Chronique d’une fin d’année scolaire

Ici, c’est vraiment la fin! Quatre écoles de l’école primaire sont rentrées lundi matin d’un séjour équitation ou escalade à Combloux. D’autres ont fait leur sortie de fin d’année. Les élèves de terminale sont entrain de plancher sur les sujets de philo. Demain, Victoire et tant d’autres lycéens composeront en français. C’es dommage que le fait de scanner les copies du bac de philo empêchent les jeunes de passer leur épreuve le matin. Les classes seront très chaudes. Louis et ses amis passent plus de temps à parler de leur week-end boum du collège et nuit sous la tente qu’à réviser les épreuves du brevet. Les parents d’élèves de l’APE des deux écoles doivent finir de préparer la kermesse qui se tient sur deux jours. J’ai toujours été aider le dimanche à l’un ou l’autre des stands ou au rangement. Il faisait souvent très chaud et les enfants se pourchassaient avec des pistolets à eau. Depuis plusieurs années, plus de feu de la Saint Jean. C’est dommage! Un soir, nous pensions avoir perdu Victoire sur l’immense terrain communal. J’étais paniquée! Reste encore le défilé aux lampions avec la fanfare dans les rues, les personnes âgées aux fenêtres et les enfants qui pleurent car le lampion a brûlé.

Hier, la moisson a commencé. Elle est exceptionnellement précoce. Les épis de blé et d’orge sont tout dorés. Les moissonneuses vont tout avaler y compris mes jolis coquelicots dont le rouge est maintenant fané. J’aime tant cette période qui court de la fin du printemps au solstice d’été. Hier, cela sentait si bon le blé chauffé par le soleil! Je pensais à Alexandre le bienheureux. Quel film délicieux! La chanson me fait toujours pleurer tant elle charrie avec elle de nostalgie. J’aime beaucoup la campagne en cette saison. Notre jardin est devenu un petit paradis. Tout y est encore très vert et fleuri. Le magnolia nous offre ses grandes fleurs ivoire avec ses coeurs roses au parfum de cédrat. Je passe du temps à observer les oiseaux: les merles montent dans les branches du cerisier, en font tomber les fruits et les mangent. Un couple de pigeons ramiers boit dans le pédiluve. Le soir, les hirondelles viennent s’abreuver à la surface de la piscine en rase motte. Dans la Gargouille, à Briançon, elles chassaient dans les ruelles. C’est fou comme Briançon m’a fait penser à Pont-Saint-Esprit avec ses maisons aux ocres colorés, ses placettes, son ciel limpide et sa chaleur! Il y avait beaucoup d’Italiens. C’était un très long week-end pour eux avec le jour de la fête nationale.

Je recommence ma petite vie un peu ralentie. Je me rends compte combien cet épisode de vertiges intenses avec nausées et vomissements m’a épuisée. Lundi, je voyais un ORL pour la toute première fois de ma vie et je ne peux pas dire que j’ai aimé cet homme assez suffisant, sans humanité et retranché derrière la technicité froide de ses appareils. Alors qu’il avait vu que j’avais une petite plaie dans l’oreille gauche, il m’a malgré tout enfoncé sans ménagement son bouchon pour tester mon audition. Aucune pédagogie! J’ai su que j’avais une névrite vestibulaire d’origine certainement virale. Rien à voir avec la marche en altitude. Ce médecin m’a fait penser à l’ophtalmo qui nous suit et qui a la locacité d’une carpe. Un de nos copains, Bastien, qui a quitté le village pour retrouver ses Pyrénées natales pratiquait la rééducation des patients souffrant de troubles vestibulaires. Il m’envoyait des patients quand il avait perçu que leur mal être était profond. Il m’a dit que dés mon passage aux urgences on aurait dû me perfuser de la cortisone. Il estimait que je devrais faire de la rééducation alors que l’ORL m’a prescrit un bilan chez une orthoptiste. Encore une IRM mardi prochain avec injection.

Mon oreille siffle encore et je m’entends parler de loin. Je me déplace un peu comme une somnambule. J’ai encore des vertiges. La cortisone commence à agir; j’ai mal dormi. J’ai passé le temps en me récitant des poésies. Hier, après les courses et le train-train habituel, je me suis étendue sur une banquette sous les canisses avec un livre de Marie Sizun: « La maison en Bretagne ». L’action se situe à l’Ile-Tudy que les habitants nomment l’Ile. J’ai adoré retrouver ce petit bout du Finistère sud, du pays bigouden auquel s’attachent désormais de si beaux souvenirs de vacances en famille et avec des amis. J’avais été désolée que nous n’y allions pas à la Toussaint 2020. Ceci dit, c’était bien aussi de découvrir la baie des Trépassés et les enfants s’étaient régalés en surf ou en planche. Depuis la plage, Stéphane ne les quittait pas des yeux avec son appareil-photos.

