Chronique à quelques encablures de la Haute-Corse

Ecrit et oral de français, épreuve de philosophie, grand oral, DNB, boum du collège, gala de gym ou de danse, tout ceci est passé. Reste encore ici la fête de l’école avec spectacle des enfants, manèges et défilé aux lampions. Faute de parents courageux pour donner de leur personne, la kermesse ne se déroule plus sur deux jours. Le feu de la Saint Jean a également disparu. Une année, nous avions perdu Victoire, âgée de 6 ans. Il faisait nuit et le lieu où se déroule les festivités est immense et bordé par la forêt. Panique totale! Tous nos amis se sont mis à la chercher. Elle était avec ses camarades. Avez-vous remarqué avec quelle vitesse une maman (mais un papa aussi) est capable de retrouver son enfant? Un été, sur la plage bondée de Calvi, c’est Louis, 4 ans, que  nous avions perdu. Le groupe d’enfants m’avait appelée tandis que je me baignais pour me dire que Louis était introuvable. Nous ne le savions pas encore mais Louis avait une mauvaise vue. J’étais sortie de l’eau comme une furie et mes yeux avaient commencé à balayer la plage comme si j’étais entrée dans le corps de super Jaimie! Je me rappelais que nos parents nous avaient dit que sur une plage un enfant perdu marche toujours dos au soleil. En un temps record, j’avais identifié Louis tandis que le copain de Stéphane, un journaliste, vieux loup de mer sans enfant, n’avait pas quitté sa serviette!

Hier, je suis allée déposer ma pile de crêpes à la salle des fêtes du village où nos enfants ont leur collège. Trois mamans s’activaient à faire de ce moment un souvenir inoubliable après deux années blanches et tristes. D’autres parents arrivaient en renfort. Louis n’avait encore jamais voulu aller à une boum du collège contrairement à ses soeurs qui assistaient à toutes depuis la sixième. Tout à l’heure, je saurai s’il a passé une agréable soirée car les parents de l’une de ses amis gardaient toute une petite bande à dormir. Faire plaisir aux enfants, faire marcher la machine à fabriquer des souvenirs heureux: c’est merveilleux! Combien de fois suis-je revenue carbonisée, les jambes gonflées après avoir tenu un manège à la fête de l’école? Combien de centaines de crêpes pour les boums? Et ce campement inoubliable pour la classe de CM2 et la flashmob que j’avais arrachée aux institutrices qui, dés la bascule dans l’autre école de l’autre côté de l’Ouanne, ne voulaient plus rien faire.

Mardi, à 13 heures, l’avion sera en passe de quitter le tarmac. Nous aurons retrouvé ma soeur, son fils et sa petite fille. Les vacances auront commencé à Orly. Sur place, nous croiserons peut-être la soeur de Stéphane et son mari, leur fille et son copain. Le lendemain, c’est l’avion d’Hugo que nous verrons amorcer son atterrissage depuis la terrasse des 4 as. Je regrette que Louis, le copain de Victoire, ne soit pas de la partie cette année. Il va nous manquer tant, depuis un an, il est devenu un quatrième enfant. Nous serons 3 adultes pour 5 jeunes. Comme je serai heureuse, le matin, quand tout le monde sommeille encore de m’installer face à la vue sur la rade de Calvi, de profiter de la fraicheur, des odeurs puissantes du maquis et de voir tomber les parachutistes de la légion étrangère! Avec ma soeur, tout est fluide: les courses, la préparation des repas, des activités.

Cela fait longtemps que nous ne sommes pas allés en Corse en juillet. Nous partions en août quand la France s’endort. Cette année, nous ne voulions pas obliger notre maman à s’installer dans le Gard pour revenir et repartir. C’est trop fatigant et le prix du carburant devient délirant. Cette année, nous verrons à nouveau le soleil se coucher au-dessus de la mer et le ciel s’enflammer le jour du 14 juillet. Nous irons pique-niquer dans la crique de Maryvonne sous le phare de la Revellata, visiter des villages que nous ne connaissons pas encore comme celui de Belgodère. Il y aura la traditionnelle marche jusqu’aux ruines d’Occi quand le soleil décline, les sorties à Calvi et à l’île-Rousse et les soirées animées sur la terrasse. J’avais promis aux filles qu’avec ma soeur nous irions danser en boite de nuit mais avec mes problèmes d’équilibre, je ne sais pas si j’en serai capable et le Covid flambe à nouveau.

