Chronique autour de petits gâteaux alsaciens

Quand Stéphane et moi nous sommes mariés, nous avons été très gâtés. Parmi les cadeaux, un livre sur la pâtisserie alsacienne offert par une tante et un oncle de Stéphane vivant en Alsace. Je ne savais pas alors combien j’utiliserais ce livre dont certaines pages portent des traces de graisse ou de chocolat. J’ai surtout suivi les recettes données dans le chapitre intitulé « Les petits gâteaux ». Même si ces gâteaux peuvent se déguster toute l’année, c’est à l’approche de Noël que, dans les familles alsaciennes, on les confectionne en grande quantité. Beaucoup de femmes se mettent à pétrir, mouler et cuire une multitude de pâtes sous les yeux envieux des enfants qui guettent la sortie de la première fournée pour pouvoir les goûter. Les petits gâteaux sont rangés dans de grandes boites hermétiques dans lesquelles ils se conservent plusieurs semaines.

Le livre répertorie pas moins de quarante-six recettes de petits gâteaux comme les bois de cerf, les croûtes aux noisettes, les dents de loup, les étoiles à la cannelle, les petites duchesses aux cynorrhodons, les spritzbredle ou les tuiles aux noisettes. Jusque dans les années 50, les petits gâteaux étaient accrochés aux branches du sapin avec des rubans. Ces gâteaux sont d’une incroyable diversité. Certains contiennent de la poudre d’amande ou de noisette, d’autres sont parfumés avec le zeste râpé d’un citron ou un verre de vin blanc, de la cannelle, de l’anis, de poudre de clou de girofle, de la noix de coco ou du cacao.

Aussi longtemps que les enfants ont été à l’école maternelle et primaire, j’ai confectionné des centaines de petits gâteaux tous les ans pour le marché de Noël organisé par l’APE. J’aurais aimé m’investir davantage au sein de l’APE mais avec un mari souvent absent et pas de soutien familial, ce n’était pas possible. Mon aide ne pouvait être que ponctuelle. La préparation de ces petits gâteaux est très chronophage et il n’était pas rare que je les termine la nuit ou très tôt le matin. C’est une période de l’année que mes patients affectionnaient particulièrement car, dans la maison, flottait une délicieuse odeur de gâteaux.

Dans une boite, je conserve toutes les formes utilisées pour les gâteaux: étoile, lune, coeur, bonhomme, éléphant, rhinocéros. J’ai un set d’étoiles de différentes tailles, cadeau de ma soeur, quand sa famille et elle vivaient à Los Angeles. Ce n’est pas tant la préparation des différentes pâtes qui demandent du temps que de les étaler sur le plan de travail fariné et d’y faire naître sujets, personnages ou animaux. Quand la pâte devient molle, les formes refusent obstinément de se décoller.

Les enfants aimant souvent les choses simples, je privilégiais les petits fours au beurre, appelés en Alsace « Butterbredle » et les sablés marbrés. Une année, je me suis amusée à expérimenter d’autres gâteaux. J’ai confectionné des Spritzbredle, des croissants de lune aux amandes, des étoiles à la cannelle et des petits gâteaux aux noisettes.

Quand les gâteaux étaient cuits, que les enfants avaient prélevé leur part, je les mettais à l’abri dans des boites en métal ayant contenu des sablés ou des palets bretons, des sachets de thé ou d’infusion. Venait alors la dernière étape: la présentation. Tout au long de l’année, j’essayais de conserver des jolies boites qui pourraient servi à les y ranger ou, alors, j’achetais des coquilles saint-Jacques argentées, les dissimulais sous une serviette en papier aux couleurs de Noël et déposais un assortiment de gâteaux dessus. Le tout était après emballé dans du papier cristal et fermé avec du ruban rouge, vert ou doré. Il ne restait plus qu’à coller une belle étiquette et inscrire « Petits gâteaux alsaciens ».

Le matin du marché de Noël, comme j’étais heureuse d’apporter ma petite production aux membres de l’APE. Si je le pouvais, je restais dans le hall de l’école pour les aider à organiser l’espace et à mettre en place tous les objets proposés à la vente dont ceux que les enfants avaient préparés. C’était toujours un moment très attendu et très joyeux. Les enfants repartaient avec des sujets à accrocher dans le sapin, un centre de table, une ardoise décorée. Je n’omettais jamais de glisser dans notre panier trois glycines que nous irions ensuite installer près de la crèche. Mes petits gâteaux disparaissaient vite. Déjà, avant le marché de Noël, on me demandait si j’en ferais.

Cette semaine, Céleste m’a dit qu’elle aimerait beaucoup que je fasse des sablés au chocolat. J’ai acheté tous les ingrédients. Je les confectionnerai demain. Dimanche, les enfants installeront la crèche. Avec beaucoup de soin, ils sortiront les santons de leur feuille de papier absorbant. Ils viendront les disposer à leur guise sur le papier crèche. Habituellement, leur grand-mère leur offre à chacun un santon. Elle les achète à la foire aux santons qui se tient dans la ville où elle habite. Malheureusement, cette année, pas de foire. Comme tous les ans, Louis sera très heureux de retrouver son boulanger digne de Raimu dans « La femme du boulanger ». Les filles admireront leurs belles Arlésiennes. Louis installera les animaux. Je serai ravie de revoir ce petit âne portant des paniers chargés de fruits acheté dans une boutique à Corte. Comme toujours, je serai émue à la vue du pauvre Michaud qui a mon âge et, le temps passant, les déménagements se succédant, a perdu et ses bras et ses couleurs.

Pendant toute la durée de l’installation de la crèche, j’entendrai la voix pleine de soleil et de chaleur de Tino Rossi chanter « Le Noël des petits santons ». Le petit Jésus sera dissimulé dans le haut d’un meuble contenant de la vaisselle. Nous attendrons le jour de Noël pour le coucher dans la crèche.  Quand les enfants étaient plus jeunes, nous mettions à profit de belles promenade en forêt pour ramasser des feuilles d’automne. Elles séchaient entre les pages du dictionnaire et, ensuite, elles servaient à décorer les abords de la crèche. Le sapin, lui, viendra plus tard. Un épicéa dont l’odeur reconstituera la forêt vosgienne. Maintenant que nous avons accueilli un chat à la fin du mois d’août, un chat qui aime tant l’eau que je me demande s’il ne faudrait pas envisager de l’inscrire à des cours de natation, je m’attends à ce qu’il prenne le tronc du sapin d’assaut et joue avec les décorations.

Je vous souhaite à toutes et à tous une belle entrée dans le temps de l’Avent. Cette année, encore plus que les années précédentes, restons concentrés sur ce qui importe le plus: le partage et la solidarité.

Anne-Lorraine Guillou-Brunner

 

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