Chronique autour de la capacité humaine capitale: la confiance

Après avoir traversé seule ou en famille un certain nombre d’épreuves, vécu l’aventure du mariage depuis bientôt vingt ans, transmis à des étudiants des connaissances en droit avant de me former au métier de sophrologue tant pédagogique qu’analytique, vu déjà bien grandir nos trois enfants de quinze, quatorze et onze ans, je peux certifier que la capacité humaine essentielle, celle autour de laquelle tout s’articule et devient possible est la CONFIANCE. La confiance a un double visage puisqu’elle est confiance en soi et confiance en l’autre. Si je ressens en moi ce bloc fort de confiance, je peux m’aimer à ma juste valeur. Si je peux m’aimer parce que je sais mes qualités, mes réussites, je peux aimer l’autre et je l’aime parce que je lui fais confiance.

Voici quelques semaines, j’ai lu le livre du philosophe Charles Pépin sur la confiance en soi, un philosophe ultra médiatisé qui peut légitimement agacer par son côté touche à tout. J’ai tant aimé la lecture claire de son ouvrage, ses exemples lumineux, que je me suis dit que si j’étais encore professeur j’aurais invité mes étudiants à le lire ou leur en aurais lu des passages. Charles Pépin montre avec simplicité que la confiance en soi repose avant tout sur les encouragements, la capacité à prendre des décisions et le travail. Plus je travaille et plus je progresse. Plus je progresse et plus je me sens en confiance et capable de repousser mes limites tant intellectuelles que physiques. Si je manque de confiance en moi, je vais vite trouver des stratagèmes pour ne pas travailler et vais souffrir de procrastination. Cela commence dès l’école primaire et se renforce au collège et au lycée menaçant l’élève d’échec et de décrochage scolaire. Si je manque de confiance en moi, je risque de ne pas me sentir assez fort pour me jeter dans la bataille ou alors courir le risque de faire du mieux que je peux. Vient alors le grand sabordage! Je préfère ne rien faire. Puisque je n’ai rien fait je ne peux pas m’en vouloir ou plutôt je peux me dire que c’est normal puisque j’ai sciemment programmé mon échec…Beaucoup d’enfants, d’adolescents et d’adultes fonctionnent sur ce mode. Il frappe aussi les orgueilleux qui ont souvent une image dégradée d’eux-mêmes.

Enfant et adolescente, j’ai ainsi refusé d’essayer certains sports car j’aurais voulu les maîtriser tout de suite. Ma confiance en moi n’était pas assez solide pour que j’ai les ressources de passer par l’étape de l’apprentissage fait de tâtonnements, ratages et frustrations pour, ensuite, quand on s’accroche, quand on est combattif être récompensé avec les débuts d’un sentiment de maîtrise. Dyslexique, née dans une famille où la réussite scolaire était fondamentale et les études supérieures brillantes un passage obligé, j’avais déjà fort à faire dans ce domaine pour aller chercher à me mettre encore un peu plus en danger dans d’autres disciplines. Comme beaucoup de dyslexique, je souffrais d’un manque de coordination évident de mes mouvements et ai su très tard distinguer ma droite de ma gauche.

A cinq ans, dans la piscine hors sol posée sur la plage de Fréjus, je pensais ne jamais réussir à apprendre à nager. A l’époque, les maîtres nageurs étaient aussi délicats que des parachutistes du 2ème REP de Calvi et leur niveau de psychologie de l’enfant aussi peu développé que chez un ancien militaire du Cadre noir! Dans mon malheur, j’ai eu de la chance. Notre père a été nommé à la Martinique et l’eau est devenue un élément naturel. Ma carrière de petit rat n’aura pas été au-delà de la première séance. Quand toutes les petites filles, impeccables dans des tutus roses avec leurs cheveux retenus en un chignon sage, tournaient à gauche, j’étais la seule, à la coupe de garçon manqué, à aller à droite. Backstage, notre grand-mère maternelle qui avait fait toute sa carrière à l’Opéra de Paris riait en songeant à ce que son amie Claude Bessy, directrice de l’école de danse, aurait pensé en me voyant. Je tenais plus du vilain petit canard que du gracieux petit rat!