Lundi, une grosse journée. Je vais préparer ma valise ce week-end. Notre maman revient demain avec Miyu la soeur de Cookie qui, très certainement, restera sous le lit à l’étage pendant deux jours avant de reprendre ses marques et de retrouver son frère pour partager des jeux assez viriles. Miyu se dresse sur ses pattes arrières et boxe Cookie comme si elle était un kangourou! La noble Miyu se transforme en chat des rues face à Cookie le débonnaire campagnard. Miyu et Cookie, c’est un peu Duchesse et O’Maley!

Je pars sans savoir encore ce qui, à la montagne, a déclenché vertiges, perte d’équilibre, nausées et acouphènes. Pourtant, j’ai vu en un mois deux ORL, un médecin urgentiste, notre médecin traitant, un kiné vestibulaire et réalisé une prise de sang et une IRM! Pour savoir enfin ce que j’ai eu et qui ne semble pas coller avec une névrite vestibulaire, je serai soumise le lendemain de notre retour de Haute-Corse à une vidéo nystamographie de son petit nom VNG. Cet examen dure une heure et il n’est pas très agréable. Le médecin va provoquer des vertiges. Je ne dois pas avoir beaucoup mangé. Je ne pourrai pas conduire. C’est notre maman qui sera à nouveau en mission. Stéphane reprendra le travail tout de suite. Je vais regarder en quoi consiste l’examen pour m’y préparer avec mes outils de sophrologue. Je n’ai pas envie d’être à nouveau malade.

J’avais promis de raconter notre épopée de lundi jusqu’à Saran. Stéphane nous avait imprimé le plan pour gagner facilement le cabinet du kiné. Notre maman n’a pas de GPS dans sa voiture et mon vieux téléphone n’en a pas plus. Dans tous les cas, mon sens de l’orientation en voiture est lamentable! Nous  nous arrêtons faire le plein et perdons 20 minutes à une pompe car on ne peut se servir en carburant que lorsque le conducteur a payé à la caisse. Notre maman est d’un naturel impatient qu’elle a amplement transmis à ses filles. Elle s’énerve, veut changer de pompe mais elle est bloquée. Enfin, nous partons. Il fait beau. A l’approche d’Orléans, je ne trouve plus le plan comme les lunettes de vue maternelles. Elle s’arrête pour vérifier. J’ai déjà regardé trois fois. On va devoir y aller au talent! Malgré tout, j’appelle Céleste qui tente de nous guider à distance puis Stéphane qui m’envoie la capture d’écran du plan. Nous devons trouver un Burger King ou un Intermarché. Nous finissons par arriver devant le pôle santé Oréliance. Un bon point. Toute la zone immense en travaux est dédiée à la santé. Comment allons-nous trouver l’allée des Sablonnières. On avise une voiture auto-école et le formateur, adorable, nous dit de le suivre. Il nous conduit à bon port. 5 minutes de retard!

Dans la salle d’attente d’un cabinet flambant neuf et délicieusement climatisé, un vieux monsieur, pieds nus, écoute, très fort, des vidéos sur son portable. Dans le couloir, un meuble sur lequel les patients rangent leurs chaussures. On se croirait à la piscine. Le kiné arrive. Un homme longiligne aux cheveux gris du même âge que moi. Il me soumet à plusieurs tests. J’ai l’impression d’être Onze entre les mains du docteur Brenner. Mes résultats ne sont pas concordants. Les acouphènes et la perte d’audition qui sera constatée par un jeune ORL charmant à l’hôpital ne collent pas avec une névrite vestibulaire. Le kiné s’assure que je n’ai pas perdu des sensations sur certaines parties de mon visage et mes membres. Il me montre des exercices à faire et me donne un rendez-vous le 25 juillet.

Nous repartons. Les kinés vont déjeuner. J’avais pensé que nous irions à Orléans nous promener mais maman préfère rentrer. Le retour s’effectue sans encombre. Il est 15h00 quand nous déjeunons et 15h30 quand notre maman repart chez elle pour revenir dimanche.  Nous avons retrouvé sur un banc le plan imprimé par Stéphane, les lunettes et un étui en cuir contenant des cartes Michelin.

