Il pleut quand nous nous levons. Hier, déjà, en raison de la très grosse chaleur, on entendait gronder le tonnerre. Nous savons que cette étape sera physiquement difficile puisque nous repassons par la Forêt-Fouesnant. Très vite, nous nous séparons. Le GPS de Stéphane lui conseille de traverser le camping dans lequel nous nous étions restaurés le jour où il pleuvait à verse. Mauvaise pioche! En sortant du camping, nous nous retrouvons sur le fameux GR si difficilement praticable. Nous sommes contraints de remonter par un chemin très raide. Comme mon dos me fait souffrir quand je marche, je m’accroche à mon vélo et n’en descends que lorsque nous avons fini de grimper. Il est déjà tard. Nous déjeunons à la terrasse d’une boulangerie. Les vendeuses sont adorables. Les montées n’en finissent plus. Arrivés à Concarneau, nous optons pour la Ville close et le bac. Contrairement à Stéphane qui se faufile entre la masse des touristes comme un motard dans un embouteillage sur le périphérique parisien, je suis obligée de mettre pied à terre. Trop de monde. Nous ne pouvons pas monter dans le bac. Nous attendons la prochaine rotation sous un soleil de plomb. Le trio aura plus de chance que nous. Nous retrouvons notre emplacement au camping du moulin d’Aurore. Après que Stéphane soit allé récupérer sa voiture, il me conduit dans un centre médical flambant neuf installé au-dessus d’une pharmacie. Un jeune médecin pétri de certitudes diagnostique un lumbago et me prescrit des anti-inflammatoires. Je me rappelle que c’est ce dont a souvent souffert notre maman après que ma venue au monde trop rapide ait fragilisé son dos.
Dans mon post Instagram du jour du départ, voici ce que j’écris: Après onze jours, notre périple à vélo dans le Finistère sud est en passe de s’achever. Quel bonheur de partager ce moment avec nos filles et Antoine, de découvrir des lieux que nous ne connaissions pas et de retrouver des endroits familiers! Ce soir, autour de délicieuses pizzas, Victoire nous a demandé de confier un caillou et une pépite. Au registre des cailloux, des erreurs d’orientation, des réveils sous la pluie, la réparation laborieuse d’un câble et d’une gaine de passage de vitesse pour casser la poignée, une crise de lumbago aigu à partir du quatrième jour. S’agissant des pépites, des bains dans les rouleaux, la découverte de Pont Croix, le surf à Pors Carn, le courant du Letty, un délicieux dîner à Bénodet, une partie de Scrabble surréaliste, un concert de rock improbable, des ambiances très familiales dans les campings, les matchs de basket, les couchers de soleil et les étoiles filantes. Vivre en pleine nature, renouer avec des gestes simples, se dépenser tous les jours, cela fait un bien fou! Hormis un couple charmant originaire de Grenoble et des amies randonneuses retraitées, nous étions les plus âgés sous tente!
Après le dîner, nous allons admirer le soleil basculant derrière la ligne d’horizon, respirer l’air iodé et écouter le chant de l’océan. La lumière est dorée. Nos dos s’abandonnent à la chaleur du muret en pierre. Un voilier, au mouillage, donne envie de se jeter dans une traversée de l’Atlantique. Un papa pêche plus d’algues que de poissons. Depuis son fauteuil pliable, sa petite fille est absorbée dans la lecture d’un album de Picsou. Une maman vient les rejoindre. Je saisis ce baiser échangé sur la plage. Une bien belle image pour refermer l’album de notre séjour!
Anne-Lorraine Guillou-Brunner
Merci d’être la mémoire infaillible des nos moments partagés !
Merci, mon chéri, d’avoir pris le temps de lire le récit de nos aventures. On repart bientôt!
Merci de m’avoir recommandée la lecture de votre blog ! Vous êtes beaucoup plus sportive et aventureuse que moi ! Nos escapades se passent pour nous avec un vélo électrique pour moi et un lit où dormir chaque soir car j’ai beaucoup trop mal au dos pour envisager le camping ! Mais l’important est d’être dehors au maximum à découvrir des paysages inconnus et rencontrer de nouvelles personnes chaque jour ! À bientôt de vous lire et bonne rentrée !
Chère Cécile, je vous remercie d’avoir pris le temps de me lire. J’espère que vous conserverez d’agréables souvenirs de votre aventure. Puisque vous m’avez lue, vous savez qu’à partir du quatrième jour, j’ai souffert d’un lumbago diagnostiqué la veille de notre retour…Pas très amusant. Je vous souhaite une agréable rentrée et vous dis à très bientôt.