Je m’étais assoupie quand la sonnette a retenti. Titubante, je me suis levée. Une jeune femme blonde se tenait devant le portillon. J’ai pensé avoir oublié une patiente. Je ne l’ai pas reconnue tout de suite. Elle avait perdu beaucoup de poids. Elle venait me présenter des excuses pour ne pas avoir su écouter les mises en garde que je lui adressais s’agissant de son directeur. Elle avait été arrêtée pendant deux ans. Elle avait les larmes aux yeux. Je l’ai rassurée. On ne peut pas tout entendre et nous avions déjà fait un très grand travail ensemble. M m’a dit que lorsque des amis lui parlaient de ce qu’ils entreprenaient avec des sophrologues, elle se disait qu’avec moi elle avait eu un traitement digne d’un hôtel de luxe mâtiné de maison de famille. M était suivi par des psychiatres depuis longtemps. Elle avait un traitement très lourd. Personne ne l’avait aidée encore à remonter le fil de son histoire. Elle allait reprendre son travail. Elle était étonnée que je me rappelle qu’elle avait un chat et cette odeur qu’elle aimait tante: celle du chèvre-feuille dans le jardin de ses grands-parents. Nous ne nous étions pas revues depuis 5 ans.

M partie, je suis retournée m’étendre sur la banquette avec Fantôme à mes pieds. J’ai fini le roman dont je vous recommande la lecture. J’ai aimé y retrouver le boulevard de l’Océan, la promenade qui va de l’Ile à Sainte Marine, l’épicerie, le port et l’église. Ce roman raconte l’histoire de Claire, une juriste parisienne de 45 ans sans compagnon ni enfant qui revient dans la maison que ses grands-parents maternels y avait achetée et où elle a passé toutes ses vacances avec sa mère et sa petite soeur. Elle est déterminée à vendre la maison. Le père, artiste-peintre, a, un jour quitté sa famille pour l’Argentine. Il n’a plus jamais donné de nouvelles. La mère, professeur, a fait disparaitre toute trace de son mari. La fille cadette, Armelle, délaissée, a été aimée par sa grand-mère. Claire doit régler ses comptes avec son passé sur lequel elle refusait de se retourner.  Un écriture sensible qui sait dire l’essentiel en peu de mots et trouver la vérité dans les objets et les odeurs.

Dans moins de trois semaines, nous nous envolerons pour la Haute-Corse. C’est un lieu enchanteur. La maison donne sur la baie de Calvi. Le matin, j’adore respirer les odeurs du maquis et voir tomber les légionnaires parachutistes. Mais, il faut prendre la voiture pour tout. Il fait très chaud et il y a beaucoup de monde. Je préfèrerais aller dans le Finistère l’été et à Lumio au printemps ou à la Toussaint. Mais, dans le Finistère, nous n’avons pas de chez nous et les prix des locations sont exorbitants.

Fin d’un accompagnement avec une patiente âgée de 30 ans qui avait besoin de revenir sur une histoire lourde et sur celle de ses parents et grands-parents. En 12 séances, je l’ai vue se transformer et je l’ai aidée à se séparer de son mari. Elle a pu se pardonner des actes du passé et pardonner à ses parents. Elle a appris à ne plus avoir peur d’elle-même. Elle s’est trouvée. C’est toujours un moment particulier celui où on sent que l’accompagnement est terminé. Elle sait qu’elle pet revenir me voir et aussi me donner des nouvelles. Cela me rend toujours heureuse de savoir comment vont mes patients.

Victoire révise sur la table de la terrasse avec Fantôme. Cookie doit dormir dans le jardin. Notre neveu aura bientôt fini son épreuve de philo. Je vais aller consulter les sujets en ligne. Je vais sans doute préparer une ratatouille. C’est pratique et bon avec du riz, des pâtes, des oeufs, du poisson. Notre grand-mère était la reine de la ratatouille. Ensuite, je me replongerai dans le livre de Régine Detambel sur la bibliothérapie. J’ai beaucoup aimé ce qu’elle écrivait sur Colette qui, à 55 ans, avait renoncé à l’amour physique et réinventé sa vie en s’appuyant sur l’exemple de sa mère et en se passionnant pour le jardin. Cela avait donné La naissance du jour. Cela m’a fait réfléchir et penser que moi aussi, à ma manière, j’avais pu réinventer une vie à partir du plateau et que, comme Marie Sizun, j’aurais tout le temps d’écrire vraiment quand je serai plus âgée.

Anne-Lorraine Guillou-Brunner

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