Ma chronique illustrée et postée, je vais aller préparer ma valise cabine. J’emporte de quoi écrire, des carnets à dessin, de l’aquarelle et des livres. J’espère terminer un très beau roman Nos espérances d’Anna Hope. Stéphane qui, ce matin, est allé inscrire Louis au lycée en vélo a projeté de faire dessiner les jeunes dans le village. Les mirabelles sont bien formées. Je pourrai faire de la confiture en rentrant. Pour celles et ceux qui ont eu plaisir à suivre les aventures de Muguette pendant plusieurs années, l’aventure s’achève. Voici pourquoi et comment:

Je ne verrai plus Muguette et Pépette. Muguette est, cette fois, allée trop loin en laissant Eugène faire mon procès sans jamais intervenir. Passer son chemin, est-ce renoncer? Vous le savez: j’ai beaucoup appris au contact de Muguette, une femme originale, libre, une jardinière philosophe. J’ai toujours eu beaucoup de plaisir à écouter les aventures d’Eugène, un homme à plusieurs vies. Je recopie ce que j’ai écrit à Alexandra pour lui expliquer ce que Muguette et Eugène m’ont fait vivre, une situation à laquelle j’ai déjà été confrontée par le passé et qui tient au fait que l’affection profonde que je porte à certains êtres me conduit à exprimer des choses que d’autres garderaient pour eux. « Je ne sais pas si tu te souviens que Muguette s’était mise dans une très grosse colère après que je me sois permis de lui dire que je ne trouvais pas raisonnable qu’Eugène vienne boire le café quand sa femme et lui veillaient sur leurs deux petits-enfants ayant le Covid. J’aurais mieux fait de ne rien dire (Muguette est une grande fille et elle a une santé de fer!) mais je m’étais inquiétée pour Muguette et notre maman allait venir à la maison avant notre séjour à Lille. Je n’avais jamais pu revenir sur cet incident avec Muguette et n’avais plus jamais revu Eugène.Lundi, j’entre chez Muguette. Nous échangeons dans la cuisine et Eugène arrive pour son café. Il n’entre pas dans la cuisine et se tient dans la pièce attenante. Je finis par m’adresser à lui et là il part dans une colère terrible me disant que je n’ai pas à dire à Muguette de ne pas le recevoir, que je suis une hypocrite, que les gens ne m’aiment pas. Je m’empresse de lui présenter mes excuses car j’apprécie Eugène et que, en effet, je n’avais rien à dire.

Je m’empresse de lui présenter mes excuses car j’apprécie Eugène et que, en effet, je n’avais rien à dire. Il les rejette et continue à me balancer des trucs vraiment méchants. Muguette, imperturbable, semble au spectacle et tous deux se moquent de moi car j’avais, avant l’arrivée d’Eugène, expliqué à Muguette qu’Arnaud, son petit neveu (qui se prend pour un pilote de F1), a une liste de personnes à prévenir quand il moissonne car les maisons sont en bordure de ses champs. Elle me dit que c’est n’importe quoi, qu’aucun paysan n’a à se soucier des maisons, qu’elle n’a encore jamais entendu une connerie pareille (n’est-ce pas Eugène?). Une année, nous fêtions l’anniversaire de notre neveu et Arnaud avait soulevé une telle poussière et tant de paille qu’il y en avait partout sur la nourriture et que le papa de notre neveu avait fait une réaction allergique très forte…Bien sûr, Muguette n’a pas dit à Eugène que je prenais systématiquement sa défense quand elle cassait du sucre sur son dos et le plaisir que j’avais à l’écouter raconter ses histoires. Tout ceci m’a écoeuré et j’en ai fini avec les postures neutres. Elle a besoin d’Eugène car il est son voisin direct et l’aide pour tout mais doit-elle, pour autant, me faire du mal et donner de moi une image si négative?

Dans un petit récit « Ressac » de Diglee acheté sans le connaitre et que j’ai beaucoup aimé, l’autrice écrit ceci: « L’amour sans dette est si rare, le seul peut-être qui puisse permettre un vrai miracle. « J’ai voulu te donner plus que tu ne pouvais recevoir. Et si l’on est sincère, donner c’est une manière d’exiger », dit un personnage de Beauvoir dans L’Invitée ». Ce petit passage m’a percutée par sa justesse!

Hier soir, je devais aller diner au restaurant avec 3 amies mais j’étais fatiguée. Deux des trois amies sont venues à la maison apportant tout le diner. C’était si agréable d’échanger sur la terrasse sous la glycine qui recommence à fleurir.

Je vous retrouve au retour de la Haute-Corse. Passez un bel été!

Anne-Lorraine Guillou-Brunner

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