Bien plus tard, âgée de trente ans, j’ai dû apprendre à conduire et là encore les problèmes de latéralisation, la difficulté à faire travailler ensemble mais différemment bras et jambes et à penser gauche et droite m’ont mis dans des états d’angoisse terrible. Pas le choix! Paris, ses transports en commun et mes longues déambulations tant nocturnes que diurnes étaient derrière moi. J’ai réussi à conduire mais de longues années j’ai roulé la boule au ventre. Je continue d’être persuadée qu’un jour c’est au volant que ma vie s’arrêtera… Vivre avec cette pensée n’est pas très confortable! Notre père avait une angoisse profonde de la conduite que, contrairement à moi, il n’a pas été obligée de combattre jour après jour. Je pense qu’il me l’a transmise. Ma soeur, elle, est comme notre mère. Toutes deux aiment conduire et ma soeur est aussi à l’aise au volant d’une Mini que d’une camionnette pieds nus ou avec des chaussures à talons aiguilles. La peur de la conduite traduit un besoin de maîtrise très fort. Si, au volant, je peux maîtriser mon véhicule, je subis la conduite des autres conducteurs que ne ne peux pas contrôler et qui, trop souvent, me font peur ou m’exaspèrent.

Derrière la plupart des problèmes dont souffrent mes patients se cachent un déficit de confiance (plus ou moins fort) allant de pair avec un besoin de reconnaissance. Plus les parents ont été exigeants, voire maltraitants physiquement et moralement et incapables d’encourager leurs enfants et plus ces derniers doutent d’eux-mêmes. Devenus adultes, ces enfants non ou mal considérés par des parents jamais satisfaits peinent à échapper à leur emprise. La moindre remarque désagréable de leurs parents les fragilise et les infantilise. Ils sont du « pain béni » pour ces patrons pratiquant ce management à la Française consistant à ne jamais voir que ce qui n’a pas été fait ou insuffisamment fait et pouvant aller jusqu’à l’humiliation publique. Habitués aux brimades dès leur plus jeune âge, ayant eu des professeurs incapables de les encourager, ces adultes continuent de se soumettre à des supérieurs castrateurs. Ils sont persuadés qu’ils ne méritent pas d’autre traitement.

Quand on a été professeur, on sait que c’est par les encouragements répétés et cette confiance dont on les investit qu’on donne aux élèves, aux collégiens, aux lycéens et aux étudiants les moyens de déployer leurs ailes. Rares sont ceux qui se transcendent à la schlague. C’est une méthode encore largement employée dans le sport à des niveaux de compétition. Piquer le sportif pour le faire réagir et obtenir qu’il donne le meilleur de lui-même. Une pluie de critiques ou de cris fait se rétracter le cerveau. Les connaissances se figent. L’élève ne sait plus rien. La peur l’anesthésie. C’est ainsi qu’en Martinique, Madame G., une institutrice chabine aussi belle que sadique, s’amusait à m’humilier au tableau parce que je n’entendais rien aux maths dits modernes. Elle se défoulait sur moi des traitements cruels que les Blancs avaient durablement fait endurer à ses ancêtres réduits en esclavage. J’étais une enfant de six ans. Je payais pour un passé monstrueux qui ne m’était pas imputable. D’humiliations en coups de règles reçus sur le bout des doigts, mon cerveau s’est tout à fait fermé aux mathématiques. Alors que j’étais élève en classe de terminale A2, notre professeur de maths, maire d’un village, s’est invité dans le cours de notre professeur de philosophie, Josette, pour donner publiquement lecture de l’appréciation qu’il avait portée sur mon dernier bulletin: « Le blocage aux maths relève de l’analyse ». Il semblait très satisfait de lui…Plus tard, j’ai entrepris un travail personnel mais, franchement, je n’ai pas ressenti le besoin de chercher à ouvrir à nouveau mon cerveau aux maths! Et, pourtant, la bosse des maths m’a toujours fascinée! Elle me semblait de loin plus attractive que les marques laissées sur les doigts par les coups de règle!

Etre jaloux des personnes que rencontre sa compagne ou son compagnon ou, à l’inverse, ne pas comprendre que la personne aimée ne nous demande pas de rendre des comptes,  redouter de demander une augmentation de salaire, rêver sa vie, se trouver toujours des excuses pour ne pas affronter certaines situations, rater la balle de match, autant d’exemples qui trahissent un manque de confiance en soi.

La confiance en soi vient soit de l’éducation soit de ce que nous accomplissons à l’âge adulte. Dans un monde idéal, nous devrions tous avoir eu des parents aimants, attentifs, encourageants, positifs; des parents ayant eu un minimum d’ambition pour nous et non pas de l’ambition pour eux au-travers de nous! Combien parmi nous cherchant pourtant à s’écarter du modèle transmis par leurs parents continuent à interroger leurs enfants, si heureux de rapporter une bonne note, sur la note maximale obtenue par un autre élève, les soumettent à une pression excessive ou attendent d’eux que leurs bons résultats les valorisent, commencent par commenter sur le bulletin les remarques négatives au lieu de mettre en avant les bonnes choses? Souvent, sans le vouloir, nous continuons de reproduire les erreurs commises par nos parents avec nous et nos grands-parents et nos arrière-grands-parents…

Quand nos parents n’ont pas su nous insuffler un minimum de confiance en nous, il va falloir nous retrousser les manches, nous armer de courage et de persévérance et aller la chercher nous-mêmes. Elle viendra avec nos premiers sentiments de réussite, les défis relevés, les limites repoussées, les projets aboutis, les décisions prises. Elle viendra car nous saurons apprendre à identifier nos qualités, à repérer nos forces en même temps que nous chercherons à nous améliorer. J’aide les personnes qui viennent me voir à identifier toutes les étapes qui les ont aidées à se construire, à gagner en confiance: réussite à des examens, des concours, promotions, vies de couple, naissance des enfants, engagements sportifs, associatifs ou encore activités artistiques. La confiance naît aussi de ces moments durs que nous parvenons à dépasser: une séparation brutale subie, un licenciement, une maladie grave, un accident, la mort d’un proche…

https://www.youtube.com/watch?v=bq-potK_7Ts

Mon parcours n’a pas été simple mais j’étais très jeune dotée malgré tout d’un minimum de confiance en moi à trouver, peut-être, dans ce que nos parents m’ont attendue pendant cinq ans et que ma naissance a donc été pour eux une immense joie, confiance brute que j’ai pu consolider en luttant pour surmonter tous les obstacles qui se sont dressés sur ma route. Une bonne fée avait eu aussi la gentillesse de me faire cadeau d’une nature optimiste. Ma confiance augmentait après chaque difficulté dépassée. La confiance en soi se nourrit dans l’action et c’est dans l’action que nos angoisses reculent. Plus on repousse la prise de décision, un échange redouté, plus on tarde à se plonger dans un dossier épineux et plus l’angoisse va crescendo. Plus on est angoissé et moins on arrive à se mettre en action. C’est l’image du serpent qui se mord la queue. Alors, un jour, on se jette à l’eau. On a très peur. On se sent tel le funambule, Philippe Petit, évoluant au petit matin du sept août 1974 sur un fil tendu entre les deux tours du Word Trade Center à New York. On a peu de chuter, de perdre pied mais on progresse; on entre dans le dur et l’angoisse se volatilise!

https://www.youtube.com/watch?v=8jov-HMaOPQ

Les parcours laborieux transcendés sont ceux qui font naître la confiance en soi la plus solide. Les parcours faciles permettent d’accéder à une confiance qui peut se révéler très fragile si on n’a pas su affronter l’échec. L’échec est excessivement formateur et, ce, dans tous les domaines. Plus on est confronté à l’échec jeune et plus on est armé pour les épreuves de la vie.  On apprend dans cette expérience parfois si douloureuse qu’on peut se relever plus fort pour continuer sa route. L’échec vécu pour la toute première fois à l’âge adulte peut avoir des répercussions terribles. Notre père en a fait la douloureuse expérience. En tant que parents, il nous revient d’aider nos enfants à vivre les échecs et à les surmonter.

Je dédie cette chronique à deux êtres que j’aime profondément. Le premier est en passe après de longues années d’efforts de voir son entreprise aboutir, une entreprise correspondant à sa nature profonde et synthétisant toutes ses passions. S’agissant du second, je lui fais une confiance absolue s’agissant de ses capacités à traverser l’épreuve si douloureuse qui est la sienne depuis plusieurs semaines tant ses dons sont multiples.

https://www.youtube.com/watch?v=gYkACVDFmeg

Anne-Lorraine Guillou-Brunner

 

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